Par

Antoine Blanchet

Publié le

24 août 2025 à 6h36

Un drame qui a débouché sur un scandale. Le 6 février 1973, un incendie d’origine criminelle se déclarait au sein du collège Édouard-Pailleron, dans le 19ᵉ arrondissement de Paris. Dans les flammes, 20 personnes, dont 16 enfants, perdent la vie. À l’origine du feu, deux élèves qui avaient brûlé une poubelle à côté de l’établissement. La catastrophe crée une vaste polémique sur la vétusté du collège, ainsi que d’autres écoles construites de la même manière.

Des bâtiments construits très vite

Avant de parler de sa destruction, il est important de parler de la construction du collège Édouard-Pailleron. L’établissement a été bâti en 1963. À ce moment-là, nous sommes en pleine fin du baby-boom. « L’industrialisation des constructions scolaires du second degré a été encouragée par le Gouvernement à partir de 1963 dans le souci de répondre aux besoins urgents à ce qu’on appelle ‘l’explosion scolaire », indique une enquête administrative du Sénat réalisée quelques années après le drame. Il faut aussi se rappeler qu’à cette époque, l’âge de la scolarité obligatoire passe à 16 ans. Ce qui entraîne une forte augmentation du nombre d’élèves.

De nombreux établissements construits de manière industrielle sortent alors de terre. On privilégie le métallique, moins cher, et on est moins attentifs à la sécurité des bâtiments, notamment pour les incendies. À la fin des années 1960, le collège Édouard-Pailleron est construit sur une ancienne carrière. Sur trois niveaux, il pouvait accueillir 900 élèves.

Une mauvaise blague de deux collégiens

Le 6 février 1973 est une journée comme les autres. Ce soir-là, des cours de musique sont organisés par le conservatoire de Paris dans les locaux de l’établissement. Trois classes de solfège et une de piano sont présentes. Une séance de ciné-club se déroule aussi dans l’une des classes et prend fin vers 19h30.

À ce moment, un adolescent de 14 ans arrive discrètement vers l’établissement. Il est muni d’une bouteille de White Spirit. Pourquoi est-il là ? Il veut se venger. Se venger contre le collège de son redoublement. Avec un copain, il parvient à s’introduire dans l’une des classes en passant par une fenêtre restée ouverte. Les deux adolescents aspergent une poubelle de liquide inflammable et allument le feu.

La simple « mauvaise blague » prend très vite des proportions terrifiantes. Les flammes se propagent dans tout le bâtiment, ce dernier étant constitué de matières inflammables. Le deuxième étage, où se trouvent les élèves du conservatoire, est pris en tenaille par le brasier. La concierge du collège appelle la directrice en panique. « Le feu dans la cour. Vite les pompiers ! » Les soldats du feu sont prévenus.

Hécatombe dans les couloirs

Pour les jeunes musiciens, c’est la terreur. En quelques minutes, l’électricité se coupe. Des volutes du fumée toxique parsèment les couloirs. L’un des professeurs parvient à emmener des élèves à l’escalier Sud-Est puis revient sur ses pas. Il regagne ensuite sa classe, brise une fenêtre avec une chaise, et grâce à l’aide d’un voisin, parviendra à mettre en sécurité d’autres enfants sur un toit adjacent. Sous la conduite d’un autre enseignant, d’autres élèves parviendront à fuir par l’escalier Nord-Ouest.

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Très vite sur place, les pompiers ont beaucoup de difficultés à éteindre les flammes. Plusieurs parties du bâtiment s’effondrent. Il faut attendre 21h30 pour que le feu soit considéré comme maîtrisé. Dans les ruines, c’est l’hécatombe. Les corps de 16 enfants âgés de 9 à 10 ans sont retrouvés. Les trois professeurs sont au nombre des victimes. La dernière est la concierge. Enceinte, elle était montée dans les étages pour prévenir les musiciens du début de l’incendie.

Une longue bataille judiciaire

Le drame bouleverse et suscite la colère. La mauvaise qualité des bâtiments scolaires est pointée du doigt. Car, au fil des années qui succèdent au drame, d’autres collèges et lycées « de type Pailleron », flambent, notamment un à Colombes dans les Hauts-de-Seine. Sans faire de victimes. Une association de parents de victimes demande des comptes aux pouvoirs publics, pour comprendre comment le collège Édouard Pailleron a-t-il pu s’embraser aussi rapidement. Une instruction est ouverte.

Quelques années après, l’heure est aux procès. En 1977, les deux adolescents sont jugés devant le tribunal pour enfants. Ils sont condamnés à quatre et cinq ans de prison avec sursis. Cette même année, neuf personnes sont jugées devant le tribunal correctionnel. Il s’agit de directeurs de l’agence de construction ayant bâti le collège ou encore deux architectes. Au total, cinq d’entre eux sont finalement condamnés à des peines de prison avec sursis et seront amnistiés.

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