Et la conque a résonné place Lainé, devant la Bourse maritime. À 10 heures ce samedi 23 août, Siale-Utuao, un jeune Bordelais d’origine wallisienne, s’est saisi de ce grand coquillage du Pacifique pour lancer la cérémonie. Organisée par l’association Mémoires et partages et en présence de l’adjoint au maire de Bordeaux Bernard Blanc, la célébration a rendu hommage, devant plus de 100 personnes, à la révolution haïtienne, commencée dans la nuit du 22 août au 23 août 1791 et qui fait, depuis 1998, l’objet d’une Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition.

« Haïti, c’est le premier peuple noir à être libre », assure Pelanatino Amole, originaire de Wallis-et-Futuna. Ce dignitaire polynésien, qui réside désormais à Bordeaux, officie lors de cette cérémonie. « Nous voulons rendre hommage à ces insurgés. Ils ont été les premiers à gagner contre l’esclavage. » Appelée alors Saint-Domingue, l’ancienne colonie française, place forte de la production sucrière mondiale, employa en effet jusqu’à 400 000 esclaves, jusqu’à ce qu’en 1791, une insurrection éclate. Après treize ans de combat, Haïti devenait indépendante en 1804, couronnant la première révolte d’esclaves victorieuse de l’histoire.

Bordeaux, port négrier…

Un hommage à l’histoire que Karfa Diallo, fondateur de l’association Mémoires et partages et conseiller régional de la Nouvelle-Aquitaine, a voulu initier depuis cette place Lainé : « Ce nom, c’est celui du ministre de Louis XVIII qui a permis la construction des entrepôts où étaient stockées les denrées alimentaires coloniales. Bordeaux a été un des plus grands ports négriers français et peut-être le port qui s’est enrichi le plus du système esclavagiste. »

Cinq cents bateaux qui ont déporté 150 000 esclaves, partis du port girondin pour être revendus aux Amériques et qui revenaient chargés des denrées issues de la production esclavagiste. Un commerce triangulaire qui opéra de 1672 à 1837 et qui se retrouva dopé par la situation géographique de Bordeaux, où transitaient les expéditions commerciales d’autres pays colonialistes.

Un passé dont ne veut pas s’exclure Brigitte, de passage à Bordeaux : « J’ai été sensibilisée par ma fille à cette histoire esclavagiste. Alors en tant que Française, j’ai voulu venir pour faire acte de contrition. »

Pelanatino Amole, d’origine wallisienne, procède à la cérémonie du kava, une plante polynésienne.

Pelanatino Amole, d’origine wallisienne, procède à la cérémonie du kava, une plante polynésienne.

Laurent Theillet/SO

…et « port de mémoire »

Karfa Diallo le revendique : « Se taire, c’est trahir. Bordeaux est un port de mémoire. Sur cette place Lainé, nous aimerions qu’une plaque explicative soit posée. » Une interpellation abondée par le conseiller municipal Philippe Poutou, venu pour la cérémonie : « Le mandat municipal se termine. Et tant pour la Maison esclavages et résistances que pour le renommage de certaines rues, rien n’avance beaucoup. Pourtant, nous avons besoin dans la société actuelle d’idées émancipatrices. » Un objectif pour lequel Olivier s’est joint à la célébration : « Pour moi, c’est une question de chemin intime mais, à travers ce type de cérémonie, c’est aussi la possibilité d’en faire un chemin de société. »