Deux ans après la menace de dissolution du collectif des Soulèvements de la Terre, le réalisateur bordelais Thomas Lacoste propose une « plongée » dans ce mouvement de désobéissance civile, qui vise à « protéger les communs. » Également essayiste, éditeur et producteur, il avait déjà réalisé, il y a trois ans, un long-métrage sur l’indépendantisme basque : « L’hypothèse démocratique – Une histoire basque ».

Avec ce nouveau documentaire, il propose une galerie de portraits : 16 militants des Soulèvements de la Terre sont filmés avec leurs hésitations, leurs émotions et leurs débats. Et surtout avec les territoires « en partage » auxquels ils tiennent tant : des écosystèmes de faune et flore menacés par des projets industriels ou de transport, par des « mégabassines » comme à Sainte-Soline, ou un aéroport comme à Notre-Dame-des-Landes, lieu de naissance de ce collectif écologiste en 2021. À travers toute la France, on voit les liens se tisser entre ces militants, infime part des 200 000 personnes qui se sont réclamées du mouvement en 2023. Pour contrer certains préjugés d’« écoterrorisme », le réalisateur espère que le « plus grand nombre » de personnes pourra à son tour « rencontrer », par le cinéma, ces insurgés de la Terre.

Comment vous est venue l’idée de faire un documentaire sur les Soulèvements de la Terre ?

L’idée est née au printemps 2023, au moment où les Soulèvements de la Terre ont traversé une vague de répression assez massive. D’abord par une grande répression policière de la manifestation de Sainte-Soline 2 en mars, avec 5 000 grenades envoyées en moins de deux heures selon la Ligue des Droits de l’Homme. Puis par une vague d’arrestations par la Sous-direction antiterroriste en juin. Et dans la foulée, en août, la demande de la dissolution de ce mouvement par le ministère de l’intérieur [annulée par le Conseil d’État en novembre, NDLR].

À l’époque, je suivais déjà ce mouvement d’un œil attentif, comme toutes les structures politiques portées par la jeunesse. Mais là, une question m’est apparue : comment une société peut-elle criminaliser ceux qui essaient de défendre les « territoires communs » et de sortir de la destruction de nos écosystèmes ? De fil en aiguille s’est imposée l’idée d’un film, avec cette volonté de défaire cette figure de l’écoterroriste, de révéler des visages et des paysages qui animent ce mouvement.

Un père qui remet en cause ses choix d’antan, un ancien maire qui fait de la désobéissance civile, une éleveuse en reconversion ou un jeune naturaliste passionné par le chant des oiseaux… Pourquoi avoir choisi ces témoignages-ci ?

C’est vraiment ce qui m’a sauté aux yeux quand je suis rentré en contact avec les Soulèvements : la cohabitation intergénérationnelle. Il y avait au moins trois générations, avec une véritable richesse socioculturelle, présentes lors de leurs rassemblements. Les membres des Soulèvements sont issus des jeunes générations luttant pour le climat, des paysans qui travaillent à la défense d’une agriculture durable et soutenable, des personnes qui se sont engagées dans les ZAD ou des habitants locaux qui défendent leur territoire face à des projets nuisibles. J’ai tenté, avec ce film, une plongée dans une géographie humaine non vue et non sue. Je voulais faire sentir ce qui s’invente avec ces jeunes gens qui portent un mouvement transgénérationnel.

Pourquoi centrez-vous davantage le documentaire sur les histoires personnelles des militants que sur l’histoire du mouvement et de sa répression policière ?

Je pense que la capacité de l’État à réprimer ces mouvements sociaux est bien visible dans nos chaînes d’information et bien ancrée dans nos imaginaires collectifs. Aujourd’hui, des sociologues et géographes font aussi des recherches sur les Soulèvements. Mais je voulais me tenir très loin de tout didactisme. Au contraire, je trouvais cela intéressant de faire évoluer le film sur ces paroles singulières, de voir leur pensée se déployer. Ça passe par les hésitations des militants, par leurs doutes peut-être, et clairement, par du sensible. Ces moments témoignent aussi de la confiance qui lie les personnages et le film. Pour moi, l’intérêt du cinéma est de faire le pari de la rencontre humaine.

Avant-première
Avant sa sortie nationale le 11 février 2026, « Soulèvements » est en avant-première dans les cinémas Utopia. Le film donnera lieu à une soirée débat dans la salle bordelaise le lundi 25 août, à 20 h 30, en présence notamment de Thomas Lacoste et Youlie Yamamoto, porte-parole nationale d’Attac. Prévente des places au 5, place Camille-Jullian.