L’histoire bretonne habite chacune de ses pierres. Un duc ambitieux, cinq siècles de construction, et des générations entières à son service auront permis à la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes d’être ce joyau flamboyant, qui offre au regard ses lignes pures et lumineuses. Mais après le temps de la majesté, est venu celui de la soumission aux aléas successifs de l’histoire, qui a mis l’édifice à rude épreuve.

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Rescapée de la Révolution française, la blanche cathédrale subit de plein fouet les bombardements du 15 juin 1944. Moins vivaces dans la mémoire des Nantais que ceux de septembre 1943, ils se sont pourtant déroulés après le débarquement, écrasant une bombe sur la sacristie et endommageant considérablement l’abside et trois chapelles. L’archiprêtre est tué avec trois de ses paroissiens.

En 1972, un incendie accidentel ravage toute la toiture alors que la restauration de 1944 n’est même pas encore terminée. Jean-François Henry, président depuis 2010 de l’association des Amis de la Cathédrale de Nantes et de la chapelle de l’Immaculée, explique à Valeurs actuelles qu’à ce moment-là « un électrochoc décisif s’est produit », aussi bien du côté de la DRAC que des autres pouvoirs publics.

Un incendie dévastateur

Le découragement pourrait pourtant pointer. Lorsque l’incendie criminel de juin 2020 se déclare, les plus anciens ont l’impression de retourner cinquante ans en arrière. Trois cathédrales, celle que l’on connaît actuellement étant la troisième version de la cathédrale carolingienne détruite par les Normands, trois catastrophes pour les derniers Nantais qui se souviennent des bombardements. En 2020, le feu détruit entièrement l’orgue de chœur, le plus gros présent dans une cathédrale de France. Le grand vitrail de façade orné du portrait d’Anne de Bretagne en orante est soufflé par les flammes.

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Pour certains, il s’agit d’un mal pour un bien, car le chantier de restauration de l’édifice incendié s’est accompagné d’une véritable redécouverte archéologique. Durant les travaux, des fondations romanes jusqu’alors inconnues ont été mises au jour grâce aux fouilles préventives. C’est en creusant des tranchées pour installer le nouveau réseau électrique qu’elles ont été découvertes. Les tranchées ont été rebouchées le 18 avril, mais un long travail d’analyse des vestiges s’est engagé, offrant l’occasion à la Drac et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) d’affiner leur connaissance de l’histoire du monument, notamment celle de la période pré-gothique. Un éclairage nouveau a pu également être apporté sur le mystérieux coffre découvert dans le tombeau de François II et Marguerite de Foix. Enfouies depuis des siècles, trois dépouilles ont été trouvées à l’intérieur de la sépulture dédiée aux parents de la duchesse Anne. Les squelettes restent non identifiés.

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Pour sauvegarder et mettre en valeur ce patrimoine, une association membre de la Fédération des Associations et Sociétés des Amis de Cathédrales (FASAC), œuvre. Non seulement à l’embellissement de la cathédrale par un enrichissement artistique – les Amis de la Cathédrale ont par exemple offert un grand crucifix catalan, classé monument historique -, mais surtout dans l’organisation de visites pour la faire découvrir et aimer au plus grand nombre. Les accueils de groupes, des scolaires aux malvoyants de l’association Valentin Haüy, pouvaient aller de 1 000 à 2 000 personnes avant le dernier incendie. Pour la réouverture, prévue le 29 septembre, c’est la mise en place d’une maquette 3D et d’un plan en relief qui est prévue.

« Elle a pour manteau la lumière », c’est en citant le psaume 103 que Jean-François Henry aime à parler du grand sanctuaire nantais. En effet, c’est pour lui ce qui définit le mieux la magnificence de cette cathédrale : la lumière. Lumière apportée bien sûr par la pierre blanche de tuffeau, qui la rattache au Val-de-Loire, mais encore luminosité de la hauteur. L’ancien professeur d’histoire qui a écrit un livre sur le monument, en souligne aussi l’unité architecturale, cette unité du style qui en fait une cathédrale très pure, très dépouillée dans son élancement. Dans l’ensemble qu’elle forme avec le château des ducs de Bretagne, elle est la seule à avoir gardé sa fonction, « habitée par les chrétiens d’hier, d’aujourd’hui, et de demain », espère Jean-François Henry. Forte de cette continuité historique, la cathédrale de Nantes est un patrimoine vivant au cœur de la cité. Pourrait-elle être sa sentinelle spirituelle ?