Niki de Saint Phalle est une artiste plasticienne, peintre, sculptrice et réalisatrice. Elle est une figure majeure de l’avant-garde européenne du XXe siècle. Parmi ses œuvres les plus emblématiques figurent les Nanas, grandes sculptures colorées de femmes aux formes généreuses, qui célèbrent la féminité, de façon ludique et politique, rompant avec les représentations traditionnelles du corps féminin. Au-delà de ses sculptures, Niki de Saint Phalle a également marqué le monde de l’art avec des projets monumentaux, dont le Jardin des Tarots en Toscane (Italie), entre 1979 et 1993. Ce parc de sculptures est considéré comme l’une de ses réalisations les plus abouties, mêlant architecture, sculpture et spiritualité.
Entre joie et subversion : l’art comme terrain de jeu
L’exposition Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten au Grand Palais à Paris plonge le spectateur dans l’univers bouillonnant de Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely à travers le regard visionnaire de Pontus Hulten. Entre passion et création sans limites, l’alchimie qui unit ces artistes et leur complice leur permet de créer un art libre, participatif et révolutionnaire. « Des âmes sœurs », comme le dit Niki de Saint Phalle elle-même, qui se mettent en valeur l’un et l’autre : « ce qui est absolument génial, et je pense que c’est presque unique, c’est que Jean Tinguely l va bien souvent être l’assistant de Niki de Saint Phalle ».
Niki de Saint Phalle lors de sa séance de tir réalisée dans une cour à Stockholm le 14 mai 1961 – © Centre Pompidou, adagp
Couple mythique, Niki de Saint Phalle (1930 – 2002) et Jean Tinguely (1925 – 1991) sont unis par un lien artistique indéfectible et une vision commune de la création comme acte de rébellion contre les normes établies. L’exposition retrace l’itinéraire prolifique de ces deux artistes à travers la figure de Pontus Hulten (1924 – 2006), premier directeur du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou, qui partage leur conception d’un art disruptif, pluridisciplinaire et participatif. Tout au long de sa carrière, il fournit un soutien inconditionnel à Saint Phalle et Tinguely : acquisitions d’œuvres, rétrospectives dédiées, cartes blanches et appui à des projets hors normes tels que la gigantesque Nanade l’exposition Hon – en Katedral (1966) au Moderna Museet de Stockholm, ou l’exposition Le Crocrodrome de Zig & Puce (1977) dans le Forum du Centre Pompidou.
Niki de Saint Phalle fascine aujourd’hui par la modernité de sa pensée et de son action. Camille Morineau, conservatrice et historienne de l’art, souligne qu' »elle se nourrit, au moins autant de ce qui se passe autour d’elle que de son histoire personnelle, qu’elle va au fond sublimer. »
L’œuvre de Niki de Saint Phalle se déploie ainsi dans une tension constante entre la rondeur, la couleur, la joie, et une forme de violence dont elle s’empare en tant que femme. « Cette brutalité, au fond, quand elle est apparue et associée à Niki de Saint Phalle, était extraordinaire, parce que c’était une femme qui domptait la brutalité, qui prenait la carabine, de telle sorte que son art peut être considéré comme un art proto-féministe. » Plus largement, cette « colère contemporaine », comme le dit Philippe Azoury, était « une colère de consommation, une colère de cause politique. »
La mythologie de Niki de Saint Phalle
L’artiste franco-américaine Niki de Saint Phalle (1930-2002) a, tout au long de sa carrière, peuplé ses œuvres d’animaux et de créatures facétieuses. Les Nanas restent l’emblème de Niki de Saint Phalle, cependant son bestiaire fascine, car il mêle symboles, ésotérisme et récit autobiographique. Animaux, monstres ou hybrides, ses personnages relèvent souvent de la mythologie et tendent à une double signification.
