Quand, en septembre 2024, le Canada confirma son intention de se procurer douze nouveaux sous-marins dans le cadre d’un programme d’une valeur de 60 milliards de dollars canadiens [CAD], Naval Group se montra prudent.
Alors qu’il venait d’être déclaré vainqueur d’un appel d’offres émis par les Pays-Bas avec le BlackSword Barracuda [ou classe Orka], l’industriel français avait estimé qu’un projet stratégique d’une telle ampleur devait être « étudié rigoureusement » avant de prendre toute décision. Finalement, Naval Group fit savoir qu’il prendrait part au processus de sélection mis en place pour le « Projet de sous-marins de patrouille canadiens ».
Puis, l’une des exigences de la Marine royale canadienne [MRC] étant de disposer de sous-marins capables de naviguer sous la glace et d’assurer des missions de longue durée, Naval Group a pu compter opportunément sur le soutien de la Marine nationale, avec une escale du sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] Tourville à Halifax. « Opportunément » car cette mission était prévue depuis longtemps.
« Ce bâtiment de la Marine nationale vient d’effectuer sa première traversée transatlantique. C’est une excellente occasion pour partager une expertise opérationnelle, humaine et industrielle. À l’heure où le Canada annonce vouloir relancer sa capacité sous-marine, la France peut indéniablement apporter un savoir-faire unique », n’avait d’ailleurs pas manqué de souligner le colonel Bruno Heluin, l’attaché de défense près l’ambassade de France au Canada.
Mais la prudence de Naval Group l’a-t-elle desservi ? Toujours est-il que les autres industriels, à commencer par l’allemand TKMS et le sud-coréen Hanwha Ocean, se mirent rapidement en ordre de marche pour tenter de remporter ce marché, notamment en scellant des partenariats avec des entreprises canadiennes.
Résultat : ce 26 août, le gouvernement canadien a annoncé que TKMS et Hanwha Ocean étaient qualifiés pour participer à la seconde phase du Projet de sous-marins de patrouille canadiens [PSCP], Naval Group, Saab [associé à Damen] et Navantia étant éliminés.
« Cette décision a été fondée sur une évaluation approfondie des besoins du Canada dans le cadre du PSCP, y compris les échéanciers de construction et de livraison de la nouvelle flotte de sous-marins. Le Canada a également collaboré avec d’autres gouvernements et forces armées pour échanger des leçons apprises et en apprendre davantage sur leurs programmes respectifs d’acquisition, d’infrastructure et de maintien en puissance des sous-marins », a fait valoir le ministère canadien de la Transformation du gouvernement, des Travaux publics et de l’Approvisionnement, chargé de ce dossier.
Si le communiqué ne précise pas les modèles de sous-marins proposés par TKMS et Hanwha Ocean, le choix devrait se faire entre le U212CD allemand et le KSS-III Batch 2 sud-coréen.
« Dans le contexte mondial actuel qui continue d’évoluer, le PSCP offre l’occasion de diversifier les partenariats du Canada en matière de défense et de collaborer avec les alliés et les partenaires, tout en créant des opportunités à long terme pour les industries maritime et de défense du Canada », a également souligné le ministère.
Sur ce point, et sans présager de la suite, l’offre de TKMS a sans doute un avantage sur celle de son concurrent sud-coréen dans la mesure où, en mai 2014, l’Allemagne et la Norvège ont proposé un partenariat « stratégique » au Canada pour protéger les voies maritimes de l’Arctique et de l’Atlantique Nord. Ce qui est crucial pour Ottawa. Or, la marine royale norvégienne et la marine allemande seront dotées prochainement dotées de sous-marins U212CD…
« Le Canada franchit une nouvelle étape dans l’acquisition de sous-marins de nouvelle génération pour la Marine royale canadienne. Notre objectif consiste à défendre notre souveraineté, à protéger les Canadiens […] et à veiller à ce que nos Forces armées disposent des outils dont elles ont besoin. Le Programme de sous-marins canadiens de patrouille nous permet de renforcer nos alliances, de diversifier nos partenariats de défense et de créer des possibilités pour l’industrie canadienne », a par ailleurs commenté David J. McGuinty, le ministre canadien de la Défense.
Quoi qu’il en soit, c’est la seconde fois que la France échoue à vendre des sous-marins au Canada. Dans les années 1980, Ottawa était sur le point d’acquérir jusqu’à 12 SNA de type Rubis dans le cadre du programme CASAP [Canadian Submarine Acquisition Program]. Mais ce projet fut « torpillé » pour des raisons politiques.