Anicroche diplomatique. Paris a convoqué l’ambassadrice d’Italie en France, Emanuela D’Alessandro. En cause, des déclarations du vice-Premier ministre italien Matteo Salvini à l’encontre du président Emmanuel Macron pour son soutien à l’envoi de troupes en Ukraine.

« L’ambassadrice d’Italie en France a été convoquée jeudi au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, à la suite des propos inacceptables tenus ces derniers jours par Matteo Salvini », a confirmé une source diplomatique au Parisien, à la suite des informations de France Inter. « Il a été rappelé à l’ambassadrice que ces propos allaient à l’encontre du climat de confiance et de la relation historique entre nos deux pays mais aussi des récents développements bilatéraux, qui ont mis en évidence des convergences fortes entre les deux pays, notamment s’agissant du soutien sans faille à l’Ukraine ».

Au sein de la diplomatie française, on tente de minimiser en expliquant que régulièrement des autorités étrangères sont convoquées. De même, de source proche du président de la République, on affirme que « la convocation est une procédure classique ».

« Mettre son casque, sa veste, son fusil, et aller en Ukraine »

Depuis plusieurs jours, Matteo Salvini fustige le président français, sur les réseaux sociaux et lors de ses déplacements, à propos de sa proposition de déployer une « force de réassurance » en Ukraine pour garantir le futur cessez-le-feu entre Kiev et Moscou. Le Royaume-Uni envisage aussi de le faire, l’Italie ne souscrit pas à l’idée.

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Interrogé, lors d’un déplacement à Milan, sur un éventuel déploiement de soldats italiens au sein de cette force, celui qui est aussi ministre des Transports avait suggéré qu’Emmanuel Macron « y aille lui-même ». « Macron devrait monter dans le train. Mettre son casque, sa veste, son fusil, et aller en Ukraine », avait tancé Salvini.

Ce n’est pas la première fois que le populiste, proche de Marine Le Pen, s’en prend nommément au président de la République. En 2019, les tensions avaient été telles que Paris avait rappelé son ambassadeur en Italie, Christian Masset. À l’époque, Matteo Salvini était ministre de l’Intérieur. En mars dernier, il avait qualifié le président français de « fou », l’accusant de pousser l’Europe à la guerre avec la Russie. Et en juin 2024, il avait diffusé un photomontage du président français en tenue de combat et armé d’un fusil d’assaut.

Selon La Stampa, l’Élysée attendait une réaction de son allié italien, que la Première ministre Giorgia Meloni prenne ses distances avec son ministre, et aurait été désappointé de ne rien voir venir.

L’opposition lui a pourtant demandé de le faire, affirme sur X, le sénateur Enrico Borghi, vice-président du parti centriste Italia Viva. « Nous avons dit que les déclarations embarrassantes de Salvini contre Macron jettent une ambiguïté sur le gouvernement et les actions de la Première ministre. (…) Nous avions conseillé à Giorgia Meloni de clarifier sa position immédiatement, afin de ne pas nuire à l’image internationale de notre pays ». Cette convocation est « un chapitre embarrassant pour l’Italie », juge-t-il encore sur X. « Car en Europe, on se demandera désormais légitimement : Meloni soutient-elle la rhétorique pro-Poutine de son adjoint, ou à quel jeu joue-t-elle ? »

Ne pas recadrer Salvini, c’est, pour Giorgia Meloni « une façon de ménager la chèvre et le chou », juge Ludmila Acone, docteure en histoire à l’université Paris-I, spécialiste de l’Italie, rappelant combien, pendant sa campagne électorale, Meloni a volontiers joué de la « rivalité politique, économique et culturelle » transalpine.

« Depuis qu’elle a été portée au pouvoir, en 2022, Giorgia Meloni a dit et fait tout et son contraire. Elle a de ce fait beaucoup perdu la confiance des Italiens », ajoute l’historienne. Aujourd’hui, la présidente du Conseil « marche sur un fil, comme l’Europe entière et le monde d’ailleurs » car le soutien de l’opinion italienne à l’Ukraine « qui était en 57 % en 2022 n’est plus que de 22-23 % ». Outre la « tradition pacifiste de l’Italie », et le poids de l’Église catholique, qui ne poussent pas à soutenir l’envoi de troupes sur le sol ukrainien, la « terrible crise économique et sociale » que traverse le pays en raison de sa politique d’austérité expliquerait ce délitement. « Il n’y a plus d’argent pour la santé et les retraites et Giorgia Meloni a accepté la demande Trump de porter les dépenses militaires à 5 % du budget. C’est forcément mal accueilli ».