Il a vécu toutes les convulsions de l’usine de la Barre-Thomas à Rennes, notamment les licenciements brutaux d’un fonds de pension américain en 2007-2008. Alain Le Bras revient sur ses 36 années ouvrières.

Même s’il ne reste plus grand-chose de ses grandes usines, la Barre-Thomas est un nom qui continue de résonner dans la mémoire rennaise. Dans l’angle de la rocade ouest et de la route de Lorient, face au Roazhon Park, la Barre-Thomas a abrité pendant soixante ans la deuxième plus grande usine rennaise. La première en taille est celle de Stellantis à La Janais, mais la Barre-Thomas est la plus ancienne, puisque créée par Citroën dès 1953, pour fabriquer des roulements à billes et des éléments de caoutchouc.

Cette histoire d’usines, Alain Le Bras y est intimement lié. Arrivé de son Finistère natal, il intègre d’abord, en 1989, l’usine Citroën de La Janais, où il est intérimaire sur la XM. Deux ans plus tard, en novembre 1991, il est muté à la Barre-Thomas, où il passera 34 ans de sa vie, dont 22 comme élu du CE (aujourd’hui CSE).

Alain le Bras a connu la Barre-Thomas avec 3.000 salariés, dont 1.000 intérimaires. On est alors au début des années 2.000, quand le groupe PSA se sépare de son usine pour la vendre à l’italien CF Gomma. Confrontée à des problèmes financiers, l’usine est reprise après un dépôt de bilan en 2005 par Silver Point.

36 ans de vie ouvrière dont 22 d'engagement syndical à Rennes, dans les usines de Citroën et de la Barre-Thomas 36 ans de vie ouvrière dont 22 d’engagement syndical à Rennes, dans les usines de Citroën et de la Barre-Thomas © Radio France – Eric Bouvet

Rapidement, ce fonds de pension américain va lancer un premier plan de licenciements en 2006, puis un deuxième « hyper violent » entre avril 2007 et mars 2008. On venait « chercher les salariés sur leur poste de travail pour les emmener à l’infirmerie et leur signifier leur licenciement », se souvient Alain Le Bras. Lui-même est licencié en mars 2008, par un message du DRH sur son répondeur, qu’il découvre le soir en rentrant chez lui. Salarié protégé, il est réintégré par la suite. Il se souvient que le Ministre du travail de l’époque Xavier Bertrand était lui-même intervenu, tant les méthodes étaient brutales. Ce triste épisode ouvrier de Rennes est racontée dans le livre « Barre-toi ! », paru en 2010 aux éditions Apogée.

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La Barre-Thomas et Alain Le Bras connaitront d’autres licenciements, notamment en 2009, puis avec Cooper Standard, qui reprend l’usine en 2010. L’idée est de la fusionner avec celle de Vitré, ce qui justifie de vendre une grande partie des terrains, qui « avaient une valeur considérable ». Tout est vendu. Alain Le Bras regrette, « on était propriétaire à l’époque. On est devenu locataire et on paye un million d’euros par an de location. C’est un sacré business ».

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Reprise par Continental en 2019, la désormais petite usine de la Barre-Thomas compte 275 salariés. En retraite, Alain Le Bras, l’a quittée le 2 juillet et se souvient de ses 34 ans sur ce site aujourd’hui quasi désert et toujours pollué. C’est un « exemple concret de tout ce qui se passe dans le monde industriel. Il est incroyable de tenir dans des conditions pareilles et en ayant vécu tout ce qu’on a vécu depuis des années. Il y a un manque d’humanité dans cette entreprise là depuis toujours ».

Il en écrira un livre dit-il, mais auparavant, il retourne à l’école en septembre, pour apprendre le breton.