Il y a toujours une déception lorsque des non-initiés observent dans un télescope traditionnel pour la première fois une galaxie : ils distinguent souvent au mieux une petite tache grise. Rien à voir avec les images sublimes que l’on trouve sur Internet, que ce soit les photos prises par Hubble ou le JWST, ces télescopes en orbite, ou celles d’astrophotographes de talent.

Mais cela, c’était avant les télescopes numériques qui sont désormais capables d’accumuler la lumière reçue et de faire ressortir les couleurs, les formes ténues des bras de galaxies, en quelques minutes. Emmagasiner, accumuler la lumière reçue dans un capteur numérique, voici l’idée de départ des fondateurs d’Unistellar, deux Français passionnés d’astronomie. Il faut ici préciser que l’œil humain ne fonctionne pas comme ça : nos yeux ne stockent pas la lumière, mais se réactualisent en continu, ce qui ne nous permet généralement pas de voir les couleurs des nébuleuses par exemple

Un écrin de qualité

Lorsqu’on reçoit le carton contenant ce petit bijou de technologie, on note que ce dernier est particulièrement bien emballé (triple emballage) et que la boîte de l’Odyssey est très bien pensée en plus d’être assez élégante :

Unboxing de l'Odyssey : on est agréablement surpris par la qualité de la boîte, des renforts en mousse bien positionnés et des outils type clé Allen et adapteurs secteurs pour le chargeur, au cas où vous trimballiez votre acquisition dans d'autres pays.

Unboxing de l’Odyssey : on est agréablement surpris par la qualité de la boîte, des renforts en mousse bien positionnés et des outils type clé Allen et adaptateurs secteur pour le chargeur, au cas où vous trimballiez votre acquisition dans d’autres pays.

© Brice Haziza

La boîte est très fonctionnelle et protègera correctement votre matériel. Heureusement, car le sac de transport est vendu au prix assez élevé de 299 €. Une toute petite critique cependant : l’extraction du télescope n’est pas évidente, il n’y a pas véritablement de cavité dans laquelle glisser sa main en entier.

De type « réfracteur », le tube possède une longueur focale (la distance que parcourent les rayons lumineux dans le tube) de 32 cm. C’est peu par rapport aux télescopes optiques traditionnels qui tournent plutôt autour des 90 cm. Cela aura pour conséquence d’être moins adapté pour l’observation des petits objets astronomiques, mais cela n’est pas un véritable handicap, nous verrons pourquoi. Le diamètre du miroir est de 85 mm. Là encore cela paraît assez faible par rapport aux 114 mm, qui sont plus ou moins la dimension standard qu’il est recommandé d’avoir pour un premier télescope. Mais encore une fois, notamment grâce à la technologie d’amplification lumineuse, ce n’est pas véritablement un problème. Et cela permet d’avoir un tube de taille modeste, donc facilement transportable.

Le tube est d'un format vraiment compact.

Le tube est d’un format vraiment compact.

© Brice Haziza

Cette notion de transportabilité n’est pas une maigre satisfaction, au contraire, elle est cruciale. Un adage chez les astronomes amateurs est que le meilleur instrument est celui qu’on utilise fréquemment. Posséder un tube géant de 200 mm sur 1500 mm est génial a priori, mais aurez-vous le courage de le transporter à chaque envie de faire une observation ? Ici, tout tient dans une valise.

Les miroirs de l’Odyssey, comme de toute la gamme Unistellar, sont conçus et développés en collaboration avec Nikon (la partie Nikon High Precision Optics) et ne nécessitent aucun alignement des miroirs manuel – ce qu’on appelle la collimation et qui est assez pénible à faire pour les débutants.

