À ce jour, Return to the Land ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire. Et pour cause : Eric Orwoll et Peter Csere affirment s’appuyer sur une disposition de l’Arkansas sur le « logement équitable » (Fair Housing Act), qui prévoit que les associations privées et les groupes religieux puissent privilégier les membres de leur communauté en matière d’habitat. Une règle qui vise à permettre à certaines églises de proposer un logement aux membres du clergé directement sur leur propriété… mais qui n’autorise en aucun cas les discriminations, comme l’explique au New York Times John Relman, avocat spécialisé dans les droits civiques.

Pour ce dernier, « il s’agit là d’une preuve irréfutable de discrimination intentionnelle », ce qui pourrait justifier des poursuites non seulement en vertu de cette loi locale, mais aussi de la loi fédérale sur les droits civiques de 1866. « Les lois fédérales et étatiques, y compris la loi sur le logement équitable, interdisent la discrimination en matière de logement fondée sur l’origine ethnique, point final », corrobore ReNika Moore, directrice du programme de justice raciale au sein de la prestigieuse Union américaine pour les libertés civiles (ACLU).

Pour l’heure, seul Tim Griffin, procureur général de l’Arkansas, a ouvert une enquête sur ces potentielles violations, dans le sillon des premiers articles parus dans la presse cet été. Selon son cabinet, la procédure « suit son cours ». Membre du Parti républicain, ce dernier concentre pourtant une partie des espoirs d’Eric Orwoll et Peter Csere pour échapper à tout sévice : les deux entrepreneurs assument de « battre le fer tant qu’il est encore chaud », comptant sur un « climat culturel et juridique favorable » depuis le retour au pouvoir de Donald Trump. « Ils considèrent que le moment est particulièrement opportun, [puisqu’ils] voient dans l’occupant de la Maison-Blanche un de leurs amis », estime Peter Simi, professeur de sociologie à l’université Chapman en Californie.

Propriété fortifiée

Car même si le président américain n’a pas officiellement réagi à l’affaire, le New York Times voit dans cette affaire le signal faible d’une tendance réactionnaire plus large, les tentations sécessionnistes et suprémacistes proliférant depuis les premiers décrets anti-migrants et anti-diversité entérinés par Trump en janvier 2025. Envoyée sur place, la journaliste du New York Times Debra Kamin raconte avoir eu droit à une visite guidée mais « restreinte » de la part d’Eric Orwoll, qui lui a donné un aperçu de sa propriété fortifiée, « coupée du monde » mais néanmoins équipée de la fibre optique, d’un climatiseur et d’une large bibliothèque – où trône, entre autres, Mein Kampf.