En France, il es possible d’acheter des gélules de placenta de mouton. © Adobe Stock
Depuis quelques mois, le hashtag #placentacapsules se multiplie sur TikTok et Instagram. Des influenceuses ou jeunes mères y partagent leur expérience, vantant une énergie retrouvée, un moral reboosté et une meilleure récupération après l’accouchement.
La pratique, connue sous le nom de placentophagie, consiste à transformer le placenta en gélules, souvent grâce à des entreprises spécialisées qui le déshydratent puis le réduisent en poudre.
Aux États-Unis, la tendance a pris de l’ampleur dès les années 2010, encouragée par des stars comme Kim Kardashian ou January Jones. Plus récemment, le DJ Calvin Harris a relancé le débat en publiant sur les réseaux le placenta de sa femme encapsulé.
Mais derrière l’image séduisante et « naturelle », les experts de santé français alertent : aucun bénéfice médical n’est démontré et les risques sanitaires sont bien réels. Sans oublier que, chez nous, le placenta est considéré comme un déchet médical à risque infectieux… donc strictement interdit à la consommation.
Une pratique qui séduit mais sans preuve scientifique
À l’origine, la placentophagie puise dans des croyances anciennes. Le placenta serait riche en nutriments et en hormones, capables de prévenir la dépression post-partum, d’améliorer la lactation ou de redonner de l’énergie à la jeune maman. Pourtant, les études menées jusqu’ici sont formelles, aucun effet médical significatif n’a pu être démontré.
Une étude américaine publiée en 2017 a suivi deux groupes de femmes : l’un consommant ses propres gélules de placenta, l’autre un simple placebo. Et, aucune différence mesurable sur l’humeur, la fatigue ou la prévention de la dépression post-partum.
Des analyses ont également montré que les gélules contiennent bien certains nutriments ou hormones… mais en quantité très faible, insuffisante pour avoir un effet biologique notable. Autrement dit, si certaines femmes disent se sentir mieux, c’est probablement l’effet placebo qui est en jeu.
Comme le résume la Haute Autorité de Santé (HAS), « aucune donnée scientifique robuste ne permet de recommander la consommation du placenta à des fins médicales ».
Les risques : quand le placenta devient dangereux
Si les bénéfices sont incertains, les dangers, eux, sont bien réels. Le placenta, rappelons-le, est un organe filtre. Il capte et élimine pendant neuf mois de nombreuses substances potentiellement nocives pour protéger le fœtus. En avaler des morceaux ou des gélules peut donc exposer à des résidus toxiques ou à des bactéries pathogènes.
Un cas a marqué les esprits en 2016, dans l’Oregon (États-Unis) : une mère ayant consommé ses gélules de placenta a transmis une infection bactérienne grave à son nouveau-né via l’allaitement. L’enfant a dû être hospitalisé en urgence pour une septicémie.
En France, la MACSF (Mutuelle d’assurance des professionnels de santé) rappelle que le placenta est considéré comme un déchet d’activité de soins à risque infectieux (DASRI). Il doit donc être éliminé selon un protocole strict (désinfection ou incinération). La consommation ou la remise du placenta à la patiente est considérée comme une faute sanitaire. Autrement dit, ce qui est présenté comme « naturel » sur TikTok peut, dans la réalité, exposer les mères et leurs bébés à des infections graves.
Ce que dit la loi en France
La législation française ne laisse aucune place au doute.
- Le Code civil (article 16-1) stipule que le corps humain et ses éléments ne peuvent faire l’objet d’une appropriation.
- Le ministère de la Santé a rappelé dans une circulaire du 29 août 2012 que le placenta est un déchet médical soumis à une réglementation stricte.
- Les hôpitaux et maternités ont l’obligation de l’éliminer, sauf dans des cas très précis de recherche scientifique ou thérapeutique, et toujours avec le consentement écrit de la patiente.
Ainsi, en France, aucune patiente ne peut exiger de repartir avec son placenta, encore moins le faire transformer en gélules par une société privée. Toute pratique de ce type est illégale et passible de sanctions.
Pourquoi la tendance séduit malgré tout ?
Malgré les interdictions et les mises en garde, la mode continue de séduire. Pourquoi ? D’abord parce que l’idée de « reprendre des forces naturellement » après un accouchement est séduisante. Beaucoup de jeunes mères cherchent des solutions pour contrer la fatigue et le baby blues, et trouvent dans cette pratique une promesse réconfortante.
Ensuite, les réseaux sociaux amplifient les témoignages positifs, notamment ceux de célébrités. Or, comme souvent, les récits personnels frappent plus l’imaginaire que les données scientifiques. Enfin, l’effet placebo joue un rôle majeur : se sentir mieux après avoir avalé des gélules de placenta peut être bien réel… mais sans lien avec leur composition.
À SAVOIR
Selon un avis publié par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), le placenta peut contenir non seulement des bactéries (comme le streptocoque du groupe B), mais aussi des métaux lourds et des polluants environnementaux accumulés pendant la grossesse. Plusieurs analyses menées en France ont en effet montré que le placenta peut concentrer du plomb, du mercure ou du cadmium, substances potentiellement toxiques pour la mère comme pour le nourrisson.
Inscrivez-vous à notre newsletter
Ma Santé