l’essentiel
Ancien agent et producteur, à la tête du Festival du film francophone d’Angoulême, Dominique Besnehard ne croit pas du tout à la mort programmée du 7e art, tout en pointant du doigt une qualité des films qui n’est plus au rendez-vous.

La fréquentation des salles de cinéma est en berne, comment l’expliquez-vous ?

Je crois surtout qu’il faut se poser la question de la qualité des films. Quand j’étais gamin, ou même étudiant, on faisait des reprises de films qui avaient eu du succès. L’été, on présentait des films qui avaient été marquants. 37,2 le matin était ressorti, ou par exemple les films de Besson. Mais là, en ce moment…

Celui sur le pape (Papamobile, sorti le 13 août dans seulement 7 salles, NDLR), c’est l’expression de ce qui se passe : un véritable calvaire. On a l’impression qu’on fait tout ce qu’on n’a pas envie de montrer. Il y a vraiment cette sensation qu’on nous présente des fins de série. Avant, ce n’était pas du tout comme ça.

Êtes-vous inquiet de cette désertion de la part des spectateurs ?

Je ne l’ai jamais été. Regardez, après le Covid, on avait dit que ça ne repartirait jamais. Le vrai problème, c’est la programmation. S’il y avait un bon film à voir, je suis sûr que les gens iraient. On ne peut pas tromper le spectateur. Aujourd’hui, il est courant de tout, notamment à travers les réseaux sociaux. Et franchement, en ce moment, les propositions ne sont tout simplement pas à la hauteur. Cette année, il y a une baisse de la fréquentation mais ça va repartir. Le cinéma ne sera jamais mort !

« On ne permet plus aux films de faire carrière »

Est-ce qu’on produit trop de films, selon vous, notamment en France ?

Jamais vous ne m’entendrez dire qu’il y a trop de films. Il y a trop de films, oui, dans le sens où on ne leur permet pas, ou plus, de faire carrière dans une époque où tout va très vite. Mais il faut continuer la création. Quand vous voyez les autres pays d’Europe, en France, on a quand même un système de production extraordinaire. On a des aides que tous les pays nous envient.

Le prix des places de cinéma est un sujet qui revient souvent…

Il faut arrêter avec ça ! Il y a des abonnements, des cartes, des réductions. À Paris, les étudiants payent 5 euros en semaine au MK2. Ce sont les gens qui ne vont pas au cinéma qui disent que c’est trop cher.

Quand le patron de Netflix dit que regarder un film sur grand écran au cinéma est un concept dépassé, cela vous fait-il bondir ? Les plateformes vont-elles avoir la peau des salles ?

Netflix, je regarde de temps en temps. Mais quand on regarde la télé, ce n’est pas la même concentration, la même perception. Comme disait Jean-Luc Godard, au cinéma, on lève la tête ; à la télé, on la baisse. C’est un geste majestueux de lever la tête ensemble. Le cinéma n’est pas qu’un produit, c’est une oeuvre.

« Toutes ces comédies françaises, souvent malheureusement avec Kad Merad, les gens n’en veulent plus »

Vous disiez qu’on ne peut plus tromper le spectateur, mais comment refaire de la qualité ?

La facilité ne marche plus. Ce n’est pas parce qu’on met un acteur comique en tête d’affiche que les gens vont se déplacer. Toutes ces comédies françaises – souvent malheureusement avec Kad Merad alors que c’est un acteur formidable – les gens n’en veulent plus.

Au festival d’Angoulême, on va présenter cette année un long-métrage qui s’appelle C’était mieux demain, avec Didier Bourdon et Elsa Zylberstein. C’est drôle, intelligent. On peut faire des films comme ça. Un Cédric Klapsich, il arrive à faire des propositions à la fois poignantes, et des choses drôles. Dans un autre registre, il y a un film avec Isabelle Huppert et Laurent Lafitte, La femme la plus riche du monde (inspiré de l’histoire entre Liliane Bettencourt et le photographe François-Marie Banier, NDLR), qui va bientôt sortir, et c’est formidable.


Cette année, au festival du film francophone d’Angoulême, le Québec sera mis à l’honneur. Comment se présente cette 18e édition (25-30 août) ?

On a un très beau jury avec Diane Kruger pour présidente cette année. Surtout, beaucoup de jeunes viennent voir les films. Nous avons déjà presque tout écoulé au niveau des pass. L’an passé, on avait battu notre record avec 62 000 spectateurs, et on va faire mieux cette année, autour de 66 000. Ce festival, c’est une forme de déclic pour la rentrée.