Foot Mercato : tu es de retour à Sotchi en Russie après un prêt d’un an à Al-Ahly en Égypte, comment ça se passe actuellement ?

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Yahya Attiat-Allah : je suis sous contrat avec le club russe. Je suis revenu de mon prêt d’un an à Al-Ahly, je m’entraîne avec le groupe. On a repris la semaine dernière. J’avais choisi Al-Ahly parce que c’est un grand club qui joue des titres et qui allait jouer le Mondial des Clubs. C’est un club compétitif. C’était une option pour rester compétitif et rester en équipe nationale. Le projet sportif, le club et la compétition, c’est important pour moi.

FM : il y a quasiment trois ans, tu t’es révélé au grand public grâce à la Coupe du Monde au Qatar avec le Maroc. Comment tu as vécu ce passage devant les feux des projecteurs ?

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YAA : après la Coupe du Monde, j’avais senti que j’avais acquis ce titre de joueur confirmé, fiable. C’est ce que je recherchais avec le Wydad Casablanca et quand je jouais la Ligue des Champions. Je voulais cette reconnaissance qui est donc arrivée après la compétition. Mais d’un point de vue personnel, ça ne m’a pas changé, je suis toujours le même homme. Ça n’a pas changé qui je suis.

FM : est-ce que vous vous rendiez compte que vous étiez en train de créer l’exploit avec le Maroc ? Yassine Bounou nous confiait qu’il avait le sentiment d’être dans une bulle, loin de l’euphorie que connaissait le pays…

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YAA : c’est exactement ça. On était dans une bulle. Notre objectif, c’était comme si on était en mission. C’était gagner et rentrer à l’hôtel. On ne se rendait pas compte de ce qu’on faisait. On voulait gagner et faire plaisir aux supporters. Mais on ne se rendait pas compte de tout ce qu’on avait réalisé. Quand on gagnait, on retournait à l’hôtel et on se disait : mission accomplie, on a atteint notre objectif. Et c’est uniquement après le Mondial qu’on s’est rendu compte que c’était énorme ce qu’on avait réalisé.

FM : l’après Coupe du Monde, d’un point de vue mental, ce n’est pas dur de le gérer ?

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YAA : c’est clair. Juste après le Mondial, il y a de l’euphorie et beaucoup de joie. Et puis après, automatiquement, ça se transforme en souvenir et parfois même en nostalgie. Tu repenses à cette période, les moments… Il y a beaucoup de nostalgie surtout quand je revois les buts, la joie du peuple marocain. Mais après, on reste des professionnels et tu te fixes de nouveaux objectifs que ce soit en sélection ou même en club. Donc, tu retrouves ce challenge, tu vas en chercher un autre.

«Ils se disaient qu’à 1,2 million d’euros, un joueur du championnat marocain, en fin de contrat dans 6 mois, ça n’allait pas se faire»

FM : justement, à titre personnel, après le Mondial, on s’attendait à un transfert vers l’Europe… Il y avait notamment Montpellier. Qu’est-ce qui s’est passé ?

YAA : avant le Mondial, j’ai travaillé, j’ai fait beaucoup de sacrifices. J’ai tout donné au Wydad, que ce soit sur le terrain et en dehors. J’avais un cadre très professionnel, je faisais tout pour jouer en sélection. Mon objectif, c’était de venir jouer en Europe. C’était mon rêve depuis petit. Avec l’aide des supporters du Wydad, qui m’ont beaucoup aidé dans cette période, ça a porté ses fruits au Mondial. Après le Mondial, je me suis dit que ça y est j’allais enfin partir en Europe. Je suis parti voir ma direction pour demander si j’avais des offres. Et eux, ils m’ont dit qu’il n’y avait aucune offre. C’était leur réponse. J’étais choqué. Avec la Coupe du Monde que j’ai faite, je n’ai pas d’offres ? C’était étrange. Après ce rendez-vous, j’ai dit à la direction que je voulais signer en Europe pour poursuivre ma progression. Ils m’ont demandé de ramener une offre convenable dans ce cas. Et mes représentants de l’époque ont ramené une offre de Montpellier. Montpellier a fait une première offre que le Wydad a refusée. Le Wydad a fixé un autre prix alors qu’il ne me restait que 6 mois de contrat avec le club. Mais c’était impossible pour moi de quitter le club libre, je voulais rapporter de l’argent à mon club, c’était important.

FM : combien le Wydad réclamait à l’époque ?

YAA : ils avaient fixé le montant à 1,2 million d’euros alors que je n’avais plus que 6 mois de contrat. Et après de longues négociations entre les clubs, Montpellier a accepté de s’aligner sur les demandes du Wydad. Pour accélérer le processus, les médecins de Montpellier devaient venir au Maroc pour la visite médicale. C’était trois jours avant le Mondial des Clubs au Maroc et on allait jouer Al-Hilal. Les deux clubs discutaient encore des échéances de paiement et une solution avait été trouvée. Mais le jour du départ des médecins, à l’aéroport de Marseille, les dirigeants du Wydad n’ont plus donné de nouvelles. Le transfert a capoté. En fait, le Wydad voulait que je reste et ne pensait pas que Montpellier allait s’aligner. Ils se disaient qu’à 1,2 million d’euros, un joueur du championnat marocain, en fin de contrat dans 6 mois, ça n’allait pas se faire. Ils n’étaient pas vendeurs. Ça m’a beaucoup affecté, mais je me suis dit que finalement ce n’était pas mon mektoub (ndlr : destin en arabe) de signer à ce moment-là.

FM : après cette histoire, tu restes donc au Wydad et tu finis même par prolonger là-bas. Pourquoi ce choix ?

