Pour ses 50 ans, l’écrivain français Olivier Adam nous offre une très belle histoire d’amitié qui ne manque pas de faire réfléchir.
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Tous les 10 ans environ, l’écrivain français Olivier Adam se fixe une espèce de rendez-vous avec lui-même et ses lecteurs.
«Au passage de mes dizaines à moi, donc à mes 30 ans, mes 40 ans et maintenant mes 50 ans, j’aime partir sur l’idée d’un livre qui, au-delà de l’histoire, soit aussi une forme d’état des lieux de quelque chose, explique-t-il. À 30 ans, j’ai fait Falaises, qui était un peu le portrait d’une génération, la génération Kurt Cobain. Pour mes 40 ans, j’ai fait Les lisières, qui était l’état des lieux d’une société peu représentée politiquement ou artistiquement et qui commençait à bouillir de se sentir non représentée. Ça a débouché sur la montée du populisme, de l’extrême droite et de l’adhésion des classes populaires à ces mouvements, ce qui à l’époque était mal documenté et que j’ai travaillé assez tôt. Puis là, pour mes 50 ans, je voulais faire à nouveau une sorte d’état des lieux, et j’ai tout de suite eu l’idée de travailler sur un truc plus rétrospectif.»
Une idée qu’on pourrait qualifier d’excellente, puisqu’elle a rencontré un rêve de roman qu’il portait depuis longtemps en lui: raconter l’histoire au long cours de trois amis liés depuis l’enfance par deux choses.
«Tout d’abord, une espère de pacte secret à la vie à la mort, précise Olivier Adam. Ensuite, qu’ils grandissent exactement au même endroit dans des maisons parfaitement identiques, qu’ils fréquentent les mêmes écoles et qu’ils aient des parents issus du même milieu social, avec le même bagage culturel, économique, etc.»
S’arracher à ses racines
En 1985, à l’âge de 10 ans, Paul quittera ainsi le quartier qu’il a toujours connu à Vigneux-sur-Seine, en banlieue de Paris, pour s’installer dans un plus beau quartier. Ce n’est pas très jojo à dire, mais sa mère en avait marre de vivre avec les pauvres et les Arabes… Bref, direction allée des Sycomores, dans une autre banlieue pavillonnaire des environs de Paris.
Là, Paul va faire la connaissance de Sarah et d’Alex, qui habitent juste en face de chez lui. Tous trois ont 10 ans, tous trois s’ennuient ferme à la maison après les classes. Alors assez rapidement, ils vont devenir les meilleurs amis du monde. Et ensemble, ils vont faire toutes sortes de choses: jouer au foot, aller nager, regarder des films, se promener dans la région en bicross. Ils vont aussi faire quelques bêtises, et l’une d’elles les hantera jusqu’à la fin de leurs jours.
«J’avais donc cet itinéraire d’amitié au long cours, mais aussi, comme toujours chez moi, je tenais à ce qu’il y ait une approche plus sociale ou sociologique, poursuit Olivier Adam. Trois enfants des lotissements pavillonnaires un peu bas de gamme en banlieue parisienne qui ont des aspirations, des rêves, et comment ils vont ou non parvenir à se désassigner, comment ils vont ou non parvenir à contourner la reproduction sociale et les déterminismes sociaux pour faire ce qu’ils ont envie de faire, sachant qu’ils viennent de l’endroit le plus commun de la France, mais qu’eux ne le sont pas, communs. Car leurs aspirations seront un peu différentes de leurs camarades, sans doute à cause de ce qu’ils ont vécu de particulier autour de ce secret…»
Un champ de mines
De ce secret, on ne dira rien. En revanche, on peut ajouter sans problème qu’on suivra ce trio d’amis jusqu’en 2025. À tour de rôle, Paul et Sarah dérouleront le fil de leurs souvenirs, ceux qui rapprochent, ceux qui blessent et ceux qu’on préférerait oublier. Et au cœur de leurs échanges, il y aura bien sûr l’insaisissable Alex.
«Mettre l’amitié à ce point au centre de nos vies est relativement récent, souligne Olivier Adam. Avant, dans les classes populaires et moyennes, la vie tournait autour du travail et de la famille – les oncles, les cousins, les frères et sœurs… Aujourd’hui, les amis sont presque à égalité avec la famille dans nos préoccupations quotidiennes. Ma génération et celles qui suivent ont beaucoup mis l’amitié sur un piédestal, presque en nous expliquant que la famille pouvait être toxique avec ses mensonges, ses non-dits, etc. Moi, ce qui m’intéresse quand je me penche sur un sujet en particulier, c’est d’aller rectifier les choses et d’aller voir vraiment ce qu’il en est. Et ce qu’il en est, eh bien, c’est que c’est complètement faux! Dans l’amitié, il y a autant de non-dits, de mensonges, de trahisons ou de jalousie. C’est ce que le livre illustre en partie.»
Bref, il démonte l’idée qu’un ami, c’est forcément pour la vie et toujours du bon côté…
Photo fournie par les Éditions Flammarion
Et toute la vie devant nous
Olivier Adam
Éditions Flammarion
320 pages