Certains y voient une «soumission» de l’Europe, d’autres un bon compromis. Ce jeudi 21 août, après des mois de négociations tendues, l’Union européenne et les Etats-Unis ont publié une déclaration conjointe qui ouvre la voie à un apaisement dans leurs relations commerciales. Un texte regardé de près dans le secteur automobile car les menaces de droits de douane du président américain Donald Trump ont souvent porté sur les voitures étrangères. Selon cet accord, qui n’est pas encore définitif, les taxes sur les véhicules européens se limiteront finalement à 15%, au lieu de 27,5%. Un motif de soulagement pour les constructeurs automobiles.

Néanmoins, un élément de l’accord a fait sursauter l’ONG Transport & Environment (T&E). C’est une petite phrase inscrite dans la déclaration conjointe : «En ce qui concerne l’automobile, les États-Unis et l’Union européenne ont l’intention d’accepter et de reconnaître mutuellement leurs normes respectives.» Selon l’organisation, une telle piste pourrait accélérer les ventes de voitures américaines en Europe. Une perspective qu’elle juge inquiétante en raison des normes automobiles plus permissives aux États-Unis, pays réputé pour ses gros SUV et ses pick-up.

Les SUV et les pick-up américains seraient moins sûrs pour les piétons

«Mettre en œuvre ce pacte désastreux impliquerait de renoncer aux lois européennes qui imposent le freinage d’urgence, les rappels de ceinture de sécurité et l’interdiction des angles tranchants sur les véhicules», alerte James Nix, responsable des politiques automobiles chez T&E. Le lobbyiste dénonce ainsi une «trahison» et une «capitulation» qui risque «de coûter des vies sur les routes européennes». Selon l’ONG, le nombre de piétons morts sur les routes est trois fois plus élevé aux Etats-Unis qu’en Europe. Parmi les dangers de ces véhicules surélevés, on peut évoquer la faible visibilité sur des enfants qui traversent la route.

«Le design des véhicules européens est prévu pour que les capots se déforment en cas de collision, de façon à ce que le véhicule absorbe une partie du choc à la place du piéton», rappelle Arnaud Aymé, expert de l’industrie automobile au cabinet Sia Partners. «Les véhicules américains font un certain nombre de morts aux Etats-Unis mais ils feraient peut-être pire sur des routes européennes. Car toute notre infrastructure routière est prévue pour des véhicules de taille européenne», ajoute l’expert. T&E a d’ailleurs partagé l’image d’un pick-up RAM juste à côté d’une citadine Peugeot (deux marques du groupe Stellantis). Un cliché qui fait apparaître d’importantes différences de dimension.

Une voiture Peugeot à côté d'un pick-up RAM à Bruxelles (Belgique).

Une voiture Peugeot à côté d’un pick-up RAM à Bruxelles (Belgique).

© T&E

A côté de la sécurité, se pose aussi la question de la sobriété. T&E pointe du doigt les émissions de CO2 de ces grosses voitures américaines en prenant l’exemple de RAM, une marque réputée pour ses pick-up. L’ONG chiffre les émissions moyennes des voitures RAM à 347 grammes de CO2 par kilomètre. C’est plus du triple des émissions moyennes constatées sur les voitures neuves vendues en France. Dans le cas des voitures électriques, ces écarts d’émissions ne s’effacent pas complètement car des gros SUV nécessitent des batteries plus lourdes et donc davantage de matériaux.

Une opportunité pour le Cybertruck de Tesla ?

Pour l’instant, les gros véhicules américains sont peu populaires en Europe. T&E estime que seulement 7 000 pick-up américains ont été vendus dans l’Union européenne en 2024 grâce à une procédure d’homologation individuelle qui permettrait de contourner les normes européennes. Des chiffres très faibles mais l’ONG s’inquiète de la progression rapide des pick-up américains. Et selon elle, l’accord entre l’Union européenne et les Etats-Unis pourrait réduire le prix des pick-up RAM de 6 000 euros en moyenne en Europe. Un sacré coup de pouce qui pourrait rendre ces véhicules plus attrayants.

On peut aussi se demander si ces discussions ne vont pas bénéficier à Tesla, qui a ajouté le pick-up électrique Cybertruck à son catalogue fin 2023. Jusqu’à présent, la commercialisation de ce véhicule atypique semblait peu probable en Europe, notamment pour des raisons d’homologation. Rappelons tout de même qu’à côté des défis réglementaires, il reste des défis commerciaux. Les clients américains, pourtant habitués aux pick-up, ont peu apprécié le Cybertruck puisque le modèle ne s’est vendu qu’à 10 700 unités sur les six premiers mois de 2025. Son design risque d’être tout aussi clivant sur le Vieux Continent.

Ces évolutions ne représentent pas forcément une bonne nouvelle pour les constructeurs automobiles européens. Certes, ils se plaignent régulièrement des normes européennes, qui rendent selon eux les voitures trop chères et plus complexes à fabriquer. Mais l’arrivée de voitures américaines, répondant à des normes plus permissives, pourrait être considérée comme une injustice. «On pourrait envisager un abaissement des normes mais il faudrait les abaisser de manière progressive pour que les constructeurs européens aient le temps de s’adapter», suggère Arnaud Aymé.