Il est 19 h 30 sur le quai Papacino, à Nice. Malgré un retard d’une vingtaine de minutes dû à des embouteillages en provenance de Monaco, une trentaine de personnes patiente dans la bonne humeur. Peu avant 20 heures, deux des camions de Semeurs d’Espoir Monaco font leur apparition dans le trafic niçois. En l’espace de quelques minutes, les équipes menées par Pierre Grunaud s’empressent de faire les gestes qu’ils ont l’habitude de répéter un mardi sur deux. « Nous sommes une maraude mobile, donc notre temps est limité, introduit le responsable du jour. La réglementation nous impose de rester une demi-heure maximum sur place. »

Alors sans plus attendre, chacun s’attelle à sa tâche respective dans un ballet coordonné. Accrocher des sacs-poubelle autour du point de distribution éphémère, installer un petit bar d’appoint, mettre en place le dressing mobile et le camion-épicerie. La mécanique est bien huilée car d’autres points de distribution attendent les bénévoles dans la soirée, qui doit se conclure aux alentours de minuit. « La maraude, c’est l’ADN de l’association, rappelle Alexandra, bénévole depuis deux ans. On souhaite aider les gens qui sont dans une grande précarité et on commence toujours par le port de Nice. C’est ici qu’on retrouve nos habitués. »



Un moment d’échange  au-delà de l’aspect matériel

Chaque été, l’association redouble de vigilance pour assister les personnes en grande précarité en raison des fortes chaleurs [lire plus bas]. Et ce alors que le nombre de bénéficiaires n’a pas augmenté cette année, contrairement aux précédentes. 350 bénéficiaires ont été recensés sur juillet-août, soit dans la moyenne du reste de 2025. Des chiffres qui rassurent les bénévoles à l’heure de faire le bilan de l’été.

Ce soir [les rôles sont échangeables à chaque maraude en fonction des préférences de chacun Ndlr], Alexandra est chargée d’animer le coin café qui se trouve sur le côté de la camionnette. « On va à la rencontre des bénéficiaires. On leur propose un thé ou un chocolat chaud. C’est l’occasion de discuter avec eux. C’est un poste important parce que c’est celui où on crée le plus de lien social. »



Car au-delà de l’aspect matériel, les bénévoles insistent sur l’importance de la proximité créée avec les bénéficiaires de l’association. « Il faut avoir à l’esprit qu’on les connaît bien pour la plupart. Ce sont des bénéficiaires qui viennent nous voir depuis longtemps. Ils nous donnent de leurs nouvelles tous les 15 jours : est-ce qu’ils ont réussi à trouver du travail, comment se résorbe une petite blessure… »


Sur le quai Papacino, neuf bénévoles distribuent des affaires aux bénéficiaires : de la nourriture aux vêtements en passant par des produits d’hygiène. Photo Justine Meddah.

C’est probablement l’espace le plus sollicité par les bénéficiaires. Le camion-dressing, aménagé pour répondre au mieux à la demande, voit toujours une queue d’une dizaine de personnes se former à chaque maraude. Depuis l’intérieur du camion, une bénévole fait la distribution en prenant en compte les desideratas de chacun. « Il y a aussi tout un espace réservé à l’hygiène, ajoute la responsable de la communication. Les vêtements, c’est ce qui est le plus demandé parce que rares sont les autres associations à donner des habits. Surtout de manière mobile. »



En raison du succès de cet espace éphémère, les bénévoles veillent à rationner la distribution. « On ne fixe pas de limite mais on essaie de faire attention, tempère Alexandra. Par exemple, les baskets sont très demandées donc on ne va pas en donner tous les quinze jours à la même personne. On essaie de répondre avec le sourire en leur disant qu’on leur en a déjà donné. Généralement, on donne toujours un article de chaque : un pantalon, un t-shirt, des sous-vêtements. »



Enfin, les Semeurs d’Espoir proposent également un camion-épicerie pour ravitailler ceux dans le besoin. « Ici, on distribue des ‘‘sacs de vie’’ dans lesquels on glisse du sucré et du salé qui se consomment dans la rue avec des couverts. »



Toutes ces distributions résultent d’un travail de l’ombre colossal qui est fait en amont par d’autres équipes dans les deux locaux de l’association situés au niveau de la digue semi-flottante à Monaco. « Une équipe gère le stockage et une autre fait un tri permanent pour charger les camions avant chaque maraude. »

