Bristol, Exeter, Tamworth, Cannock, Nuneaton, Liverpool, Wakefield, Horley, Canary Wharf. Toutes ces villes anglaises ont accueilli une énième vague de manifestations contre les hôtels hébergeant des demandeurs d’asile, ce week-end. Avec des slogans de plus en plus décomplexés comme « All I want for Christmas is mass deportation » (« tout ce que je veux pour Noël, ce sont des expulsions de masse »). Pris dans une crise dont il a en partie hérité, le gouvernement de Keir Starmer semble de plus en plus dans l’impasse.

D’autant qu’une brèche en faveur des manifestants a été ouverte la semaine dernière : un juge a donné raison à la localité d’Epping (nord-est de Londres), épicentre de la contestation depuis les poursuites engagées contre un demandeur d’asile accusé de violences sexuelles sur une adolescente de 14 ans, en ordonnant la fermeture d’un hôtel accueillant des personnes migrantes. Depuis, plusieurs dizaines de communes aux mains du parti conservateur ou du parti d’extrême droite Reform UK se disent prêtes à lui emboîter le pas.

Cette décision pourrait « significativement » affecter la capacité du gouvernement à héberger des demandeurs d’asile, selon le ministère de l’Intérieur. Pourtant, en vertu de la loi sur l’Immigration et l’Asile de 1999, ce dernier est tenu de fournir un logement et une aide à la subsistance à tout demandeur d’asile démuni le temps que sa demande soit examinée.

32 000 demandeurs d’asile dans des hôtels

Dépassés par les traversées de la Manche après le Brexit en 2020, les gouvernements conservateurs se sont de plus en plus reposés sur les hôtels pour accueillir les demandeurs d’asile. En juin dernier, 200 hôtels étaient utilisés pour loger 32 000 migrants à l’échelle de l’Angleterre et du pays de Galles. C’est moins que le record atteint en 2023 lorsque 56 000 demandeurs occupaient des chambres. En plus de ne pas être adaptés aux besoins des bénéficiaires, ces hôtels représentent un vrai coût pour l’État : leur location a coûté 5,4 milliards d’euros au contribuable entre 2023 et 2024, augmentant le ressentiment d’une certaine partie de la population.

Le Parti travailliste a promis de mettre fin à l’utilisation d’hôtels pour héberger les demandeurs d’asile d’ici 2029 en réduisant les traversées des embarcations, notamment par le nouvel accord migratoire avec la France, et en construisant de nouveaux logements appartenant au gouvernement. « Le gouvernement travailliste ne cesse d’expliquer qu’il récupère le système fabriqué par les gouvernements conservateurs précédents, mais après une année au pouvoir, c’est à lui de proposer une solution à la crise », analyse Alma-Pierre Bonnet, maître de conférences en civilisation britannique à l’Université Lyon 3.

«Un sujet parmi d’autres»

Une solution, certes, mais laquelle ? Dans l’impasse, le gouvernement est actuellement à la recherche de 5 000 logements pour loger 20 000 demandeurs d’asile. Cela pourrait passer par l’achat ou la location de biens vacants à des municipalités mais aussi des immeubles ou des résidences étudiantes désaffectés.

En attendant, cette crise fait l’affaire de l’extrême droite, largement en tête des derniers sondages, tandis que le parti conservateur semble accompagner ce mouvement. « La droite s’est largement saisie de la question de l’immigration en reprenant les positions du parti Reform UK. Aujourd’hui, ce dernier dit : pourquoi voter pour la copie alors que vous pouvez avoir l’original ? », explique Alma-Pierre Bonnet avant de rappeler que, derrière ces manifestations, « la question de l’immigration n’est, pour une majorité silencieuse, qu’un sujet parmi d’autres, comme le déclin du système de santé et de l’économie qui préoccupent tout autant ».