Par

Timothy Gaignoux

Publié le

23 août 2025 à 9h35

Le drapeau rouge est levé. Depuis le début de l’été, les noyades se multiplient en France. Selon un bulletin de Santé publique France, entre le 1er juin et le 23 juillet 2025, 702 noyades ont eu lieu en France, contre 468 l’an passé sur la même période. Un bond de 50 %, impliquant 193 décès, dont 27 chez les enfants et adolescents (contre 15 en 2024). 

Selon le bulletin le plus récent, sur la période entre le 1er juin et le 13 août 2025, 1 013 noyades ont eu lieu en France dont 268 décès (soit une proportion de noyades suivies de décès de 26 %). En 2025, le nombre total de noyades est en augmentation par rapport à 2024 pour la même période : respectivement 1 013 vs 886 soit +14 %.

Forcément, l’épisode caniculaire traversé ces dernières semaines en France entraîne un afflux vers les sites de baignade pour se rafraichir. Mais ce n’est pas la seule raison de la multiplication de ces drames. Décryptage.

Des noyades loin d’être isolées

Le 16 août 2025, une fillette de 3 ans et demi est décédée dans une base de loisirs dans l’Eure des suites d’une noyade. Un drame absolu que n’est pas près d’oublier cette femme témoin de l’accident, informe notre rédaction La Dépêche Louviers.

On a vu des gens sortir la petite fille de l’eau, elle avait les bras tendus. Nous étions tous choqués autour du lac. On pensait qu’elle s’était perdue, pas qu’elle s’était noyée. On a entendu une femme hurler de chagrin. Depuis, cette image me reste dans la tête.


Une femme témoin de l’accident

Un accident loin d’être isolé. Le 12 août 2025, un enfant de 11 ans en situation de handicap s’est noyé au centre nautique de Choisy Paris-Val-de-Marne à Créteil. Une enquête a été ouverte, rapporte actu Paris. Le 18 août 2025, un homme de 60 ans est mort noyé à la suite d’un arrêt cardiaque survenu dans l’eau à Saint-Gildas-de-Rhuys (Morbihan), d’après actu Morbihan.

Les accidents domestiques ne sont pas non plus épargnés. En début de semaine, une petite fille de 14 mois s’est noyée dans une piscine gonflable au domicile familial, près de Toulouse. Et son pronostic vital est toujours engagé, selon les dernières informations d’actu Toulouse

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Les fortes chaleurs, un lien de cause à effet 

Les fortes chaleurs traversées cet été ont poussé de plus en plus de personnes à chercher des points d’eau pour se rafraichir. Rien que sur la seule période du 19 juin au 6 juillet 2025, en pleine période de vigilance canicule, 315 noyades ont été recensées, dont 86 décès, contre respectivement 130 noyades et 36 décès sur la même période en 2024. 

« La saison des baignades commence au mois de mai. Les périodes de canicule sont de plus en plus précoces. On est face à un vrai problème de santé publique », insiste auprès d’actu.fr Axel Lamotte, responsable de la communication de la Fédération française des maîtres-nageurs sauveteurs (FFMNS).

Si les risques de noyade touchent l’ensemble de la population, elle frappe notamment les plus précaires, qui « souffrent plus de la chaleur dans leurs logements et peuvent être des bouilloires thermiques », d’après Amandine Richaud-Crambes, urbaniste et ingénieure en environnement à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Toujours selon un rapport de l’Ademe, datant de juin 2025, 37 % des foyers modestes souffrent de la chaleur, contre 20 % des foyers plus favorisés.

Plus de bassins, moins de noyades ?

Seulement, les endroits pour se rafraîchir manquent. Les piscines publiques se défraichissent et ferment peu à peu leurs portes en France. Depuis l’épidémie de Covid-19, la pénurie d’eau à l’été 2022 et la flambée des coûts de l’énergie, le parc de piscines se trouve « vieillissant et économiquement fragile », selon les enseignants Emmanuel Auvray et Benoît Hachet, auteurs de Crise des piscines publiques : le retour à l’eau froide ?

