Aucune fouille substantielle n’avait encore été entreprise dans
la chapelle royale de Saint-Pierre-aux-Liens, l’église paroissiale de la Tour de Londres où sont notamment enterrés les corps
des individus les plus célèbres y ayant été emprisonnés puis exécutés: Thomas More, Cromwell, l’éphémère reine d’Angleterre Lady Jane Grey…
Au milieu de ces illustres sépultures, des archéologues viennent d’exhumer des
dépouilles bien plus anciennes, qui remonteraient à l’épidémie de peste noire ayant
ravagé l’Europe au milieu du XIVe siècle.
Le chantier, un des plus importants depuis des décennies, est supervisé par l’Historic Royal
Palaces, une organisation caritative indépendante s’occupant des châteaux inoccupés dans le pays. Il vient apporter un nouvel
éclairage sur les conditions de vie et de mort des habitants de la fameuse forteresse
londonienne à l’époque médiévale, détaille le magazine National Geographic.
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Achevée en 1520, la chapelle telle qu’on la connaît aujourd’hui
est venue se surajouter à une première structure datant à minima du XIIe siècle, et peut-être même du IXe siècle. Sous la stratification
architecturale, c’est toute une histoire sociale et politique à creuser encore
qui s’offre aux chercheurs.
Plongeant à trois mètres de profondeurs sur près de soixante
mètres carrés de déblais, dans un endroit où il est rare d’excaver au-delà de
trente centimètres, les archéologues ont trouvé, en plus de bijoux, textiles et
fragments de vitraux, vingt-deux corps entiers et des charniers conséquents,
datant du XIIIe au XVIe siècles.
Des tombes et des bubons
Pour Katie Faillace, anthropologue dentaire et
bioarchéologue à l’université de Cardiff, bien que plusieurs corps aient été
enterrés dans des cercueils, la plupart «des personnes enterrées ici ne font
pas partie de l’élite», mais appartiendraient plutôt à «une classe
moyenne que l’on rencontre rarement en archéologie».
Au moins sept sépultures, datant du XIVe siècle
et visiblement réalisées à la hâte, pourraient bien être celles de personnes
mortes de la peste noire lors de la terrible épidémie amorcée en 1348. C’est une
théorie de recherche exposée par Alfred Hawkins, le conservateur des bâtiments
historiques de la Tour de Londres, que des analyses plus poussées, visant notamment
à identifier des traces de la bactérie Yersinia pestis, pourraient confirmer ou
infirmer.
De fait, les Londoniens du Moyen Âge avaient créé des
cimetières d’urgence pour les victimes de la peste, qui pourraient bien
correspondre à ce type de sépulture. Les datations indiquent que ces tombes
pourraient dater des premières vagues de la peste bubonique dans la capitale
britannique, aussi fourniraient-elles des informations précieuses sur la vie de
l’époque.
Ces fouilles viennent poursuivre des travaux expérimentaux
débutés en 2019, qui avaient permis d’identifier avec une relative précision
deux corps datant vraisemblablement de la charnière du XVe et du XVIe siècles.