YAA : tout le monde parlait de moi. Les agents, je veux dire. Je n’avais pas de mandat avec eux, mais avec le Mondial que j’avais fait, tout le monde pensait pouvoir me ramener une belle offre. Des gens parlaient à ma place alors que je ne les connaissais même pas. Il y avait des contacts avec certains clubs, mais il n’y avait pas ce que je souhaitais. Et je ne voulais pas choisir un club pour l’argent. Je voulais un projet sportif, car je voulais rester en équipe nationale et jouer la CAN. J’avais reçu des offres des pays du Golfe, mais j’étais catégorique. Mon obsession, c’était la sélection. Trouver un club pour rester en équipe nationale. Mon rêve, c’était de jouer dans un grand championnat pour donner le plus à la sélection. Mais je me suis dit, si je n’ai pas les bonnes offres, il vaut mieux prolonger au Wydad, jouer la Ligue des Champions, la Super Ligue africaine, le titre. Je ne pouvais pas trouver mieux sportivement.

FM : mais tu n’en as pas voulu au Wydad d’avoir bloqué ton transfert vers la Ligue 1 ?

YAA : pour moi, il y a une différence entre les dirigeants et le club. Le club n’appartient pas aux dirigeants, il appartient aux supporters. Moi, j’appartiens à ce club. Je suis attaché aux supporters, à ce club, je suis un supporter wydadi. Je suis resté pour ça. Malheureusement, certains supporters pensent que je préfère l’argent. Mais si je voulais vraiment ça, je serais parti dans un club concurrent bien avant. Je n’ai pas fait ce choix, car j’aime ce club. Je n’ai jamais rien fait contre le Wydad. On a voulu salir mon image par moments, profiter de mon silence. Je me suis toujours dit que le moment venu, je parlerai de tout ça. Je reste reconnaissant envers ce club.

FM : après cette nouvelle saison au Wydad, je crois savoir qu’un autre club de Ligue 1 était venu pour te recruter…

YAA : tu travailles bien (rires). Il y a eu un appel avec Mohamed El Kharraze, directeur sportif adjoint du Havre, avant la CAN. Il y avait une clause de 500 000 euros. Ils avaient promis qu’ils allaient payer la clause. J’avais déjà un accord avec le club, même d’un point de vue salaire, je n’étais pas gourmand. Je voulais vraiment jouer en Europe. Mais il n’y a jamais eu de suite. Le Havre m’a dit qu’ils n’avaient pas l’argent pour payer cette clause de 500 000 euros. Pour te dire, j’étais même prêt à payer la clause moi-même pour pouvoir jouer en Europe et vivre ce rêve. Mais je n’ai jamais eu de réponse. J’étais encore déçu.

«Les gens profitent parce que je ne parle pas souvent. Je n’aime pas trop parler dans les médias, je veux juste faire mon job»

FM : comment on encaisse deux grosses déceptions comme ça sur le mercato ?

YAA : je suis musulman. Je sais très bien que s’il y avait eu du bon dans ces transferts-là, Dieu m’aurait facilité la tâche. Je me suis dit que Dieu me donnera quelque chose de meilleur.

FM : après cet échec, tu signes finalement dans la foulée à Sotchi en Russie. Pourquoi ce choix ?

YAA : j’ai reçu l’offre de Sotchi et l’intérêt du Havre en même temps. Pour moi, j’avais choisi le Havre. Et ensuite, Sotchi a payé la clause du Wydad. Je me suis dit pourquoi pas aller là-bas. Il y avait beaucoup de respect de la part des dirigeants. Je me suis dit que c’était un autre challenge, un autre championnat. Et pourquoi pas ensuite viser plus haut. Ensuite, le club est descendu en D2 russe, et c’était hors de question de rester en D2. Je veux être compétitif. J’avais reçu une grosse offre d’un pays exotique et des pays du Golfe. Mais il y avait aussi Al-Ahly en Égypte et c’est là-bas que je suis allé. Il y a toujours l’équipe nationale dans ma tête. J’aurais pu doubler mon salaire en signant dans ces pays-là.

FM : Sotchi est de retour en D1 russe, tu te vois faire la saison là-bas ?

YAA : j’ai respecté mon contrat. Pour l’instant, j’ai reçu une offre d’un pays exotique avec un beau salaire, mais j’ai refusé. Je veux jouer la CAN cet hiver avec le Maroc. Pour l’instant, avec les offres que j’ai, mon meilleur choix sportif est de rester ici. Mais je reste ouvert et même le club est à l’écoute des offres. D’ailleurs, à aucun moment, je n’ai reçu une offre du Wydad comme évoqué au Maroc. Personne n’a discuté avec moi. Je ne sais pas pourquoi on veut toujours dire des choses négatives sur moi et le Wydad. Les gens profitent parce que je ne parle pas souvent. Je n’aime pas trop parler dans les médias, je veux juste faire mon job. La vérité sort tôt ou tard. Mais mon objectif, c’est de trouver un projet qui me permette de viser la CAN. Je veux revivre une épopée comme en 2022.

FM : il y a un championnat que tu aurais aimé découvrir ?

YAA : le championnat de mes rêves, depuis toujours, c’était le championnat anglais. Mais bon, je crois que c’est trop tard maintenant. Là, je veux découvrir un grand championnat.

FM : cela te permettrait notamment d’espérer retrouver Walid Regragui et le Maroc prochainement…

YAA : j’ai beaucoup de respect pour lui. Il m’a beaucoup aidé au Wydad. Il était là derrière moi pour que je progresse. Au-delà d’être un coach, c’est aussi un grand frère. Il veut toujours que je m’améliore. Je ne peux pas oublier ce qu’il m’a apporté en club et en sélection. Et Walid sait mon attachement pour le Maroc, comment je fais en sorte de penser au sportif.

Pub. le 22/08/2025 17:45
– MAJ le 23/08/2025 16:10