La mairie de Bordeaux a lancé des études techniques pour connaître les contraintes et les coûts d’un tel projet.
Après la Seine à Paris, le grand plongeon dans la Garonne à Bordeaux ? La mairie envisage un projet qui, hier encore, paraissait inimaginable : permettre aux habitants et visiteurs de se baigner dans le fleuve qui traverse la ville. Pierre Hurmic, le maire écologiste, a confirmé au Figaro que l’idée était bel et bien sur la table.
L’un des arguments principaux de la municipalité est de multiplier les zones de fraîcheur dans la ville. Il y a dix jours, Bordeaux a connu son record absolu de température. Pour le 15 août, des piscines du centre-ville avaient même été exceptionnellement ouvertes en raison des fortes chaleurs. «Garantir un site de baignade dans notre fleuve permettrait de compléter les lieux de baignade, notamment en période de canicule. Cela va dans le sens de l’histoire, surtout lorsque les températures atteignent les 41,6°C, comme le 11 août dernier», avance l’édile du Port de la Lune.
«Bonne qualité de l’eau» mais débit trop fort
De la fin du XVIIIe siècle jusqu’aux années 1950, la baignade dans le fleuve était une pratique courante. On trouvait notamment des établissements flottants installés sur les quais, qui proposaient bassins, cabines et parfois même des cours de natation. Plusieurs générations de Bordelais se souviennent des baignades populaires durant l’été. Aujourd’hui, il n’est possible de se baigner dans la Garonne qu’une seule fois dans l’année, lors de «La traversée de Bordeaux à la Nage», une course créée au début du XXe siècle (et disputée de 1908 à 1923), dont l’organisation a été reprise par le club de natation des Girondins de Bordeaux, depuis 2007.
En juin dernier, l’événement avait accueilli plus de 500 nageurs. En balade sur le quai des Queyries, Isabelle, 56 ans, y a participé plusieurs fois. «Je suis née à Bordeaux et je suis d’une famille de baigneurs chevronnés. Mes parents m’ont toujours raconté qu’ils allaient faire trempette dans le fleuve», se souvient-elle. «La baignade dans la Garonne n’est pas nouvelle, le fleuve a même offert 150 ans de bains aux Bordelais», rappelle de son côté Pierre Hurmic. Mais pour les jeunes générations, la couleur marron de l’eau (qui s’explique par la remontée d’argile provoquée par les forts courants) ne fait guère envie. «Franchement, on voit bien que c’est sale. Cela ne me viendrait jamais à l’idée de me baigner là-dedans !», lâche Thibault, étudiant, en observant la Garonne.
Une étude technique commandée par la mairie a déjà été livrée pour «connaître les contraintes et les coûts d’un tel projet». Résultat : à l’heure actuelle, les courants seraient trop forts pour que la baignade puisse être envisagée. «Notre fleuve dispose d’une bonne qualité de l’eau mais nous avons identifié des contraintes de débit et de marnage que ne connaît pas la Seine à Paris , ou la Saône à Lyon ». À Paris, le débit des courants du fleuve atteint entre 200 et 300 m³/s en moyenne, contre 450 à 500 m³/s à Lyon. À Bordeaux, il oscillerait entre 600 et 1000 m³ /s.
Deux scénarios envisagés
Au vu de ces contraintes, deux scénarios sont aujourd’hui envisagés. Le plus ambitieux consisterait à installer une baignade dite «en eau vive», directement dans le lit de la Garonne. Filets de sécurité, rideaux protecteurs, pontons flottants et dragages seraient nécessaires pour contenir la puissance du courant. Si la mairie ne communique pas le coût potentiel de cette première option, elle réfléchit également à une autre issue, qui serait sans aucun doute beaucoup moins onéreuse. Celle d’implanter une zone de baignade dans les Bassins à flot, sur un site semi-fermé au nord de la ville. Dans ce cas, le risque lié aux marées disparaîtrait totalement, mais l’exigence sanitaire serait accrue en raison de la relative stagnation des eaux.
La mairie met aussi en avant «un intérêt environnemental». Le projet permettrait de «lutter durablement contre la pollution des eaux et, en aval, des océans». «Il vient d’ailleurs compléter un projet de territoire plus vaste qui nous a conduits à signer, en mai dernier, un manifeste pour la reconnaissance des droits de Garonne permettant de reconnaître le fleuve comme une personnalité morale à protéger et dotée de droits», indique Pierre Hurmic.
Pour le moment, aucune date n’a été évoquée par la mairie de Bordeaux pour une potentielle ouverture à la baignade sur le fleuve. Toute avancée reste cependant conditionnée à l’aval du Grand Port maritime de Bordeaux, propriétaire et gestionnaire du domaine public maritime. «Ce qui est certain, c’est que nous souhaitons offrir la possibilité d’un fleuve “baignable” aux Bordelais mais pas à n’importe quel prix», conclut Pierre Hurmic.