Samedi 23 août 2025 par Marc Cantin
L’aérodynamique est reconnue comme l’un des plus puissants leviers pour améliorer les performances en sport automobile. On peut invariablement établir un lien entre une domination et la force de l’équipe en charge du volet aérodynamique, menée idéalement par un maître en la matière, souvent bien connu. On parle en Formule 1 de noms tels que Ross Brawn, successivement chez Leyton House, Jaguar en Endurance, Ferrari, Brawn et Mercedes, ou encore Adrian Newey chez Red Bull Racing et maintenant Aston Martin.
Cette domination d’une équipe est cyclique et reliée non seulement à l’efficacité de ses spécialistes, mais aussi à l’usage optimal d’une soufflerie, c’est-à-dire un simulateur physique fidèle au comportement de la voiture en mouvement et un logiciel qui identifie et mesure les mouvements et les facteurs qui affectent son comportement : l’air, les freins, les pneus, la puissance, la direction et la garde au sol. Un logiciel avancé et l’analyse des fluides (Computational Fluid Dynamics – CFD) traitent les données récoltées pour aider l’équipe à améliorer la machine.
Les présentes équipes de F1 utilisent sept tunnels. Chaque écurie en utilise une différente, sauf celle de Mercedes à Brackley (Angleterre) qui dessert également Aston Martin, les installations de Red Bull Racing en Angleterre qui sont partagées avec sa seconde équipe basée en Italie, Racing Bulls, et Haas dont le cas est particulier puisqu’elle utilise la soufflerie de Ferrari par choix plutôt que celle d’un autre manufacturier avec qui elle est partenaire ! Tour d’horizon…
Sauber
Située à Hinwill en Suisse allemande, la soufflerie est une structure en circuit fermé, composée d’un tube en acier de 141 mètres et d’un ventilateur d’une puissance de 3 000 kW (4030 hp), permettant d’atteindre des vitesses de vent allant jusqu’à 300 km/h (186 mph).
Sa grande section d’essai, d’une superficie de 15 mètres carrés avec un long tapis roulant, permet de tester des modèles à l’échelle 60% et même des voitures de Formule 1 grandeur nature. Elle offre également la possibilité unique de réaliser des essais en tandem pour simuler les conditions de sillage. Les installations sont maintenant préparées pour le partenariat avec Audi, qui a racheté Sauber et arrivera en F1 l’an prochain sous son propre nom.
McLaren
Le cas de McLaren est intéressant, car leur soufflerie remonte à 1997-98. À un moment donné, ils ont cessé de l’utiliser et se sont tournés vers la soufflerie Toyota à Cologne (Allemagne), qu’ils ont modernisée, avant de revenir à leur propre soufflerie en 2023. Ils peuvent certainement constater cette saison les avantages de leur soufflerie, un élément clé des améliorations apportées à l’infrastructure de McLaren, qui comprennent aussi un nouveau simulateur, un centre d’installation de composites et un nouvel atelier d’usinage. Les F1 2025 bénéficient de cette nouvelle installation. Les monoplaces pilotées par Oscar Piastri et Lando Norris sont les premières à être entièrement conçues à l’aide de cette soufflerie améliorée.
Technologie complémentaire : Parallèlement à la soufflerie physique, McLaren a également développé une soufflerie de dynamique des fluides computationnelle (CFD) en partenariat avec Dell Technologies. Moins chère à opérer, elle aide l’équipe à réduire les coûts dans le cadre du plafond budgétaire de la F1 et offre une plus grande certitude avant les essais physiques.
Mercedes et Aston Martin
Mercedes et Aston Martin exploitent une soufflerie ultramoderne au Royaume-Uni. L’installation utilise un moteur de 2 950 HP capable de générer des vitesses de vent pouvant atteindre 288 milles à l’heure, dépassant ainsi largement la limite réglementaire de 180 mph imposée par la F1 pour les essais utilisant des modèles réduits.
La soufflerie accueille un modèle réduit à l’échelle 60% d’une voiture de F1, comme l’exige la réglementation afin de contrôler les coûts, bien que des essais à taille réelle aient été effectués dans le passé. L’installation est équipée d’une suite de systèmes logiciels de mesure et de simulation similaires aux autres équipes. Les données recueillies lors de ces essais sont essentielles pour affiner les éléments de conception avant leur création et mise en œuvre sur la piste.
Red Bull et Racing Bulls
Red Bull utilise une soufflerie héritée des forces armées britanniques. Cette installation est la plus ancienne en F1, mais remise à jour avec les mécanismes de roulement, de capture de données, et les logiciels modernes pour simuler et optimiser tous les aspects de la voiture. Elle a été modernisée avec suffisamment d’instruments et d’équipements de mesure avancés pour la rendre compétitive pour la F1 moderne. Les succès récoltés avec Max Verstappen confirment que l’équipe a bien accompli la mise à jour de la soufflerie, toutefois, une rumeur veut qu’Adrian Newey corrigeait par le passé de petites erreurs que cette soufflerie pouvait apporter. L’absence de Newey dans la conception de la monoplace 2025 pourrait expliquer une partie des difficultés de l’équipe.
