En septembre 2022, destinés à acheminer du gaz russe en Europe occidentale via la mer Baltique, les gazoducs Nord Stream 1, alors à l’arrêt, et Nord Stream 2, sur le point d’être mis en service, furent victimes de quatre explosions survenues quasi simultanément. Les enquêtes menées par les autorités danoises, suédoises et allemandes s’accordèrent sur le fait que ces infrastructures avaient été sabotées. Restait à savoir par qui…

Les hypothèses sur les auteurs présumés de ce sabotage n’ont depuis pas manqué. Pour certains, la Russie ne pouvait qu’être soupçonnée, même si aucune preuve ne put être produite pour la confondre, hormis la présence de l’un de ses navires ravitailleurs de sous-marin près des gazoducs au moment où les explosions eurent lieu. En réponse, Moscou accusa les forces spéciales britanniques et américaines, sans apporter le moindre élément pour appuyer ses dires. Enfin, le journaliste indépendant Seymour Hersch mit sa crédibilité en jeu en affirmant que le coup avait été préparé par l’US Navy, avec l’aide de la Norvège.

En 2024, les autorités judiciaires danoises et suédoises mirent un terme à leurs investigations, en expliquant qu’elles n’avaient pas assez d’éléments pour désigner les suspects et engager des poursuites. Et cela alors que, de leur côté, les enquêteurs allemands s’intéressaient de près à une piste menant à des ressortissants… ukrainiens.

Ces derniers, munis de faux passeports, s’étaient embarqués à bord du voilier « Andromeda », loué par une société de droit polonais – Ferria Lwowa – appartenant à un hommes d’affaires natif d’Ukraine. Ce bateau appareilla de Rostock [Allemagne] le 6 septembre 2022. Puis il navigua près de l’île danoise de Christiansø et de celle de Sandhamn en Suède, avant d’être restitué « non nettoyé » à son propriétaire. Ce qui permit aux enquêteurs d’y trouver des restes d’explosifs.

En juin 2024, l’enquête prit un tournant quand le parquet fédéral allemand émit un mandat d’arrêt européen à l’encontre d’un certain Volodymyr Z., un moniteur de plongée ukrainien soupçonné d’être lié au sabotage des gazoducs et supposé vivre en Pologne.

En vertu des règles de l’entraide judiciaire européenne, les autorités polonaises avaient soixante jours pour répondre à la requête adressée par Berlin et interpeller le suspect. Or, expliquant que leurs homologues allemandes avaient omis d’inscrire le nom du suspect sur le registre des personnes recherchées, elles se gardèrent d’agir, ce qui permit à Volodymyr Z. de prendre la fuite.

Pour autant, rapportèrent certains médias d’outre-Rhin, les autorités allemandes auraient fait part de leur « étonnement » face au « manque de coopération de la Pologne » et évoqué de « complicités qui auraient pu bénéficier » au suspect et à ses complices.

Mais probablement que l’on finira bientôt par connaître le fin mot de cette affaire. En effet, ce 21 août, le parquet fédéral a indiqué que la gendarmerie italienne [Arma dei Carabinieri], en étroite collaboration avec le service de coopération internationale de la police, venait d’interpeller le « citoyen ukrainien Serhii K » dans la province de Rimini, sur la base d’un mandat d’arrêt européen qu’il avait récemment émis.

« Serhii K. faisait partie d’un groupe de personnes qui, en septembre 2022, ont placé des explosifs sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2 près de l’île de Bornholm. Il s’agit vraisemblablement d’un des coordinateurs de l’opération », a expliqué le parquet fédéral allemand, via un communiqué. « Lui et ses complices ont utilisé un voilier au départ de Rostock. Ce yacht avait été loué auparavant à une société allemande par des intermédiaires utilisant de faux papiers d’identité », a-t-il ajouté.

Ce ressortissant ukrainien, soupçonné d’avoir enfreint les articles 308(1), 88(1) et 305(1) du Code pénal allemand sera prochainement présenté à un juge d’instruction de la Cour fédérale de justice de Karlsruhe.

Outre Volodymyr Z. et Serhii K., trois autres hommes et une femme sont également soupçonnés par la justice allemand d’avoir pris part au sabotage des deux gazoducs.

L’un des points à éclaircir porte sur le ou les commanditaire(s) de cette opération. Le nom du général Valeri Zaloujny, qui commandait les forces spéciales ukrainiennes au moment des faits avant de prendre la tête de l’état-major général, a été avancé par la presse. Mais l’intéressé a nié toute responsabilité.