La voix de Juliette Steimer résonne entre les murs de l’ancienne chapelle Saint-Charles transformée en un espace associatif nommé La Maison des Chœurs, à Montpellier. La comédienne présente le programme et l’organisation du dispositif Filme L’Avenir.
« Tout le monde peut tout faire », garantit-elle devant un PowerPoint. En face, une trentaine de participants silencieux. Certains jouent avec leurs doigts, comme pour cacher leur angoisse. Une fois toutes les consignes expliquées, Juliette rassemble le public en cercle et lance un exercice pour briser la glace.
Chacun s’avance, avec plus ou moins d’assurance, se présente puis désigne le suivant. Les équipes se forment derrière les cinq réalisateurs qui vont encadrer l’atelier. « Ce sont des jeunes choisis à la fois pour leurs qualités professionnelles mais aussi pour leur sens de la pédagogie et de la transmission », atteste Aurélie Cardin.
La déléguée générale de l’association Extra Muros a fondé le dispositif Filme L’Avenir en 2020. Chaque été, le programme fait sa tournée dans plusieurs villes de France ainsi que dans les DROM-COM.
Deux jours d’ateliers lors desquels les participants vont créer de toutes pièces, accompagnés d’un professionnel de l’audiovisuel, un film de 90 secondes sur un thème imposé. Ils apprennent à manier les caméras, s’essayent à l’écriture d’un scénario et expérimentent l’étape du montage.
« Filme L’Avenir s’adresse prioritairement aux jeunes des quartiers politiques de la ville, à ceux qui ne partent pas en vacances et aux territoires ruraux. Il reste toujours des places en plus pour ne pas fermer les portes à d’autres personnes voulant participer », nous apprend celle qui a également créé le festival CinéBanlieue.
Chacun peut être à la fois acteur et cadreur, selon ses envies
Cette année, le thème « Viens on s’aime » a été très bien accueilli par les participants. Vêtue d’un débardeur vert, Sassa Hadjara est en vacances dans la région montpelliéraine et participe à ces journées avec une amie. « Actuellement, on a besoin de paix, de vivre ensemble », affirme-t-elle. « Il fallait un thème fédérateur car le contexte est assez lourd, c’est important de parler d’amour », ajoute Aurélie Cardin.
Nouveauté cet été : les amateurs ont pour mission de réaliser un deuxième film durant les 48 heures d’atelier. L’occasion de traiter les différents types d’amour comme le fait le groupe de Cécile. Assise sur un canapé vert et épaulée par la réalisatrice Rebecca Gallon, l’équipe a rapidement trouvé deux idées de scénario : l’amour maternel qui donne à une femme l’illusion d’avoir un enfant prodige de la gymnastique et la passion d’un couple séparé par les trajectoires de vie.
Après avoir pitché les futurs courts-métrages, chaque groupe peut commencer le tournage. Les plans s’enchaînent, les conseils s’échangent et la caméra passe de main en main sous les directives de Rebecca. Maéline et Franco sont venus en couple. La jeune femme aux cheveux bouclés a obtenu un baccalauréat cinéma et rêve d’en faire son métier.
« J’avais déjà participé l’année dernière, j’étais sûre de revenir et je ne suis pas déçue. » Pour son compagnon chilien, c’est une première : « j’ai toujours voulu jouer dans un film et grâce à Maéline, j’ai eu l’occasion de connaître Filme L’Avenir ».
Les bras en l’air, cet ancien militaire s’efforce de tenir l’appareil pour filmer un des premiers plans. Tous l’encouragent avant de se mettre en place de l’autre côté de la caméra. Ici, chacun peut être à la fois acteur et cadreur, selon ses envies. L’équipe joue la scène où Cécile interprète une maman ébahie devant les exploits en gymnastique de son fils.
L’enfant est joué par Nino est le fils de Juliette Steimer, qui participe exceptionnellement à ces journées. Ses rebonds sur le sol résonnent et rythment l’après-midi. « J’ai peur qu’il se fasse mal », s’inquiète Sassa à chaque figure.
Un atelier gratuit
À la fin de la tournée, soixante des quatre-vingts films réalisés sont sélectionnés pour le festival CinéBanlieue avec la possibilité de remporter cinq prix. Toutes les équipes en lice sont invitées à la remise des prix le 14 novembre prochain. Les courts-métrages seront également visionnables sur la plateforme jeunesse de France Télévisions dès septembre.
Si la perspective d’une récompense motive les participants, c’est avant tout le défi qui les anime. « Je suis quelqu’un de très compétitif mais avant les résultats du concours, j’espère que ma famille sera fière de moi », poursuit Franco.
L’objectif est aussi de permettre une première immersion dans le monde cinématographique et d’orienter au mieux ceux qui souhaitent se lancer dans ce choix de carrière. La déléguée générale d’Extra Muros en lien avec la Fémis et la CinéFabrique connaît cet écosystème.
Grâce à cette « chaîne solidaire » que décrit Aurélie Cardin, de nombreux jeunes ont pu poursuivre leur rêve au sein de ces établissements. Dans le but de démocratiser la culture et de lutter contre les barrières sociales, Filme l’Avenir est un atelier gratuit.
« Si c’est ouvert à tous, il ne faut pas que l’argent soit une barrière », ajoute la fondatrice. Le programme offre l’opportunité de découvrir les coulisses du cinéma et, peut-être, de s’y projeter.
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