Résultat, les personnes se tournent vers des cours d’eau non surveillés et parfois interdits à la baignade, sans réelle connaissance du milieu dans lequel elles se trouvent. « Savoir nager ne suffit pas à limiter le risque de noyade. Il y a d’autres facteurs. Les gens sont moins actifs et se jettent dans des rivières ou des lacs qui ne sont pas forcément sécurisés. Forcément, il y a une augmentation des risques », déplore Axel Lamotte.

Un « plan d’urgence d’apprentissage de la nage » 

La FFMNS défend dans ce sens la mise en place d’un « plan d’urgence d’apprentissage de la nage gratuit pour tous », via une politique publique. « L’État stratège doit s’en saisir, sinon ça va être dramatique avec des milliers de morts chaque année », invoque Axel Lamotte. 

J’ai demandé lors des Etats Généraux de l’encadrement et de la surveillance dans la filière aquatique à ce qu’il y ait une dotation spéciale pour les mairies qui mettent à disposition des maîtres-nageurs dans le cadre de la natation scolaire. On m’a ri au nez.

Axel Lamotte
Responsable de la communication à la FFMNS

Ce plan d’urgence pourrait s’accompagner d’une prévention contre les noyades dans les écoles pour familiariser les enfants à la nage dès le plus jeune âge. « Cela fait bientôt 20 ans qu’on organise les journées nationales de prévention de la noyade bénévolement, partout en France sur le littoral et dans les piscines. Dans le silence des pouvoirs publics le plus total », regrette Axel Lamotte. 

À l’école, apprendre à nager reste « une priorité nationale » inscrite dans le socle commun de connaissances et de compétences, et s’enseigne dès l’école primaire avec une exploration du milieu aquatique sous la forme de jeux. Mais ça ne suffit pas toujours en raison du manque d’équipements ou de leur vétusté. 

Concernant l’âge de l’apprentissage de la nage, il dépend des capacités de chacun. « Certains sont très à l’aise à 4-5 ans, d’autres à 7-8 ans ont un schéma corporel plus limité et ont du mal à avoir une synchronisation bras-jambes-respiration. À 40 ans, on peut se débrouiller à condition de fréquenter les piscines tout au long de l’année. »

« Toutes les noyades se font à bas bruit »

Si l’une des causes de la noyade chez les jeunes enfants est de ne pas savoir nager et un manque de vigilance des parents, les adultes, de leur côté, ont tendance à surestimer leur aptitude à nager.

« La plupart ont une nage très médiocre et une mauvaise condition physique (diabète, cholestérol, problème cardiaque et pulmonaire) », soutient le responsable de la communication à la FFMNS.

Comment éviter une noyade ?

Si vous avez une piscine privée, vérifiez le système d’alarme tous les matins et le verrouillage des portes d’accès pour les enfants. Quand l’eau est accessible par des enfants, un adulte doit être dans l’eau en maillot de bain. Car lorsqu’il est sur le bord, il a oublié la crème solaire, le jus de fruit, il va être distrait. La surveillance, c’est techniquement très compliqué, même si cela paraît très simple.

En mer, si vous n’êtes pas entraîné, il ne faut pas s’aventurer au large. Mais nager aux heures de surveillance et par deux. Nager le long du littoral n’est pas un problème, nager perpendiculaire au littoral c’est une mauvaise idée, surtout en cas de vagues et de courant. Les risques ne sont pas les mêmes suivant les régions. Vous pouvez solliciter le maître-nageur pour connaître les risques.

Reste ainsi à alerter pour mieux anticiper un drame. « Toutes les noyades se font à bas bruit. Personne ne crie au secours quand il se noie », prévient-il. Savoir nager est une chose, savoir sauver en est une autre. « Il faut entretenir sa condition physique de manière à pouvoir secourir quelqu’un, même si c’est très compliqué. »

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