Niki de Saint Phalle, « Last Night I Had a Dream », 1968-1988, plusieurs pièces en polyester peint, dimensions diverses, Niki Charitable Art Foundation – © 2025 Niki Charitable Art Foundation / Adagp, Paris; Photo: © 2025 NIKI CHARITABLE ART FOUNDATION, tous droits réservés
L’exposition Le bestiaire magique au Centre d’art Caumont à Aix-en-Provence met en lumière l’influence exercée par les animaux et les créatures imaginaires sur l’artiste tout au long de sa vie. À travers ce thème encore jamais abordé, l’exposition montre comment son œuvre, tout au long de sa carrière, est peuplée d’un bestiaire magique fascinant, ancrée dans l’héritage du surréalisme.
Niki de Saint-Phalle, « Le Dragon Rouge », 1964 Assemblage de plâtre, grillage, tissu, peinture aérosol, ficelle, cheveux et figurines en plastique, 87 × 132 × 58 cm, courtesy galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois – © 2025 Niki Charitable Art Foundation / Adagp, Paris, André Morin photographe Niki au cinéma
Pour son premier long métrage, l’actrice et réalisatrice Céline Sallette s’est penchée sur la figure mythique de Niki de Saint Phalle. Niki s’attache aux années qui suivent l’arrivée de l’artiste en France, dans les années 1950, alors qu’elle vit avec son premier époux. Sur une décennie, le récit retrace la naissance d’une vocation et l’émancipation d’une femme, depuis ses premiers pas dans les cercles d’avant-garde jusqu’à sa rencontre avec Jean Tinguely, avec qui elle partagera sa vie et son art. Un « exemple », selon Céline Sallette.
Le film s’appuie sur l’autobiographie qu’elle écrit qui s’appelle Harry et moi les années de famille, un « parcours héroïque dans sa découverte de l’inceste, dans sa résilience, dans ses choix. » L’art de la plasticienne est imprégné de cet événement, ce que le film illustre : « elle passe du silence au cri, au cri de révolte, au cri de rage », explique Céline Sallette.
Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely par Charlotte le Bon et Damien Bonnard, dans le film « Niki » de Céline Sallette – Copyright Wild Bunch
Si elle a entamé une carrière d’actrice avant de se lancer dans l’art, Niki de Saint Phalle est aussi passée de l’autre côté de la caméra. Trois ans après Daddy, scénario qu’elle écrit, mais dont la mise en scène est confiée à Peter Whitehead, Niki de Saint Phalle réalise Un rêve plus long que la nuit, œuvre totale. Elle y dirige sa propre fille, transformée en une Alice moderne, égarée non pas au pays des merveilles, mais dans celui des grandes personnes et du patriarcat. Devenue adulte par enchantement, Camélia traverse un univers à la fois fantastique et cauchemardesque, dans des décors foisonnants imaginés par Saint Phalle et Jean Tinguely.
Un film « incroyablement singulier » et « en dehors des règles du bon goût et du mauvais goût », selon Philippe Azoury qui illustre l’émancipation de l’artiste et son affirmation.
Plus d’infos & d’actualités
- Exposition Le bestiaire magique au Centre d’art Caumont à Aix-en-Provence, commissaire : Lucia Pesapane, visible jusqu’au 5 octobre
- Exposition Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten au Grand Palais à Paris, coproduite par le Centre Pompidou et le GrandPalaisRmn, commissaire : Sophie Duplaix, visible jusqu’au 4 janvier 2026
- Niki de Saint Phalle, Pourquoi t’es connue ? livre pour enfant de Viencent Brocvielle, GrandPalaisRmnÉditions
Références
- Le film Un Rêve plus long que la nuit de Niki de Saint Phalle de 1976 ressorti au cinéma en juin 2025
Extraits sonores
- Extrait du film Un rêve plus long que la nuit, de Niki de Saint Phalle [1976], 2025
- Extrait du film Niki, de Céline Sallette, 2024
- « Screw, Blast, Blow », par Burning lady, 2013
Archives
- Niki de Saint Phalle sur sa relation avec Jean Tinguely, archives d’Albane Penaranda pour les Nuits de France Culture en mai 2022
- Niki de Saint Phalle sur les raisons qui l’ont conduite à faire du cinéma, janvier 1977, archives d’Albane Penaranda pour les Nuits de France Culture en mai 2022