C’est l’une des marques les plus populaires au monde. Son image est si positive aux yeux du grand public qu’elle sponsorise régulièrement de grands événements sportifs. Pourtant, son produit phare est néfaste pour la santé. Retour sur la stratégie d’influence colossale mise en place par Coca-Cola depuis des décennies pour manipuler l’opinion publique.
Les dangers du sucre
Il y a quelques semaines, une étude parue dans la revue Nature a établi qu’en 2020, 2,2 millions de nouveaux cas de diabète de type 2 et 1,2 million de nouveaux cas de maladies cardiovasculaires étaient attribuables à la consommation de boissons sucrées à l’échelle mondiale.
D’autres problèmes de santé majeurs peuvent être attribués aux sodas. C’est le cas de l’obésité et surtout, de la stéatohépatite non alcoolique, également surnommée, sans exagération « maladie du soda ». Cette pathologie du foie se caractérise par une accumulation excessive de graisse, une inflammation et des dommages cellulaires. Fatigue, douleur abdominale, perte de poids inexpliquée… Elle peut évoluer en cirrhose, et augmente le risque de cancer du foie et de maladies cardiovasculaires.
Selon l’Inserm, cette maladie chronique concernerait plus de 200 000 personnes en France. Malgré tout, les Français consomment en moyenne près de 50 litres de boissons sucrées par an et par personne. Coca-Cola, de son côté, représente près de 50 % des parts de marché en volume et en valeur. Comment expliquer un tel paradoxe ?
Des rhétoriques douteuses
Dans une enquête publiée dans Business Insider, la journaliste américaine Murray Carpenter, autrice du livre Sweet and Deadly: How Coca-Cola Spreads Disinformation and Makes Us Sick, révèle comment la multinationale est parvenue à influencer le monde, à commencer par les États-Unis. Objectif : minimiser les graves risques pour la santé de ses boissons, dans l’optique d’attirer toujours plus de consommateurs.
C’est un pari visiblement réussi, ficelé à travers des arguments très bien léchés, mais pas forcément approuvés par le consensus scientifique. Par exemple, Coca-Cola soutient que toutes les calories se valent, indépendamment de leur source. Cette idée, défendue notamment par son PDG, James Quincey, suggère que le problème de l’obésité vient simplement d’un déséquilibre entre les calories consommées et celles dépensées.
Cette rhétorique permet d’éviter de pointer du doigt le sucre comme un facteur de risque majeur et de minimiser les effets spécifiques des boissons sucrées sur le métabolisme. Or, de nombreuses études ont montré que toutes les calories ne sont pas métabolisées de la même manière. Celles qui proviennent du sucre liquide, comme celles des sodas, sont absorbées plus rapidement par l’organisme, provoquant des pics de glycémie et favorisant le stockage des graisses. Contrairement aux calories issues d’aliments riches en fibres, en protéines ou en bons lipides, celles des boissons sucrées n’apportent aucun effet de satiété, ce qui pousse à en consommer davantage et contribue au développement de l’obésité et de maladies chroniques.
De même, la marque insiste sur le fait que l’important n’est pas de réduire la consommation de sodas, mais d’augmenter l’activité physique pour compenser les calories absorbées. Elle a soutenu financièrement des chercheurs et des institutions pour propager cette idée, comme le Global Energy Balance Network, qui défendait l’idée que l’inactivité physique était une cause plus préoccupante que la malbouffe dans l’épidémie d’obésité outre-Atlantique.
© kattyart / Shutterstock.com Comme l’industrie du tabac
Certaines révélations de Murray Carpenter font littéralement froid dans le dos. L’entreprise a dépensé des millions de dollars pour cacher les coûts de santé des sodas et ce, depuis très longtemps. En 1954, lorsque le comité de recherche de l’industrie du tabac a commencé à lancer des campagnes de désinformation, il a importé son personnel et ses stratégies de la Sugar Research Foundation, une organisation à but non lucratif financée en partie par Coca-Cola. Car en réalité, le lobby du tabac s’est inspiré des pratiques de la filière des sodas pour influencer l’opinion.
Les exemples ne manquent pas. L’International Life Sciences Institute (ILSI), créé dans les années 1980 par un cadre de la société, a longtemps financé des études minimisant les dangers du sucre et des sodas. En 2014, Steven Blair, représentant du groupe de chercheurs Global Energy Balance Network (GEBN), déclarait pour sa part qu’il n’existait pas de preuves convaincantes liant la consommation de sodas aux maladies chroniques. Coca-Cola finançait secrètement l’organisme.
L’entreprise adopte également des tactiques privilégiées par les lobbies des armes à feu afin de bloquer des réglementations locales. En 2018, avec ses alliés de l’industrie, elle a tenté de bloquer les taxes sur les sodas en Californie. Pour ce faire, ils ont proposé une loi rendant tout changement fiscal local très difficile à adopter, forçant les autorités à négocier. En échange du retrait de cette mesure, l’État a interdit toute nouvelle taxe sur les sodas jusqu’en 2030.
Une image de marque sympathique
En amont, Coca-Cola déploie des stratégies de communication extrêmement bien pensées, axées sur l’émotion. Sa marque est associée à des symboles chaleureux comme le Père Noël ou des ours polaires, de quoi renforcer son image sympathique auprès des consommateurs.
Et ça marche. Dans l’Axios Harris Poll 100 de 2024, un classement fiable de la réputation des entreprises les plus présentes dans l’esprit des Américains, Coca-Cola s’est classée à la 27e place. Sa capitalisation boursière, elle, avoisine les 300 milliards de dollars.
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