«Le 1er mai ? Ah oui, la fête du Travail. Ce sera quel jour cette année ? Jeudi, vous dites ? Eh bien on sera ouvert », conclut Virgile, le patron de la boulangerie T65, dans le 7e arrondissement de Marseille. « Notre jour de fermeture est le lundi, tous les autres jours nous sommes ouverts, fériés ou pas. » Force est de constater que les législations sont bien plus simples dans la bouche des boulangers, propriétaires comme salariés que dans le Code du travail.
Car en principe, tout travail salarié, sauf dérogation pour les entreprises qui, « en raison de la nature de l’activité, ne peut pas interrompre le travail », comme les hôpitaux par exemple, est interdit le 1er mai, précise la loi. La fête des Travailleurs n’est en effet pas un jour férié comme les autres. C’est un jour, et le seul, à être férié-chômé. Une nuance qui parle moins à un boulanger que celle entre une baguette « pas trop cuite » ou une « bien dorée ».
« Pourquoi on ne travaillerait pas ? », interroge Rosa, qui finit ce matin de préparer les portions de plats du jour à emporter dans sa boulangerie de la rue Sainte. « On ne m’a jamais empêché d’ouvrir. En plus, c’est une bonne journée. Le Lidl à côté est fermé. Il y a la manifestation, ça nous ramène des clients », dit Rosa qui gère la boulangerie en famille et pour qui le 1er mai lui évoque plus une journée sans transports en commun qu’une célébration des travailleurs.
Même son de cloche cent mètres plus loin où Christelle est, elle, salariée. « J’ai vingt ans de boulangerie, et j’ai toujours travaillé les 1er mai. La paye est double. J’ai entendu que ça en parlait à la télé. Pourquoi ils s’excitent maintenant ? Il y a une nouvelle loi ? », s’interroge-t-elle. Une même réflexion que fait Louisa, salariée de la boulangerie Aixoise. « On nous dit : “Nanani nanana… Les Français ne travaillent pas assez”, mais quand on bosse on vient nous chercher », peste la quadragénaire.
« Celui qui veut ouvrir, ouvre, non ? »
Son voisin le Pain de l’Opéra, emploie dix salariés et lui sera fermé. Mais rien à voir avec quelconque souci de la loi. « On est fermé trois jours dans l’année, le 1er mai, le 25 décembre et le 1er janvier », résume Enzo Maillet, le jeune propriétaire. « Mais comme on travaille en famille, ma sœur a aussi sa boulangerie à Orange, mon oncle est restaurateur, donc ça permet surtout de tous nous réunir », explique le jeune homme. Lui aussi croit « qu’une nouvelle loi est sortie ».
Mais si le sujet revient actuellement c’est que plusieurs boulangeries de Vendée ont été mises à l’amende le 1er mai dernier par des inspecteurs du travail qui mettaient en application un arrêt de la Cour de cassation de 2006, visiblement rarement respecté depuis. « Je crois qu’on paye assez de taxes et d’impôts pour que celui qui veut ouvrir, ouvre, non ? », estime Enzo. « On est dans un pays qui met les gens qui travaillent à l’amende ; le paradis quoi », complète Virgile.
Une loi avec laquelle le gouvernement en place n’est pas vraiment à l’aise. « L’application de cette loi est aujourd’hui difficilement compréhensible », admet Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l’Emploi. « Si, sur une base volontaire avec des compléments de salaire, les gens ont envie de s’organiser, on doit pouvoir laisser [faire] avant de pouvoir clarifier les choses dans la loi. » On peut croire que le message de permissivité a bien, pour cette année, été transmis aux préfectures.