Image fabricant pour illustrer l'alignement des miroirs grâce à la technologie Nikon

Image fabricant pour illustrer l’alignement des miroirs grâce à la technologie Nikon

© Unistellar

Pour terminer sur l’aspect technique et sans aller trop loin dans les détails, parlons du rapport focal, qui est calculé comme suit : f/D (focale divisé par diamètre, qui correspondrait à l’ouverture photographique pour un appareil photo). L’Odyssey a un f/D de 3,9 ce qui pour un télescope optique traditionnel impliquerait des performances orientées vers le ciel profond plutôt que les planètes. Mais là encore, Unistellar brouille les pistes : grâce au capteur Sony de 3,4 mégapixels, à l’empilement des images, au traitement d’image optimisé pour l’observation planétaire, ainsi qu’à la mise au point automatique, l’Odyssey parvient à des résultats surprenants avec la Lune, Jupiter ou Saturne.

Lune gibbeuse croissante prise à l'Odyssey depuis un balcon de centre-ville.

Lune gibbeuse croissante prise à l’Odyssey depuis un balcon de centre-ville.

© Brice Haziza (Odyssey, Unistellar)

La très belle nébuleuse de l'Iris, prise à Draguignan pas loin des lumières de la ville. 8 min de temps de pose.

La très belle nébuleuse de l’Iris, prise à Draguignan pas loin des lumières de la ville. 8 min de temps de pose.

© Brice Haziza (Odyssey, Unistellar)

Deuxième agréable surprise, simple mais qui fait plaisir : le télescope arrive initialement chargé à 50%, ce qui permet une prise en main immédiate. La sensation d’avoir affaire à un matériel qui justifie son prix relativement élevé se poursuit en découvrant le matériel : le trépied « haut de gamme », en aluminium, avec ses trois segments télescopiques par pied, a l’air robuste et occupe très peu de place. Une fois déplié au maximum, le trépied arrive à un peu plus de 100 cm (102), mais grâce à ses trois niveaux, vous pourrez l’adapter sans aucun problème à la hauteur voulue.

Unistellar Odyssey : l'astronomie grand public a-t-elle trouvé son Graal ?

Intégrer le télescope sur le pied se fait très facilement : le tube est assez léger avec ses 4 kilos et pas très long avec ses 43 cm. Mais avant de s’en servir, il faudra bien entendu télécharger l’application indispensable Unistellar App.

Il vous faudra connecter l’appli à votre télescope, ce qui se fait sans aucune difficulté. Après activation du Bluetooth sur le téléphone et la sélection de l’Odyssey, qui a toujours été détecté sans difficulté par l’appli, vous pourrez commencer à découvrir son fonctionnement.

En cliquant sur l’icône de réglages vous aurez accès aux boutons de fermeture du télescope, aux détails de son état de charge, etc. Il est recommandé d’effectuer une calibration du capteur qui nécessite de laisser le cache sur le tube. Cette calibration permet de réduire ce que les astronomes appellent le bruit (sur les futures photos), disons des parasites, et d’obtenir de beaux noirs. Mais nous ne l’avons effectuée qu’à la troisième utilisation, sans remarquer de différence notable. Vous pouvez donc sauter cette étape, qui prend environ 1 min, lors de votre première utilisation. Si les images ont un bon rendu, pas d’inquiétude.

Ensuite, l’appli vous proposera une petite sélection d’objets astronomiques en première page. Vous avez bien entendu la possibilité de faire vos recherches vous-mêmes en tapant le nom connu d’un objet ou sa référence dans un catalogue astronomique : par exemple si vous tapez « Aigle » ou « M16 », l’appli vous propose la nébuleuse de l’Aigle (M16). Très simple, et efficace.

Interface de l'Unistellar App avec les objets astronomiques présélectionnés à pointer aux télescope.

Interface de l’Unistellar App avec les objets astronomiques présélectionnés à pointer au télescope.

© Unistellar

Si vous en êtes au même stade que le test, vous n'avez plus longtemps à attendre avant d'obtenir une magnifique photo comme celle de l'amas globulaire M13, véritable feu d'artifice de soleils...

