Au moment de s’élancer pour la dernière étape 100% transalpine de ce Tour d’Espagne 2025, une pointe de chagrin accompagnait ce lundi l’Équipe cycliste Groupama-FDJ, réduite à sept après le retrait sur chute la veille de Guillaume Martin-Guyonnet, blessé aux côtes. Il était pourtant impératif de se remobiliser pour une journée qui s’annonçait calme en apparence, mais dont le final pouvait s’avérer tendu. Depuis San Maurizio Canavese, seulement 135 kilomètres étaient à parcourir vers Ceres, où la ligne était tracée au bout d’une côte de 2500 mètres à tout juste 3% de pente moyenne, mais après un dernier kilomètre à environ 5%. « Après la prestation de David hier, et vu le parcours proposé, on y croyait, et on avait tout mis en place pour faire le meilleur résultat possible, exposait Frédéric Guesdon. On partait dans l’optique de disputer le final avec David et Thibaud, mais tout allait dépendre du déroulé de l’étape. C’était tout de même assez casse-pattes, et Lidl-Trek a joué avec le terrain vallonné et sinueux de la mi-course pour durcir et fatiguer ses adversaires. De notre côté, on a super bien couru, on était toujours bien placés, et on n’a pas trop subi. Ce scénario a ouvert la porte à David ». « On savait qu’il était en grande forme après hier et que le final lui convenait, confirmait Rudy. Quand j’ai vu pendant l’étape que tout le monde était fatigué, je lui ai dit qu’il pouvait gagner ».

« Stefan m’avait dit : tu peux battre Pedersen », David Gaudu

L’échappée du jour, originalement composée de quatre hommes, a été définitivement neutralisée à vingt kilomètres de la ligne, puis le peloton a abordé un long et léger faux-plat en direction de l’arrivée. Dans le sillage de Stefan Küng, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ n’a quasiment jamais abandonné les avant-postes. La nervosité s’est peu à peu installée, et d’autant plus dans les cinq derniers kilomètres, avant d’aborder la montée vers Ceres. « On était venu la repérer car l’hôtel n’était pas loin, et on avait bien fait, car on avait noté des endroits techniques où il fallait être placé, en particulier à deux kilomètres de l’arrivée, expliquait Frédéric Guesdon. Il y avait une petite bascule, et il ne fallait pas traîner derrière car les lacets s’enchaînaient assez rapidement ». Alors en retrait, David Gaudu a eu la lucidité -et les jambes – de fournir un effort à cet instant précis. « J’ai su trouver le bon timing à deux kilomètres pour prendre les bonnes roues », disait-il. De retour en tête de paquet, le Breton n’a dès lors plus rétrogradé alors que le peloton se délitait petit à petit. Attentif et prompt à réagir, il faisait même partie d’une petite grappe de coureurs légèrement détachée à 400 mètres de la ligne, après l’effort de Giulio Ciccone pour son sprinteur Mads Pedersen.

« J’avais bien aimé l’arrivée lorsqu’on l’avait reconnu, et Stefan m’avait dit ce matin : avec ton poids et ta giclette, tu peux battre Pedersen sur ce finish, rapportait David. Je dois avouer que je n’y croyais pas trop ». Il était pourtant dans la roue du Danois et de Jonas Vingegaard à 200 mètres du but, avant le dernier virage, crucial, situé à 75 mètres de la ligne. « J’ai vu que Mads n’allait pas fermer la porte, j’ai réussi à m’immiscer à l’intérieur, puis c’était une bataille d’homme à homme jusqu’à la ligne », relatait David. « On a eu un peu peur juste avant car on a senti qu’il était un peu dans le dur sur l’accélération, ajoutait Frédéric, mais il a réussi à bien se remettre en position, il est arrivé très vite dans le virage, puis son punch a fait la différence ». Au bout d’un effort aussi explosif que gracieux, David Gaudu a alors fait plier l’ancien champion du monde pour s’octroyer une victoire des plus mémorables. « C’est exceptionnel, lançait Thibaud, arrivé à la dix-huitième place. J’ai entendu son nom en passant la ligne, j’étais trop content ». « Ce sont des sentiments incroyables, poursuivait Rudy, vingt-deuxième. On attendait ça depuis un moment, on va en profiter ».

« Il y a vraiment beaucoup d’émotions », David Gaudu

D’abord bouche-bée, puis extatique, David Gaudu lui-même avait toutes les raisons de savourer ce succès, eu égard au chemin parcouru. « Cette saison a été tellement difficile… Il y a vraiment beaucoup, beaucoup d’émotions, soufflait-il dans ses premiers propos. J’ai enchaîné les galères et les ennuis, mais l’équipe a toujours su me soutenir, me relancer, et me remettre sur les rails. C’est juste une récompense de leur apporter cette victoire. Elle fait vraiment du bien. Lever les bras, c’est ce qu’on peut demander de mieux dans le vélo.  Je sais que je peux évoluer à ce niveau, mais je n’arrivais pas à le montrer jusqu’à maintenant. J’ai réussi à le faire hier, et de nouveau aujourd’hui. Notre Vuelta est déjà réussie ». « Il lui fallait un peu de confiance, il l’a retrouvée hier, et il a montré aujourd’hui ce dont il était capable, affirmait Stefan Küng. Je suis très content pour lui car on sait la saison qu’il a vécue. Il est de retour à son vrai niveau. C’est top pour lui et pour l’équipe ». Et Frédéric Guesdon d’ajouter : « Ça va faire du bien à tout le monde. D’abord à David, qui a galéré cette année et espérait beaucoup plus de cette saison. En tant que sportif, retrouver la victoire après tant de difficultés, c’est toujours émouvant. Puis pour l’équipe, car le Tour n’a pas été extraordinaire et les résultats n’ont pas non plus été au rendez-vous depuis. Ça va nous permettre de repartir sur de bons rails pour la fin de saison ».  

Gourmande, l’Équipe cycliste Groupama-FDJ aurait volontiers accepté la cerise sur le gâteau, à savoir le maillot rouge, mais c’est au cumul des places que Jonas Vingegaard a ce lundi conservé sa tunique face à David Gaudu, désormais son dauphin. « Une victoire, un podium, deuxième du général, on aurait signé pour un tel départ, concluait Frédéric. On sait qu’il est important de bien débuter un Grand Tour, et on va essayer de continuer comme ça. On pense bien à Guillaume aussi ce soir, car il va nous manquer pour la suite ». La suite emmènera mardi les coureurs à Voiron, en France, dans un quatrième acte qui présentera trois difficultés dans les soixante-quinze premiers kilomètres.