Avec son art tendre et expressif, la plasticienne française met en scène les tourments adolescents pour mieux exorciser le désespoir du monde. 

S’absenter, Verbe aimer – Verbe rompre… Les titres des expositions de Françoise Pétrovitch traduisent depuis des années les mouvements de vies fragmentées dont sa peinture se fait l’écho indicible. Il y a quelque chose qui cloche dans la vie et dans ses toiles qui la captent, comme on dit qu’il y a un os quand plus rien ne roule. Sa nouvelle exposition au Mo.Co, précisément intitulée Sur un os, démontre dans une amplitude de gestes et de médiums (peinture, vidéo, sculpture, dessin) combien son œuvre semble happée par le désir de saisir non pas l’origine, mais l’effet des moments troubles que traverse la jeunesse en proie aux doutes et aux rêves.

Sur les deux étages du musée, les vastes volumes des plateaux font honneur à la puissance de ses grandes toiles, mais aussi de ses premiers petits dessins, de ses sculptures en bronze et de ses céramiques, réalisées entre 1994 et aujourd’hui. Le parcours, non chronologique, révèle ici combien son travail, démarré dans les années 1990, se déploie dans une parfaite continuité sur la durée, tant on y devine une somme de télescopages et de correspondances depuis ses broderies sur toile, ses dessins, ses collages, ses cartes postales, où elle joue avec les mots, jusqu’à sa série de portraits désaturés d’adolescent·es androgynes au visage blanchi.

Répondant à l’invitation de Rahmouna Boutayeb et Numa Hambursin, la peintre s’attache à la question de la métamorphose, autant celle du papillon dans son installation vidéo sur cinq écrans en voilage que celle des adolescent·es qui peuplent de leurs secrets intérieurs les paysages de sa peinture expressive. Dans des variations chromatiques magistrales, entre tons vifs et gris colorés, entre bleu plein et jaune délavé, ses toiles saisissent le regard des visiteur·ses en les laissant en suspens quant à la compréhension de ce qui s’y joue vraiment (l’espérance, l’angoisse ?). La mélancolie apparente de ses visages et de ses corps abandonnés n’écrase jamais la douceur de ses traits esquissés et l’intensité de ses couleurs étincelantes.

Une forme de tendresse semble envelopper la violence du monde, comme si la peinture protégeait par elle-même du désespoir. Contempler une toile de Françoise Pétrovitch revient à s’égarer et penser en même temps, à saisir l’épaisseur des secrets cachés dans l’opacité des regards qui ne cessent de traverser ses scènes banales de vies d’adolescent·es évanescent·es, tête baissée, les yeux fermés, parfois ouverts, avec plus ou moins d’éclat.

La répétition des scènes de jeunes allongé·es sur le sol, écrasé·es par la vie, suggère aussi l’idée d’une communauté d’affects partagés. Seul·es, oui, mais ensemble. C’est pourquoi rien n’est désespérant malgré les os ; d’ailleurs, la dernière salle, pleine de sculptures en bronze, dévoile une petite fille en équilibre sur un fémur d’ogre, comme le signe d’un renversement de la puissance. Les filles résistent aux ogres, comme les adolescent·es s’accrochent à leurs rêves.

Sur un os de Françoise Pétrovitch au Mo.Co, Montpellier, jusqu’au 2 novembre.