Il s’agit d’un “changement majeur pour la politique étrangère britannique”, analyse le chef du service international de la BBC. Le Premier ministre Keir Starmer a annoncé, mardi 29 juillet, qu’il reconnaîtrait un État palestinien en septembre, à moins qu’Israël ne prenne “des mesures substantielles pour mettre fin à la situation épouvantable à Gaza”.
Le dirigeant a fixé plusieurs conditions à l’État hébreu, notamment accepter un cessez-le-feu, s’engager en faveur d’une paix durable à long terme débouchant sur une solution à deux États, s’engager à ne pas annexer la Cisjordanie et permettre aux Nations unies de reprendre l’acheminement de l’aide, faute de quoi le Royaume-Uni franchira le pas lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre à New York.
Le gouvernement britannique a également réitéré ses exigences à l’égard du Hamas, qui doit libérer immédiatement tous les otages, désarmer, signer un cessez-le-feu et accepter de ne jouer aucun rôle dans le gouvernement de Gaza.
Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a vivement réagi à l’annonce du chef du gouvernement britannique, dénonçant une “récompense [au] terrorisme monstrueux du Hamas”.
“Appels à prendre des mesures supplémentaires”
Lors d’une conférence de presse tenue après une réunion d’urgence du gouvernement, Keir Starmer a déclaré qu’il annonçait cette décision maintenant en raison de la “situation intolérable” à Gaza et de la crainte que “la possibilité même d’une solution à deux États ne se réduise”.
Le Premier ministre était “soumis à des pressions croissantes, y compris de la part de ses propres députés, pour qu’il agisse plus rapidement”, souligne la BBC dans un autre article.
M. Starmer “faisait l’objet de pressions de la part de ministres” – dont la vice-Première ministre Angela Rayner, la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper et le ministre de la Santé Wes Streeting – pour que le Royaume-Uni reconnaisse immédiatement la Palestine comme un État, tandis que plus d’un tiers des députés travaillistes ont signé une lettre en faveur de cette reconnaissance, rappelle The Guardian.
Keir Starmer est confronté “à des appels à prendre des mesures supplémentaires à mesure que l’opinion publique britannique se durcit face aux scènes horribles” dans l’enclave. Le journal relaie les résultats d’un sondage réalisé par Survation, qui indique que 49 % des personnes sont en faveur de la reconnaissance, et que 13 % seulement y sont opposées.
L’annonce de Keir Starmer survient cinq jours après celle du président français, Emmanuel Macron, qui a annoncé qu’il reconnaîtra officiellement un État palestinien en septembre. Mais “contrairement à la France, qui est devenue la semaine dernière le premier pays du G7 à annoncer une reconnaissance officielle, la position du Royaume-Uni reste conditionnelle”, observe The Daily Telegraph.
La feuille de route britannique fait aussi suite à un accord visant à œuvrer en faveur d’une “paix durable” dans la région avec Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Friedrich Merz, au cours du week-end.
Et le président américain, Donald Trump, a “levé un obstacle majeur” après son entretien avec M. Starmer en Écosse lundi, en “indiquant que les États-Unis […] ne s’opposeraient pas” à une reconnaissance britannique et exprimant “son inquiétude face aux images d’enfants affamés dans le territoire”, souligne le Guardian. Le journal note cependant qu’un porte-parole du département d’État américain a qualifié, mardi soir, les remarques de M. Starmer de “gifle pour les victimes du 7 Octobre”.
“Un poids symbolique important”
La “menace” du dirigeant travailliste “a un poids symbolique important”, reconnaît le Daily Telegraph. D’autant plus que “le Royaume-Uni, plus que toute autre puissance mondiale, a dessiné les contours actuels de la Terre sainte en publiant la déclaration Balfour en 1917”.
“Cette déclaration de 67 mots de lord Balfour est célèbre – ou infâme, selon le point de vue – pour son soutien à l’‘établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif’, ouvrant ainsi la voie à la création d’Israël trois décennies plus tard”, rappelle le quotidien conservateur. Si bien que “de nombreux diplomates britanniques, députés travaillistes et ministres considèrent la reconnaissance de la Palestine comme un moyen de corriger le déséquilibre historique, en plaçant Israël et la Palestine sur un pied d’égalité”.
Pour le Telegraph, le Premier ministre britannique se dirige bien vers une reconnaissance de l’État de Palestine en septembre, puisqu’il est “peu probable” que les conditions fixées par M. Starmer “soient remplies”. “M. Nétanyahou, longtemps opposé à une solution à deux États, est plus susceptible de durcir sa position que de céder face à ce qu’il considérera comme une provocation britannique.”
Reste que “cette démarche n’aura que peu d’effets concrets”. “Après tout, 147 pays ont déjà reconnu la Palestine sans modifier ses perspectives de création d’un État. La reconnaissance ne peut pas donner naissance à un État fonctionnel.”