Racing Bulls de son côté utilise la soufflerie de Red Bull Racing et donc la même suite d’outils que l’équipe parente. Racing Bulls passera aussi le plus rapidement possible à la nouvelle soufflerie Red Bull.
Ferrari
La soufflerie de Ferrari, opérationnelle depuis 1998, est une installation de pointe capable de tester des modèles réduits à 65% ou des voitures à l’échelle 1 (100%). Elle est équipée d’un ventilateur de 5 mètres de diamètre nécessitant plus de 2 000 HP, d’un système sophistiqué de route roulante et d’un système de climatisation permettant de maintenir la température de l’air à 0,5 °C près. La structure, conçue par Renzo Piano, se distingue par ses composants techniques qui évoquent la forme d’un moteur automobile.
Malgré une réinitialisation en milieu de saison qui lui a permis d’effectuer 16 essais supplémentaires en soufflerie et 100 tests CFD supplémentaires, l’équipe doit encore se concentrer sur l’optimisation de ses performances pour 2025, même si cela signifie moins d’heures d’essai pour la voiture de 2026. À noter que cette installation est si avancée que même des équipes clientes, comme Haas, continuent de l’utiliser malgré son alliance technique avec Toyota, bénéficiant ainsi des recherches de Ferrari sur les réglementations actuelles en matière d’effet de sol.
Williams
Williams Racing exploite deux souffleries sur ses installations industrielles de Grove, dans l’Oxfordshire. La première, une soufflerie à l’échelle 50% construite à l’origine à Didcot, puis déménagée à Grove en 2015 et adaptée à l’échelle 60%. La seconde, une installation à échelle réelle conçue avec une technologie de parois réglables en largeur permet également de tester des modèles à l’échelle 60%, a été construite en 2003/2004 et est considérée comme la petite sœur de la soufflerie Mercedes.
Williams a toujours investi gros dans ce domaine, notamment avec un projet annoncé au début des années 2000 visant à construire une nouvelle soufflerie plus avancée, capable de tester des modèles à taille réelle sur une route roulante qui visait la F1 et les produits routiers de la marque.
Haas
Haas F1 continue d’utiliser la soufflerie Ferrari à Maranello pour le développement de ses voitures de Formule 1, une décision réaffirmée par le directeur de l’écurie, Ayao Komatsu, début 2025, malgré un partenariat technique avec Toyota qui comprend d’autres avantages importants, tel que le financement des essais et un nouveau simulateur. Ce choix stratégique repose sur les défis communs en Formule 1, permettant à Haas de bénéficier des recherches et des améliorations continues de Ferrari, tel que l’installation récente d’un nouveau banc d’essai « caoutchouté ». Haas utilise la soufflerie Ferrari depuis son arrivée en Formule 1 en 2016. La direction de l’équipe, dont fait partie Ayao Komatsu, évoque une « situation gagnant-gagnant » et l’avantage de partager une installation avec un « concurrent » confronté aux mêmes défis réglementaires, ce qui signifie que Haas a accès aux dernières recherches sans avoir à dupliquer l’investissement. Cet accord a été confirmé début 2025.
L’élément le plus intéressant de Haas est que l’équipe américaine pourrait disposer de la soufflerie de Toyota en Allemagne. Mais si ce partenariat apporte des avantages, tels que le développement d’un simulateur interne, il ne comprend pas l’accès à la soufflerie de Toyota ! L’équipe Haas n’a en effet pas l’intention de quitter les installations de Maranello dans un avenir prévisible. Des discussions sont en cours concernant la suppression progressive des souffleries en F1 d’ici à 2030, mais le responsable de l’aérodynamique chez Haas a exprimé sa crainte que la suppression des souffleries ait un impact négatif sur l’ADN du championnat.
Alpine
La soufflerie utilisée par Alpine F1 Team est située au Whiteways Technical Centre, dans une ancienne usine Lotus près d’Oxford, au nord-ouest de Londres. L’équipe prévoit de construire une extension au bâtiment de la soufflerie afin de soutenir son évolution positive sur ce site.
L’ingénierie aérodynamique est fondamentale pour le développement d’une voiture de sport haute-performance, comme l’Alpine A110. La référence dans cette discipline se trouve en Formule 1, où les essais en soufflerie ont atteint les plus hauts niveaux de complexité technique. Pierre Sancinéna, ingénieur en aérodynamique chez Alpine Cars, a eu l’idée de s’associer à ses collègues de l’équipe Alpine F1 afin de tirer parti de leurs méthodes et de leurs outils.