Maintenant qu’il sait que les 36 chasseurs-bombardiers F-35A qu’il a commandés auprès du gouvernement américain lui coûteront bien plus cher que les six milliards de francs suisses [CHF] prévus [la note pourrait s’alourdir de 1,3 milliard, ndlr], le département suisse de la défense, de la protection de la population et des sports [DDPS] a récemment demandé au futur commandant de sa force aérienne, le divisionnaire [équivalent de général] Christian Oppliger, de « réévaluer l’équipement cible de la défense aérienne, en tenant compte de la situation financière et de politique de sécurité ». Ce qui ouvre la voie à une possible réduction du nombre d’avions devant être acquis.

Quoi qu’il en soit, le DDPS n’a pas beaucoup de marge de manœuvre… Et cette affaire, que certains qualifient « d’État », donne lieu à des règlements de compte politiques, le Conseil fédéral étant accusé de ne pas vouloir chercher une alternative au F-35A. Et pour cause : selon lui, annuler la commande serait juridiquement compliqué et il est de toute façon trop tard pour relancer un appel d’offres, les actuels F/A-18 Hornet de la force aérienne suisse devant arriver au bout de leur potentiel à l’horizon 2032.

Ce qui, selon des confidences faites par des membres de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national [CPS-N] au quotidien Blick, la semaine passée, en serait pas exact.

Ces derniers « s’appuient notamment sur des déclarations du chef des Forces aériennes, Peter Merz. Lors d’une séance extraordinaire de la CPS-N, le 2 juillet, celui-ci aurait admis que la durée d’utilisation des F/A-18 pourrait être prolongée ‘sans problème’ de quelques années » étant donné que « d’autres Etats le font déjà », a écrit le journal, le 22 août.

Cette prolongation, selon les mêmes sources, permettrait d’ajouter 1 000 heures de vol de plus au potentiel F/A-18, pour un coût compris en 800 millions et 1 milliard CHF. « La flotte actuelle suisse pourrait donc être maintenue jusqu’en 2035, voire 2037 » et « on aurait ainsi du temps pour examiner une alternative européen », a dit un membre de la CPS-N.

Ces affirmations sont étonnantes pour trois raisons. La première est que le divisionnaire Merz avait défendu bec et ongles l’achat de F-35 en mars dernier, estimant que renoncer à ces avions « serait fatal pour la sécurité de la Suisse ». Aurait-il changé d’avis depuis ?

Quand la seconde raison, elle tient au fait que la Suisse a déjà mis en ҄œuvre un programme pour prolonger la durée de vie de ses F/A-18 Hornet afin de garantir leur fonctionnement jusqu’en 2030. Or, d’un montant de 450 millions CHF, cette opération s’annonçait lourde. « La structure des appareils présente de plus en plus souvent des fissures », avait relevé le DDPS, au moment de son lancement.

Enfin, à l’issue de la « séance extraordinaire » évoquée par Blick, les membres de la CPS-N ont rejeté une « proposition de motion qui demandait la suspension de tout paiement en relation avec l’acquisition du F-35A » [17 voix contre 8] ainsi qu’une « proposition de postulat qui chargeait le Conseil fédéral d’analyser les alternatives européennes au F-35A » [16 voix contre 8].

Aussi, le divisionnaire Merz a-t-il tenu les propos qui lui ont été prêtés ? Ou s’est-il mal fait comprendre ? Toujours est-il que le DDPS les a démentis.

« Une prolongation de la durée de service jusqu’en 2035 a été examinée. Les coûts financiers seraient disproportionnés. Les investissements nécessaires pour les rénovations indispensables dans les domaines de la structure, des moteurs, des sous-systèmes et de l’avionique s’élèveraient à environ 1,75 milliard de francs [suisses] », a expliqué le DDPS. Et d’ajouter : « On sait par expérience que le risque de dommages structurels augmenterait en outre de manière constante avec le vieillissement des avions ».

Un autre point qui a convaincu le DDPS d’abandonner une telle option est que le fait que la Suisse aurait été l’un des derniers pays [si ce n’est le dernier] à exploiter des F/A-18A/D à l’horizon 2030. « Notre pays serait tenu d’assumer de manière exclusive l’intégralité des risques liés au développement, la gestion complète des stocks de pièces détachées, ainsi que la réalisation de toutes les évolutions techniques requises et les prolongations de la durée d’utilisation. Cela comporterait des risques financiers, techniques et militaires élevés », a-t-il conclu.

Photo : DDPS