Si vous en êtes au même stade que le test, vous n’avez plus longtemps à attendre avant d’obtenir une magnifique photo comme celle de l’amas globulaire M13, véritable feu d’artifice de soleils…

© Brice Haziza (Odyssey, Unistellar)

Sachant que le télescope est entièrement motorisé et a accès à environ 5 000 objets du ciel profond, c’est-à-dire des galaxies, nébuleuses, amas stellaires, à l’exclusion des étoiles, vous aurez une grande gamme d’objets à observer dès la première utilisation. Bien entendu, une partie se trouve dans l’hémisphère sud et la moitié de ce qu’il reste ne sera pas visible de nuit à la période où vous observerez (par exemple, la constellation d’Orion est une constellation d’hiver, donc en été elle est dans notre ciel de jour).

Pour une première fois, nous vous recommandons des cibles faciles, et de grande taille afin d’avoir un rendu impressionnant. Parmi elles nous pouvons citer le Soleil bien entendu mais à n’observer qu’avec le filtre vendu séparément (au risque de brûler irrémédiablement votre tube en quelques secondes, voire de provoquer un incendie), la Lune, Jupiter, Saturne, ou bien dans le ciel profond : M42 (Orion), M27 (l’Altère), M16 (la somptueuse nébuleuse de l’Aigle), M31 (galaxie d’Andromède), ou des amas d’étoiles (M13 est magnifique).

Une fois votre cible sélectionnée sur l’appli, celle-ci vous donne quelques informations, comme sa position dans le ciel, son altitude et son azimut (son angle par rapport à une direction de référence), pendant combien de temps elle est visible en fonction de votre lieu d’observation et un petit descriptif très souvent de bonne qualité, nous n’avons relevé qu’une petite erreur sur la cinquantaine de cibles testées : la nébuleuse de l’Iris, magnifique au demeurant, est cataloguée comme rémanent de supernova au lieu d’être identifiée comme une nébuleuse par réflexion. Rien de grave, et sur 5 000 objets astronomiques c’est bien compréhensible.

Voici quelques images de notre première nuit d’observation, parmi les cibles citées plus haut :

La somptueuse nébuleuse de l'Aigle, M16, avec seulement 3 min de temps de pose.

La somptueuse nébuleuse de l’Aigle, M16, avec seulement 3 min de temps de pose.

© Brice Haziza (Odyssey, Unistellar)

La nébuleuse de l'Altère (M27), avec 4 min de temps de pose, elle est de très grande taillec ce qui est en fait une cible de choix.

La nébuleuse de l’Altère (M27), avec 4 min de temps de pose, elle est de très grande taillec ce qui est en fait une cible de choix.

© Brice Haziza (Odyssey, Unistellar)

Après quatre séances d’observation dans des lieux différents, voici nos impressions.

La première observation fut faite à 30 km d’une grande agglomération, dans un ciel de qualité moyenne. Nous avons été immédiatement saisis par la qualité des détails sur les grandes nébuleuses telles que M16, ou même M27 qui est très imposante en termes de taille apparente.

Le procédé d’amplification lumineuse est très rapide. Nous avons remarqué un palier vraiment flagrant vers 2 minutes de temps de pose, que ce soit pour les nébuleuses ou les galaxies : à partir de la deuxième minute les formes générales sont toutes apparues et les couleurs commencent à donner des nuances. Donc nous vous recommandons de toujours atteindre ce temps de pose, disons minimal, pour le ciel dit profond. Il existe aussi une touche permettant de forcer les couleurs, le Vivid Amplification Technology : la fonction apparaît justement après un certain nombre d’empilements d’images et permet de forcer contrastes et couleurs. Elle fait notamment apparaître les différentes couleurs d’étoiles. Il est possible que le palier dont nous parlons plus haut soit directement lié à la VAT, mais il nous semble que ce sont deux processus similaires bien que différents.

Voici deux exemples d’évolution des images grâce à l’amplification lumineuse et la VAT (l’utilisation de la VAT se distingue par la couleur des étoiles qui apparaît et les blancs qui deviennent plus ternes).

