À un moment où nombre d’électeurs travaillistes sont déçus par Keir Starmer, un sondage publié ce jeudi révèle que 59% des militants du Labour souhaitent que le premier ministre adopte une ligne plus à gauche.
Le Labour menacé par Jeremy Corbyn ? Un sondage publié par le média travailliste LabourList ce jeudi 21 août et réalisé par l’institut Survation révèle qu’un membre sur quatre du parti travailliste, soit 28 %, envisage de voter pour le nouveau mouvement de Jeremy Corbyn lors des prochaines élections générales. L’ancien dirigeant du Labour Party de 2015 à 2020 avait annoncé officiellement la création de Your Party (« votre parti ») le 24 juillet dernier. Aujourd’hui, grand allié de la cause palestinienne, il prépare le lancement officiel de cette formation pour l’automne.
Beaucoup d’électeurs travaillistes, qui espéraient que Keir Starmer incarne le changement après quatorze ans de gouvernements conservateurs, sont déçus par les décisions du premier ministre. Au printemps dernier, celui-ci a été accusé de mettre ses pas dans ceux des conservateurs en présentant une réforme des allocations dont bénéficient les personnes handicapées. Finalement, confronté à une rébellion parlementaire d’un tiers de ses députés, l’exécutif a été contraint d’amender son projet de loi à plusieurs reprises, sans renoncer pour autant à la très controversée réforme. Ainsi, sans surprise, selon l’enquête menée auprès de 1021 adhérents travaillistes, 59 % souhaitent que Keir Starmer adopte une ligne plus à gauche, tandis que 35 % demandent une mise en œuvre plus rapide de son programme actuel. Seuls 2 % préconisent un recentrage vers la droite.
Bien qu’un membre sur quatre ait déclaré soutenir le nouveau parti de Jeremy Corbyn, toutefois, 51 % redoutent que la création d’un nouveau parti divise la gauche et favorise une victoire des conservateurs ou des nationalistes du Reform UK. Pour 14 %, l’initiative n’aurait aucun effet sur les chances électorales du Labour, tandis que 12 % estiment que l’impact principal se ferait au détriment du parti écologiste.
«Un tournant» dans la vie politique, selon Corbyn
Réagissant aux résultats, une source travailliste a défendu l’action de Keir Starmer, affirmant qu’il restait concentré sur la construction d’«une Grande-Bretagne plus juste pour les travailleurs».
De son côté, Jeremy Corbyn a salué «un tournant» dans la vie politique britannique, affirmant que 700.000 personnes avaient déjà exprimé leur soutien à un projet fondé sur «la propriété publique, la redistribution des richesses, la justice sociale et la paix», pour éliminer les «inégalités», la «pauvreté» et la «guerre». «Ce n’est que le début», a-t-il affirmé.
Le parti politique, temporairement baptisé Your Party, est coordonné par Jeremy Corbyn, la députée Zarah Sultana, qui a comparé la création du nouveau parti à celle «du NHS et l’extension du droit de votes aux femmes», ainsi que quatre autres députés élus comme indépendants sur une plateforme pro-Gaza en juillet dernier. La date et le lieu de la conférence fondatrice, ainsi que les modalités de l’élection interne, restent à définir.
L’ancienne députée travailliste Diane Abbott, proche de Jeremy Corbyn, a déclaré lors du Festival du livre d’Édimbourg le 21 août dernier avoir déconseillé ce projet, soulignant les difficultés d’un nouveau parti face au système électoral majoritaire uninominal à un tour. Elle a néanmoins reconnu que la formation pourrait attirer des électeurs déçus de la ligne actuelle du Labour.
Un Labour fragilisé, Reform UK en ascension
Ce débat intervient alors que le parti travailliste a vu son nombre d’adhérents chuter à 333.235 fin 2024, contre plus de 532.000 au pic de l’ère de Jeremy Corbyn en 2019. Le parti a ainsi perdu près de 200.000 membres au cours des cinq dernières années. À l’inverse, Reform UK a doublé ses ressources, avec 4.3 millions de livres de cotisations et 5.8 millions de dons en 2024, contre 1.3 millions l’année précédente, selon le Financial Times.
Dans le même temps, plusieurs figures travaillistes ont critiqué la première année de gouvernement de Keir Starmer. Parmi eux, le maire de Londres, Sadiq Khan, a jugé le bilan «difficile». Le député Ian Byrne a par ailleurs dénoncé les coupes sociales jugées «suicidaires sur le pas-de-porte», selon The Big Issue.