La « shadow fleet » russe serait passée de moins d’une centaine de navire en 2022 à entre 300 et 600 navires pour échapper aux sanctions, selon des données de Windward AI.
La flotte fantôme russe ou « shadow fleet », en anglais, comptait « moins d’une centaine de navire » en 2022, lorsque Moscou a décidé d’envahir l’Ukraine, selon une note de Windward AI, une plateforme spécialisée dans l’analyse de données et l’usage de l’intelligence artificielle dans le secteur du maritime. Elle en comptait, selon la méthode de comptabilité choisie, entre 300 à 600 en 2025, écrit le fondateur de Windward AI, Ami Daniel. Une dizaine de ces navires sont d’ailleurs suivis quotidiennement en Manche, avait signalé le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord début juillet, lors d’une audition de la Commission de la Défense de l’Assemblée nationale.
Pour rappel, cette flotte fantôme, dont la dimension est difficile à évaluer, est constituée de navires qui mènent des opérations dangereuses, ne respectant pas les réglementations internationales et les meilleures pratiques, évitant intentionnellement les inspections, naviguant sans assurance, prenant volontairement des mesures pour éviter d’être détectés… Autant de pratiques pour contourner les sanctions qui font peser des risques environnementaux et pour la sécurité des équipages. Son essor est une conséquence indirecte de l’invasion russe en Ukraine. En réaction, l’Union Européenne et le G7 ont décidé d’un plafonnement du prix du pétrole russe transporté par navires à un pays tiers. Il est interdit aux expéditeurs ou assureurs de ces pays d’offrir des services pour faciliter des exportations de pétrole russe dont le prix excède 60 dollars par baril. Le but du plafonnement est de limiter les sources de revenus pour la Russie, tout en rendant plus difficiles les réorientations vers d’autres pays moins regardants. Cette mesure est entrée en vigueur le 5 décembre 2022, en complément de l’embargo de l’UE sur les importations par voie maritime de pétrole brut en provenance de Russie. Mais Moscou a mis en place des stratégies pour contourner cet embargo, s’inspirant des méthodes employées par l’Iran et le Venezuela, afin d’exporter son brut vers l’Inde et la Chine.
Dans sa note, Windward relève qu’ « avant 2022, les ventes annuelles de pétroliers d’occasion atteignaient en moyenne 200 à 300 navires. Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les ventes ont bondi à plus de 600 en 2022, 495 en 2023 et 268 en 2024 (pour les navires de plus de 20 000 tpl). » De nombreux navires ont ainsi échappé à la casse. La démolition a chuté de 25 à 140 navires en moyenne par an, à 27 en 2022, 13 en 2023 et seulement 11 en 2024. Quant au nombre de navires sous sanctions, il ne cesse d’augmenter. Il a grimpé de 40% entre le premier trimestre 2025, par rapport au deuxième trimestre 2024. En réaction, les tactiques de dissimulation et de tromperie se multiplient. Windward cite des manipulations de système de positionnement par satellite GNSS ou d’AIS, des navires « zombies » (navires « empruntant » l’identité d’autres navires qui ont été détruits) ou encore le blanchiment d’identité de navires (changement frauduleux d’immatriculations, modification de l’apparence des navires…).
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