Les eaux impropres et tumultueuses du fleuve ne permettent pas d’envisager de sitôt un retour des baigneurs sur les rives de la cité des ducs. La mairie écolo-socialiste ne se mouille pas non plus.
Voilà près d’un siècle déjà que la Venise du Grand Ouest a tourné le dos à la baignade en Loire. À Nantes (Loire-Atlantique) comme à Paris ainsi que dans d’autres grandes villes françaises, des mesures préfectorales interdisent depuis belle lurette à quiconque de nager dans leurs fleuves respectifs. Pourtant, avant que les grands comblements du XXe siècle ne réduisent la place de la Loire en ville, Nantes offrait une kyrielle d’installations de loisir et d’éducation à la natation dans les eaux mêmes du fleuve. Un rapport intime à la Loire qui n’est toutefois pas près de revenir à l’ordre du jour.
Situé à une quarantaine de kilomètres de la façade atlantique et de l’estuaire ligérien, Nantes est traversée par une Loire brune et irascible, fangeuse et boueuse. L’onde salée de la marée océanique se fraie un chemin à travers la cité des ducs. Les eaux troubles du fleuve témoignent d’un niveau élevé de sédiments en suspension, d’une présence concentrée d’une pollution chimique, biologique ou microbiologique (minéraux, matières organiques, microparticules, etc.). Soit un environnement impropre à la baignade. À cela s’ajoutent des courants dangereux, des sables mouvants et des culs-de-grève à l’origine de drames réguliers le long du fleuve.
Rééquilibrer le lit de la Loire
Contrairement au chantier engagé à Paris pour assainir la Seine et l’ouvrir à la baignade, la Loire est soumise à un tout autre régime de travaux. Le fleuve fait l’objet d’un programme de rééquilibrage. Censé remodeler le lit de la Loire, ce chantier de longue haleine ouvert en 2021 entend revenir sur les transformations du fleuve au cours des deux derniers siècles. L’augmentation de l’activité humaine a notamment provoqué des assèchements locaux, un appauvrissement des biotopes ou encore une remontée et une intensification du bouchon vaseux de la Loire, à l’origine de son aspect trouble, le long de l’estuaire. Les travaux, réalisés sous la maîtrise d’ouvrage de Voies navigables de France, devraient s’achever à la fin de l’année.
Au XIXe siècle, en revanche, la ville de Nantes avait fait installer des péniches-piscines (non-mixtes) amarrées à quai, pour offrir des espaces de natation avec accès direct à la Loire et des vestiaires à même le bateau. Les premières installations ouvrent en 1831 et connaissent un grand succès et de multiples émules avant que le nombre ne soit régulé et ne décline fortement, à la fin du siècle, indique Nantes Patrimonia, le site de la Direction du patrimoine et de l’archéologie de la ville de Nantes. Une plage publique est également ouverte à la Prairie de Mauves, au milieu du XIXe siècle. D’autres suivent à Saint-Sébatien-sur-Loire et à Trenremoult. Des plages éphémères voient le jour au milieu du siècle suivant, au fil des comblements de la Loire. Des plages naturelles restent fréquentées dans l’agglomération jusqu’en 1970, avant que les interdictions de baignade et les craintes liées à la pollution – comme celle au plomb, héritage des industries nantaises – ne dissuadent les derniers habitués.
Aujourd’hui, les autorisations de baignade accordées sur l’aval de la Loire restent exceptionnelles en amont d’Ancenis, liées par exemple à des événements nautiques. Elles sont soumises à des contrôles de l’Agence régionale de santé des Pays de la Loire, qui surveille notamment la présence de cyanobactéries dans l’eau. Le rééquilibrage du lit de la Loire devrait améliorer la santé du fleuve. Ce remodelage restera cependant insuffisant pour rendre le cours d’eau propre à la baignade urbaine, en particulier au niveau de Nantes, estimait en 2020 l’architecte-ingénieure Caroline Wypychowski, dans un article pour L’Atlas social de la métropole nantaise.
Un temps envisagé par la Métropole au milieu des années 2010, le projet d’une piscine en bord de Loire n’a finalement jamais vu le jour. «Les possibilités de baignade ont bien été explorées. Ce travail a toutefois révélé des conditions de sécurité peu favorables», indique la collectivité. Cette dernière évoque en effet des «conditions dangereuses, que ce soit pour une pratique libre ou pour un équipement de baignade», notamment en raison du marnage et des courants du fleuve. Un constat notamment partagé par le groupe écologiste nantais, qui préconise, à défaut de transformer la Loire, de projeter «à de possibles nouvelles pratiques» les cours d’eau secondaires du fleuve, tels que l’Erdre, le Cens et la Sèvre Nantaise.