« La villa fait face à la mer, mais s’intègre de manière discrète et respectueuse. Nous avons exploité le relief naturel du terrain, en évitant les mouvements de terre invasifs. C’est ainsi qu’est née une maison “à plusieurs niveaux”, où chaque pièce possède sa propre hauteur et sa propre relation avec le paysage », poursuit l’architecte.

« Le résultat est un organisme fluide, en dialogue constant entre pleins et vides, masses et transparences », explique Eleonore Cavalli. « Nous avons accepté l’invitation du paysage, en nous laissant inspirer par sa lumière changeante et sa palette minérale. Les meubles n’ont jamais été conçus comme des éléments isolés, mais comme des présences en dialogue avec l’extérieur : les hauteurs sont contenues, les proportions calibrées, les matériaux – lin, cuir, pierre polie, bois – reflètent la nature environnante. » Et de poursuivre : « Le client souhaitait une maison capable d’incarner l’essence d’Ibiza sans céder à la rhétorique décorative. L’objectif était de restituer la beauté de l’île dans une perspective contemporaine, en utilisant le béton armé de manière organique. Aucune habitation à Ibiza ne combine l’organique et le ciment pour donner un résultat unique, proche d’un brutalisme qui exprime de manière si intégrée le genius loci de l’île. La palette est le fruit d’une recherche d’essentialité lumineuse : blancs crayeux, beiges sable, nuances de pierre et accents naturels. Nous avons travaillé pour transmettre une sensation de calme et d’ouverture, où chaque matériau pouvait respirer et exprimer son authenticité en dialogue avec une organicité profondément intégrée au territoire. »

Sous le signe du cancer

Mais il ne s’agit pas seulement de style. Le projet est traversé par une subtile tension philosophique. Le commanditaire, cosmopolite et amateur de la pensée de Rudolf Steiner, souhaitait une architecture qui prenne également en compte la dimension spirituelle de la vie, les phases lunaires, et l’harmonie cosmologique. « Le plan s’inspire du signe zodiacal du maître des lieux, le Cancer », révèle Baroncelli. « La forme incurvée, les deux ailes qui s’étendent comme des pinces et le symbole de l’infini sont autant d’éléments que nous avons intégrés dans le plan. C’est une maison “steinerienne”, au sens le plus profond et le moins didactique du terme. » Une résidence qui semble refléter l’essence même de l’île : sauvage mais sophistiquée, spirituelle mais terrestre, rigoureuse mais sensuelle. Un refuge intime et monumental, où chaque détail – de la texture d’un tapis à la proportion d’une fenêtre – contribue à construire une vision : celle d’une beauté naturelle et intemporelle, où l’on peut vivre des vacances sans fin.

Le fauteuil Shibari de StudioPepe.

Robert Rieger