Voici M27, nébuleuse dite de l’Haltère, ou du Petit Renard, qui se démarque des autres nébuleuses planétaires par sa taille apparente impressionnante. Il s’agit d’une étoile de type solaire arrivée en fin de vie et qui expulse ses enveloppes gazeuses superficielles :

Seulement 2 min de temps de pose pour obtenir une si belle nébuleuse de l'Haltère. On peut noter un satellite qui apparait sur la troisième image et devient très discret sur l'image finale en bas à gauche.

Seulement 2 min de temps de pose pour obtenir une si belle nébuleuse de l’Haltère. On peut noter un satellite qui apparait sur la troisième image et devient très discret sur l’image finale en bas à gauche.

© Brice Haziza (Odyssey, Unistellar)

Ici, la célébrissime nébuleuse de l’Aigle, M16, avec en son cœur les Piliers de la Création, immortalisés par Hubble et le James-Webb. Il s’agit d’une nébuleuse pouponnière d’étoiles avec un amas ouvert à l’intérieur, des étoiles justement nées dans ce gaz.

M16, en seulement 3 minutes de temps de pose. Impressionnant.

M16, en seulement 3 minutes de temps de pose. Impressionnant.

© Brice Haziza (Odyssey, Unistellar)

Donc, que ce soit pour les galaxies ou les nébuleuses, le résultat est assez impressionnant et ne déçoit vraiment pas. Obtenir de telles vues sans technique ni connaissances particulières est très satisfaisant et justifie sans problème le coût de l’Odyssey.

Et les planètes depuis son balcon dans tout ça ?

L’Odyssey est présenté comme un télescope capable de produire d’excellents résultats même en présence de pollution lumineuse, donc près des centres urbains, et dans le domaine planétaire, alors que ses spécificités techniques ne sont pas habituellement celles préconisées pour des objets proches et brillants comme les planètes.

L’essai qui suit peut être considéré comme un baptême du feu : il a été réalisé un soir où le ciel était de qualité médiocre, c’est-à-dire avec de la turbulence nuageuse, un voile diffus et surtout un balcon résidentiel en plein centre-ville et horriblement éclairé par deux puissantes lampes iodure-mercure de 2000 watts chacune. Autant dire que nous nous attendions à rien ou pas grand-chose.

La cible choisie : la reine des astronomes amateurs, à savoir Saturne. Mais là encore, il faut savoir qu’en 2025 notre angle de visée depuis la Terre nous montre les anneaux de Saturne pile dans le plan équatorial de la planète, et donc les anneaux n’apparaissent que comme un trait et non une belle boucle. Encore un défi à relever pour l’Odyssey.

Saturne dans les pires conditions imaginables pour l’Odyssey ?

Saturne vue depuis un balcon de centre-ville extrêmement éclairé.

Saturne vue depuis un balcon de centre-ville extrêmement éclairé.

© Brice Haziza (Odyssey, Unistellar)

Est-ce que c’est une jolie photo de Saturne, considérant le manque d’inclinaison absolu des anneaux de la géante gazeuse ? Non, ne mentons pas. Est-ce qu’on pouvait attendre mieux ou même aussi bien de la part d’un télescope numérique dans des conditions aussi désastreuses (4000 watts d’éclairage urbain quasiment orienté vers le télescope) ? Non, pas du tout. En voyant une pareille photo, on peut effectivement constater que les algorithmes de gestion et d’atténuation de la pollution lumineuse fonctionnent vraiment bien. Bravo aux ingénieurs.

Le partenariat avec la NASA et le SETI est un super plus

Unistellar a un réseau bien développé et étendu. Vous pourrez ainsi participer à des programmes de science participative très accueillants, chapeautés par de véritables professionnels. Un site vous sera rendu accessible dans lequel vous trouverez des conseils, de nouvelles cibles pour aider à mieux caractériser des comètes à peine découvertes ou des astéroïdes, des occultations d’étoiles par un astéroïde, etc.

Cet aspect-là est loin d’être un prestigieux gadget : il permet de mettre encore plus de sens à ses observations et de ne pas se retrouver seul avec son instrument, qui reste un des plus grands dangers pour l’astronome amateur débutant.