Quitter commence par la peau. Lire Maria Pourchet également, à en juger par le frisson qui nous parcourt dès les premières pages, magistrales, de son nouveau roman. Sa peau, Michelle l’a vue se couvrir de plaques d’eczéma et d’anneaux rouges aux poignets, comme des menottes qu’elle grattait jusqu’au sang. Pour la soulager, elle avait d’abord pris un amant, tenant « à distance le mal de vivre à deux avec un troisième, caché ».

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Puis l’instinct de survie avait pris le dessus, et Michelle avait quitté Sirius sans que la tête ait le temps de réaliser. « J’aurais pu mieux faire que cette précipitation hallucinée. Anticiper, épargner. Mais là d’où je viens, lignée de filles malgré tout préparées au devoir, je reste gauche dans l’art de penser à ma gueule. »

« Mes forêts, c’est Tchernobyl »

Dans sa famille, les femmes n’avaient pas osé prendre la fuite. Sauf une, qui était morte trois ans plus tard. Son inaptitude à la liberté, Michelle la sait logée dans son hérédité, et dans une enfance dans les Vosges, au milieu des forêts. Là-bas, on l’avait surnommée « Biche ». Était-ce parce qu’elle craignait d’être la proie des hommes autant que de ne pas en être aimée ? « Mes forêts c’est Tchernobyl […]. Je les contourne dans mes voyages, je les habite de mémoire triste comme une zone d’exclusion. »

Michelle devra pourtant y retourner. Son amie Blanche lui a dégoté un atelier de creative writing, et il lui faut gagner son indépendance pour espérer obtenir la garde de sa fille. Sur le parvis de son ancien lycée, des souvenirs lui reviennent : la tempête de l’été 1984, une enseignante abusive, le visage d’un homme avec lequel elle avait écumé les berges d’une rivière.Retour à soi, quête de liberté

L’intrigue d’un livre, pour Maria Pourchet, est toujours liée à un lieu : ainsi Western (Stock, 2023) avait les paysages du Lot pour toile de fond, et Tressaillir les Vosges, territoire de son enfance. Sociologue de formation, l’écrivaine ancre les désirs et les choix de ses personnages dans notre époque, les saisissant au moment où leur vie se joue sur une décision. L’héroïne se débat au cœur d’un univers dont la logique lui échappe, auquel elle oppose un conte, celui de ses origines, envoûtant par son atmosphère le récit et notre imaginaire.

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Roman d’un retour à soi, d’une quête de liberté, Tressaillir épouse les peurs et les doutes de sa narratrice, méandres dans lesquels le lecteur pourrait avoir l’impression de se perdre si la langue puissante, à fleur de peau, de Maria Pourchet ne semait les précieux cailloux blancs pour nous permettre de retrouver notre chemin.

Tressaillir, de Maria Pourchet (Stock, 336 p., 21,90 €).

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