Manifestation pour les droits des personnes trans, le 9 février 2025, aux Etats-Unis.

Manifestation pour les droits des personnes trans, le 9 février 2025, aux Etats-Unis. LINDSEY WASSON/AP/SIPA

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Témoignage 
Au lendemain de la décision de la Cour suprême britannique, réduisant la définition du sexe à la biologie et à la binarité, les personnes trans au Royaume-Uni s’indignent : « L’État a donné à la discrimination une légalité ».

Les premières images diffusées resteront celles de sourires indécents. Sur le parvis de la Cour suprême britannique, les militants anti-trans sautent de joie : la plus haute instance judiciaire leur a donné raison mercredi 16 avril, jugeant que la définition légale d’une femme repose sur le sexe biologique. A distance, sur X, leur plus fervent soutien J.K. Rowling se pavane, cigare en bouche, de la réussite de son plan pour restreindre les droits de personnes trans.

Pendant ce temps, outre-Manche, des femmes trans ressentent un énième « coup de poing dans le ventre » à l’annonce de la décision. Ce sont les mots de P. Eldridge, basée notamment à Londres, qui a appris la nouvelle à l’arrière d’un taxi pour rentrer chez elle. Le jugement de la Cour suprême ne l’a pas surprise dans un contexte de montée constante de l’hostilité envers les personnes trans au Royaume-Uni, raconte-t-elle au « Nouvel Obs ». Mais, depuis, elle « pleure de rage ».

Rapidement, P. Eldridge alterne entre indignation et chagrin. La fatigue « de devoir une fois de plus négocier, inlassablement, la façon dont (elle) veut vivre (sa) vie » l’attriste. Concrètement, la Cour suprême britannique a affirmé mercredi que la notion de sexe était binaire : une personne est soit une femme, soit un homme, dit le jugement de 88 pages. Et quand la loi parle de « sexe », il faut interpréter « biologique », ont écrit les magistrats.

Le jugement « ne protège personne »

« L’État a donné à la discrimination une légalité » en déduit P. Eldridge. Elle projette déjà les regards insistants en entrant dans les toilettes, les interrogations au moment d’arriver dans des services de luttes contre les violences sexistes et sexuelles ou les retards de soins qu’elle va rencontrer. Des craintes bien trop réelles parce que « ce qui était autrefois une zone grise, parfois contestée, souvent endurée en silence, est désormais statué ».

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Bannir les femmes trans des espaces réservés aux femmes, et les forcer à aller dans ceux des hommes, « n’est une victoire pour personne » complète la militante trans Charlie Craggs sur la télévision britannique Chanel 4. Et de se demander par la suite comment les défenseurs de la décision « peuvent dormir tranquillement » tout en obligeant les femmes trans à se rendre dans des vestiaires d’hommes par exemple, où elles ne sont pas en sécurité.

« Je veux juste qu’on me laisse tranquille » continue Charlie Craggs, épuisée par le combat qu’elle a mené contre la décision. Et de rappeler que, même si les femmes trans sont les principales et les plus concernées, toutes les femmes pourraient désormais être questionnées sur leur genre outre-Manche. « Nous allons devoir toutes nous allier pour montrer que le jugement est un non-sens et qu’il ne protège personne » conclut-elle.

« Rejetée par la société »

L’inquiétude des femmes trans s’est propagée au Royaume-Uni. Au point que l’association Scottish Trans a exhorté « la population à ne pas paniquer » mercredi sur son compte Bluesky. Un constat partagé par l’organisation de défense des droits des LGBT +Stonewall. La décision « est incroyablement inquiétante pour la communauté transgenre et tous ceux d’entre nous qui la soutiennent » a déclaré Simon Blake, PDG de l’association dans un communiqué.

Jusqu’en France, la décision a résonné. « J’ai peur, bien sûr, reconnaît Béatrice Denaes, journaliste et cofondatrice de Trans Santé France. Il suffirait d’un rien pour se retrouver dans la même situation ». Elle s’appuie par la suite sur l’exemple des mammographies, qui seraient interdites aux femmes trans si le bouleversement britannique s’exportait, au risque de leur santé. « Le plus dur reste de se sentir rejetée par la société », pense Béatrice Denaes.

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P. Eldridge continuera tout de même son combat. « Parce que nos vies ne sont pas à débattre, nos identités ne sont pas facultatives et notre avenir ne sera pas dicté par ceux qui cherchent à nous effacer » lance-t-elle dans une diatribe, où l’autrice compare sa vie à un immense champ de bataille sur lequel elle arrive sans armes. Mais elle conclut : « Nous avons toujours trouvé des moyens de survivre même lorsque le système était conçu pour nous faire disparaître ».

Propos recueillis par
Benjamin Moisset