C’est indéniable, Mark Carney a du succès depuis son entrée en politique.
• À lire aussi: Mark Carney demande à Trump de cesser ses menaces d’annexion et d’arrêter de parler du 51e État
• À lire aussi: 51e État: Carney a-t-il réussi à clouer le bec à Trump pour de bon?
• À lire aussi: Le 51e État évoqué au Bureau ovale: «Carney s’en est magnifiquement bien sorti»
Moment rare hier: les commentateurs ont salué (avec raison selon moi) sa performance de mardi dans le Bureau ovale à Washington, aux côtés de vous savez qui.
Écrire un tel constat me garantit d’être, par plusieurs, voué aux gémonies, j’en suis conscient.
British
Par masochisme, je vais en rajouter: le succès de Carney n’est pas étranger à son petit côté britannique.
Oui, au risque de céder à l’attrait des clichés culturels, à la Maison-Blanche mardi, Carney a usé d’un flegme, d’une retenue très british.
Il a aussi fait preuve d’esprit notamment lorsqu’il a expliqué au président que certaines choses n’étaient pas à vendre: «Buckingham Palace notamment». Son raffinement doublé de ses sourires en coin contrastait avec l’attitude rustre du chef d’État républicain mal embouché.
Le petit côté britannique de Carney, on l’avait perçu lors des débats électoraux où il a su se montrer spirituel.
Attention: je ne dis pas pour autant qu’il est parfait. Mais le fair play élémentaire ne nous oblige-t-il pas à reconnaître les forces d’un joueur?
D’où lui vient ce côté britannique? En partie de son tempérament, sans doute (mais moins de sa religion: il est catholique). Peut-être aussi en partie de ses études à Oxford, puis, plus tard, lors de ses mandats (plus de six ans) à la tête de la Banque d’Angleterre.
Opportun
Ce petit côté britannique tombe bien, dans la conjoncture. À une autre époque, il aurait paru dépassé.
Mais quand il s’agit de marquer le contraste avec le pays voisin, de rappeler que le Dominion est en partie «l’Amérique du Nord britannique», ce n’est peut-être pas si mauvais, stratégiquement. D’où son séjour initial chez les «peuples fondateurs», notamment à Londres. D’où l’invitation adressée au roi Charles III à venir présenter le discours du trône.
Dans le ROC, cela satisfait sans doute ce qui reste d’identité anglaise. Un aspect que le Parti conservateur, profondément américanisé sous Poilievre, n’a pas vraiment tenu à… conserver (à part un peu sous Harper).
Je gagerais que le petit côté britannique ne déplaît pas non plus à une bonne partie des Québécois. Oui, ils enragent de savoir que Charles III lira le discours du trône. Oui, le côté britannique de Carney et la culture du PLC l’amènent à négliger le français et le Québec de manière affligeante.
Mais combien de Québécois vous confieront, en rentrant de Londres, qu’ils s’y sont sentis davantage «chez eux» qu’à Paris? Le chef le plus souverainiste de notre histoire, Jacques Parizeau, avait rapporté de ses études à la London School of Economics un anglais aux «accents britanniques des classes supérieures» (International Herald Tribune, 15-09-1994). Entre deux «By Jove!», il insistait pour qu’un Québec souverain conserve le parlementarisme britannique.
Enfin, l’historien Yvan Lamonde, cherchant à condenser l’identité québécoise en une formule, Q = – (F) + (GB) + (É.-U.)2 – (R), insistait sur l’importance de la composante «GB» (pour Grande-Bretagne) dans notre culture.
Tout cela expliquerait en partie l’étonnant succès de Mark Carney.