Donald Trump a déclenché une tempête politique et juridique lundi en annonçant le limogeage de Lisa Cook, l’une des gouverneures de la Réserve fédérale (Fed). Cette décision, motivée par des allégations de fraude hypothécaire et communiquée dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux, constitue une attaque frontale contre l’indépendance de la banque centrale américaine et ouvre la voie à une bataille constitutionnelle qui pourrait remonter jusqu’à la Cour Suprême. Jamais en 111 ans d’histoire un membre du Conseil des gouverneurs de la Fed n’avait été démis de ses fonctions par un président.

L’affaire a éclaté la semaine précédente lorsque Bill Pulte, le directeur de l’Agence fédérale de financement du logement (FHFA) nommé par Donald Trump, a publiquement accusé Lisa Cook d’avoir frauduleusement désigné deux propriétés distinctes comme sa résidence principale dans des dossiers de prêts immobiliers différents. Ces accusations ont été rapidement relayées par le président, qui a exigé sa démission avant de passer à l’acte. Dans sa lettre, Donald Trump invoque l’article II de la Constitution ainsi que le Federal Reserve Act de 1913 pour justifier sa décision, affirmant qu’il existe des « raisons suffisantes » pour ce renvoi avec « effet immédiat ».

La lettre publiée par Donald Trump sur Truth SocialPhoto d’illustration (Crédits : Maison-Blanche)La lettre publiée par Donald Trump sur Truth SocialPhoto d’illustration (Crédits : Maison-Blanche)

De son côté, Lisa Cook, première femme noire à siéger au Conseil de la Fed, a fermement rejeté toute idée de démission face à ce qu’elle qualifie d’intimidations. Dans une déclaration, elle a affirmé son intention de répondre de manière professionnelle à toute enquête sur sa situation financière, tout en soulignant que les prêts en question avaient été contractés avant sa nomination à la banque centrale. Cette posture de fermeté préfigure une contestation juridique de son limogeage.

L’indépendance de la Fed dans la balance

Au-delà du sort personnel de Lisa Cook, c’est le principe fondamental de l’indépendance de la Réserve fédérale qui est en jeu. La loi stipule que le président ne peut révoquer un gouverneur que « pour motif valable » (for cause). Or, la définition de ce qui constitue un tel motif reste juridiquement floue et n’a jamais été testée devant les tribunaux à ce niveau. Les critiques de la décision présidentielle, notamment dans les rangs démocrates et parmi de nombreux économistes, y voient une manœuvre politique visant à soumettre l’institution monétaire à la volonté de l’exécutif.

Cette offensive s’inscrit dans une campagne plus large menée par Donald Trump pour remodeler la politique de la Fed, qu’il juge trop restrictive. Le président n’a cessé de critiquer les décisions du comité de politique monétaire, en particulier le maintien de taux d’intérêt élevés pour juguler l’inflation. En tentant d’évincer une gouverneure, il cherche non seulement à influencer la composition du conseil, mais aussi à envoyer un message clair à son président, Jerome Powell, et aux autres membres : toute résistance à sa vision économique aura des conséquences. Les marchés financiers observent la situation avec une inquiétude croissante, craignant qu’une perte d’indépendance de la Fed ne nuise à sa crédibilité dans la lutte contre l’inflation et ne déstabilise l’économie américaine.

Un conflit juridique et politique aux implications profondes

La saga du limogeage de Lisa Cook est désormais promise à se déplacer sur le terrain judiciaire. Les experts s’attendent à ce que l’affaire soit portée devant les tribunaux, qui devront interpréter la portée du pouvoir présidentiel sur la banque centrale. Une telle confrontation pourrait créer une incertitude prolongée sur la gouvernance de la Fed et sur la trajectoire de la politique monétaire américaine. Pour les entreprises, cette incertitude se traduit par une difficulté accrue à planifier les investissements et les embauches, tandis que pour les ménages, elle pourrait à terme affecter le coût du crédit et la stabilité de l’emploi.

La dimension politique du conflit est également explosive. Le fait que Lisa Cook soit une femme afro-américaine nommée par l’administration précédente ajoute une couche de complexité au débat, soulevant des questions sur la diversité au sein des grandes institutions financières et sur une éventuelle instrumentalisation politique de sa situation. Le bras de fer engagé par la Maison-Blanche avec la Réserve fédérale marque une rupture spectaculaire avec la tradition de respect de l’autonomie de la banque centrale, une tradition jusqu’ici considérée comme un pilier de la stabilité économique des États-Unis.