Pilotée par la Ville, une méthode innovante de lutte contre le développement du moustique tigre est menée par l’entreprise montpelliéraine Terratis, sur le quartier test de Malbosc.

À la lisière nord de Malbosc, 3 300 moustiques tigres jaillissent en même temps d’un cylindre en carton. Pas de panique ! Il s’agit de mâles, qui ne piquent pas et ne transmettent donc pas de maladie. Mais ce qui fait leur particularité, c’est qu’ils ont été stérilisés auparavant.

Leur mission : s’accoupler avec une femelle moustique tigre sauvage, déjà présente sur le terrain. Et comme celle-ci ne s’accouple qu’une seule fois dans sa vie, tous les œufs qu’elle produira seront stériles.

Cette expérimentation est menée à grande échelle depuis le 21 août à Malbosc. L’objectif est de lâcher 100 000 moustiques par semaine d’ici fin octobre sur ce quartier du nord-ouest de Montpellier. L’opération devrait être rééditée au printemps 2026.

« Nous avions expérimenté cette technique de l’insecte stérile (Tis) à l’île de La Réunion en 2021 sur une zone de 20 hectares, informe Dorian Barrère, directeur des partenariats et cofondateur de Terratis. Dès la première année, nous avions atteint des taux de stérilité allant jusqu’à 60 %, puis de 90 % la seconde. »

3300 moustiques sont libérés de chaque cylindre en carton.

3300 moustiques sont libérés de chaque cylindre en carton.
Midi Libre – RAYAN DEWALQUE

Une technique plus efficace avec le temps

« L’efficacité de la technique s’accroît avec le temps, car elle affecte également les œufs qui se forment pour la prochaine génération. Cela réduira la population dans les années à venir. »

C’est la Ville de Montpellier qui a missionné Terratis pour mener l’expérimentation à Malbosc. « L’idéal serait de mener cette action sur plusieurs années pour étudier son efficacité », explique Pascale Berthommé, directrice déléguée santé publique et environnementale pour la Ville.

« Ça permettrait d’identifier comment l’opération fonctionne sur une zone donnée, quels ajustements sont nécessaires au niveau des lâchers, et comment rendre la technique plus efficace. »

« Diminuer la nuisance la première année »

Clélia Oliva est présidente de la société Terratis.

D’où viennent les moustiques tigres que vous lâchez ?

Ils viennent de notre site pilote de production de moustiques, à Montpellier. Nous sommes les seuls en France à produire massivement des moustiques tigres. On les stérilise en les exposant à des rayons X.

De tels lâchers ont-ils déjà eu lieu ?

Oui, par exemple à Brive-la-Gaillarde, depuis mai. On y travaille chaque semaine, sur toute la saison 2025. On a déjà des retours positifs, la population ressentant une baisse des nuisances. Sur une première année d’intervention, on vise une diminution du nombre de moustiques. C’est de toute façon impossible de les supprimer totalement.

Quel est l’intérêt de cette méthode ?

Outre son efficacité et son coût réduit, elle est respectueuse de l’environnement puisqu’elle permet d’éviter l’usage de pesticides. Nous jouons de façon biologique sur la reproduction. Cette solution répond aux enjeux de bien-être des populations, de la santé et du développement économique. Cette technique a déjà fait ses preuves en agriculture sur des insectes ravageurs de culture. Nous l’avons adaptée aux moustiques. Nous sommes les premiers en France à faire cela à grande échelle.

« Complémentaire d’autres actions »

Mais pas question de faire de cette méthode une recette miracle. « Elle ne saurait suffire à elle seule, elle est complémentaire à d’autres actions, notamment le piégeage, les campagnes de démoustication ou la sensibilisation des citoyens. Chacun doit veiller aux potentielles eaux stagnantes chez lui. Les parasols ou les gouttières sont des réservoirs à moustiques. »

L’EID joue un rôle central dans cette évaluation. Il s’agit de l’opérateur historique de démoustication sur le littoral méditerranéen, depuis 65 ans.

« Avec l’arrivée du moustique tigre il y a vingt ans, nos méthodes traditionnelles ne suffisent plus, constate Karine Soulé, directrice technique de l’EID. Nous étudions de nouvelles techniques, notamment pour leur coût et leur efficacité, et conseillons les communes sur les meilleures stratégies à adopter. »

 

Le moustique tigre, une espèce très invasive

Très invasif, le moustique-tigre est arrivé en 2004 en France, où il a colonisé les deux tiers des départements. « Il peut transmettre plus de 22 virus, notamment le chikungunya (154 cas en France cet été, dont 32 en Occitanie), la dengue et le Zika, rappelle Clélia Oliva. Il y a un vrai enjeu à pouvoir diminuer la densité des moustiques tigres. C’est un moustique très urbain qu’on retrouve beaucoup dans les jardins et les cours intérieurs, mais pas trop en campagne. Son rayon de dispersion, c’est 150 à 200 mètres. Mais il est capable de voyager dans des petits conteneurs où les œufs sont pondus. Ils sont en plus résistants à la sécheresse. C’est leur grande force. C’est grâce à ça qu’il a pu être transporté d’Asie en Europe ou aux États-Unis. Il voyage aussi très facilement en voiture. »

« Nous sommes au début d’un long processus »

« Nous suivons l’expérimentation avec d’autres opérateurs scientifiques, dont l’IRD (Institut de recherche pour le développement), Altopictus (entreprise spécialisée dans la surveillance et la lutte contre le moustique tigre) et Terratis. »

« Nous évaluons l’impact de la méthode en collectant des données sur le terrain et en suivant les variations du nombre de moustiques adultes dans la zone expérimentale. Malbosc est une zone d’expérimentation mais les résultats ne pourront pas être généralisés au-delà de ce contexte particulier. »

« Nous sommes au début d’un long processus. L’objectif est d’identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, afin d’adapter efficacement nos approches à différents contextes. Nous espérons qu’à terme, cela contribuera à réduire significativement la nuisance des moustiques tigres. »