« Un jour, une jeune maman avait un bébé de sept mois dans ses bras »

Selon les bénévoles, 80 à 90 % des bénéficiaires sont des hommes. « Évidemment, on aide les plus précaires mais on ne refuse jamais qui que ce soit. On sert tous ceux qui se présentent à nous sans demander aucune justification. Certains sont à la rue, d’autres ont des domiciles précaires. » Luigi, lui, a un chez lui mais se retrouve souvent étouffé par les dépenses toujours plus nombreuses et conséquentes. « Je viens depuis plus d’un an, raconte l’intéressé. J’ai un domicile mais j’ai beaucoup de frais fixes alors je viens ici. Cela me permet de voir des amis et de manger un petit peu. Ce sont des moments importants parce qu’on essaie de s’ouvrir et on oublie le négatif. »



Des moments importants qui peuvent tout de même s’avérer douloureux pour les équipes de Semeurs d’Espoir Monaco. « Ils le sont de moins en moins avec le temps. À titre personnel, je deviens de plus en plus aguerrie. C’est quelque chose de très personnel. De mon côté, je suis très sensible lorsque des familles viennent nous voir avec des enfants. Heureusement, c’est assez rare mais un jour je suis tombée sur une famille érythréenne. Une jeune femme s’est approchée et elle avait un jeune bébé de sept mois dans les bras. C’est très compliqué de l’accepter. »


Les Semeurs d’Espoir proposent également un camion-épicerie pour ravitailler ceux dans le besoin. « Ici, on distribue des ‘‘sacs de vie’’ dans lesquels on glisse du sucré et du salé qui se consomment dans la rue avec des couverts. » Photo Justine Meddah.

« Des parenthèses qui leur font énormément de bien »



Une force mentale qui est parfois mise à rude épreuve. « Malheureusement, la précarité engendre un cercle dont on n’arrive pas à sortir malgré la bonne volonté. Certains n’ont plus le confort qu’on connaît comme se laver et se rendre dans certains lieux ou même chercher du travail. C’est difficile de se dire qu’on a des gens face à nous qui sont en souffrance. »

Malgré tout, les bénévoles tentent d’apporter un réconfort relatif. « On se dit que les moments qu’on passe avec eux, les sourires qu’on leur adresse, sont des parenthèses qui leur font énormément de bien. On sait que ce ne sont que cinq minutes et qu’ils vont, pour la plupart, retourner des dans situations précaires. Mais ils ont conscience qu’on est là pour eux. Ils nous remercient d’être là. »



Après leur arrêt au port de Nice, les équipes menées par Pierre Grunaud vont se diriger vers la place Garibaldi avant de remonter la promenade des Anglais et de se présenter à la gare de Nice-ville et sur l’avenue Jean Médecin.

Les dates des prochaines collectes à Monaco

Pour mener à bien leurs missions régulières de distribution, Semeurs d’Espoir Monaco s’appuie sur les dons. Ces derniers sont collectés en plusieurs temps. D’abord, les vêtements et les chaussures. Ces dons-là sont rendus possibles à l’année grâce à la benne qui se trouve au -4 du parking de la Digue. Ainsi, les donateurs peuvent se rendre à la benne 24 h 24, 7 J/7.

Attention, il faut que les dons correspondent à certains critères. Pour les vêtements notamment, ceux-ci doivent se prêter à la vie de la rue. C’est-à-dire des tenues sombres, pas salissantes et faciles à porter comme des sweat-shirts, jeans et tee-shirts. Notez que les tenues pour hommes sont plus recherchées.

Quant à la nourriture, des collectes ponctuelles sont organisées à Monaco, notamment la plus grande qui a lieu au centre commercial de Fontvieille. « Généralement, on passe une commande conséquente auprès de Carrefour, explique Alexandra, bénévole. Ils nous mettent à disposition des stands auxquels le public peut se rendre pour ensuite les régler en caisse. Cela nous permet de cibler les produits dont on a le plus besoin. Parfois, les gens pensent bien faire en achetant eux-mêmes des produits, mais on doit redistribuer certains dons auprès d’autres associations. »

La prochaine collecte aura lieu les 4 et 5 octobre à Fontvieille, avant une nouvelle quête au mois d’avril.