Les plans de la résidence Souleiado couvrent l’un des murs du rez-de-chaussée du bâtiment F. Un café à la main, Imad El Khoury laisse courir son doigt sur les documents qui représentent cet ensemble des années 1960 qu’il connaît par cœur. Depuis janvier 2024, le responsable d’opérations d’Erilia chapeaute la réhabilitation des « deux barres et trois plots » d’immeubles qui concentrent 163 logements, en parallèle de cinq autres projets, répartis entre Marseille, Arles et la Corse.
Son rôle ? Faire le lien entre tous les acteurs des chantiers, de leur conception à leur livraison. Concrètement, le jeune homme partage son temps entre les tâches administratives, les réunions avec les maîtres d’œuvre, les rencontres avec les habitants et les vérifications des travaux effectués. « Je gère le budget, les délais… Je pilote les projets, détaille-t-il. Ça peut être stressant mais c’est un challenge quotidien, et ça c’est motivant. » D’autant que chaque opération a ses spécificités, ses contraintes. « Il n’y a pas de routine, pas de projet type qu’on pourrait copier/coller, affirme Imad El Khomry. À Cap Janet, à Marseille, on est face à la mer, au port industriel, et il y a beaucoup de vent et d’air salé. Donc on doit trouver des matériaux et des façons de faire adaptées. »
Au nord d’Arles, « l’axe principal c’est vraiment la rénovation énergétique, on cherche à améliorer la performance des bâtiments et faire baisser les charges des locataires avec une meilleure isolation et un meilleur confort de vie », explique-t-il. Après concertation, face aux remontées des habitants, le projet a finalement évolué. « C’est ce qui est intéressant dans mon travail : un chantier n’est jamais figé, il vit et s’adapte aux besoins et aux découvertes, confie le trentenaire. Ici, les locataires m’ont fait part de leur envie de sécuriser la résidence, donc on a imaginé des clôtures qu’on est en train d’installer tout autour des immeubles. »
Ne plus stigmatiser le logement social
Mais Imad El Khoury et son maître d’œuvre Thomas Baldassouri, d’Omnium Solutions, ont souhaité aller plus loin. « Cette nouvelle isolation thermique par l’extérieur nous a permis de donner une nouvelle identité visuelle aux constructions, une nouvelle signature à la résidence : on a pu moderniser l’ensemble en ajoutant des frontons triangulaires sur les barres et en repeignant le tout en gris et en jaune pour faire ressortir les volumes », explique le responsable d’exploitation. Son collègue abonde : « C’est rare de pouvoir se faire plaisir d’un point de vue architectural en logement social, parce qu’on est souvent contraints financièrement. Sur l’opération Souleiado, Erilia a mis les moyens. » À savoir, 6,5 millions d’euros.
De l’extérieur, le contraste avec la résidence voisine, construite par Erilia à l’identique puis revendue à des propriétaires privées, est saisissant. L’une paraît tout droit sortie des années 1970, l’autre semble avoir poussé de terre il y a quelques années. « Il a fallu faire preuve de pédagogie pour expliquer nos choix aux habitants, qui étaient réfractaires au gris qu’ils trouvaient sombre, raconte Imad El Khoury. Après, les goûts et les couleurs appartiennent à chacun, on ne peut pas satisfaire tout le monde. Mais notre objectif c’est de donner un sens à nos décisions. »
Un sens qui va au-delà du seul aspect esthétique. « On veut faire en sorte que le logement social ne soit plus stigmatisé, participer à changer son image, souligne le jeune homme. Les habitants ont le droit de s’y sentir bien et d’en être fiers au même titre que les autres locataires et les propriétaires, d’avoir la même qualité de vie qu’ailleurs. »
C’est cette philosophie qui a poussé le diplômé de l’Académie libanaise des beaux-arts de Beyrouth à postuler chez un bailleur social plutôt que dans un cabinet d’architectes. « Après mon arrivée en France en 2019, j’ai bossé pour des associations puis dans des entreprises qui concevaient des villas, retrace-t-il. Mais j’avais envie de faire quelque chose d’utile, de mettre mon travail au profit de personnes qui n’ont pas les moyens de se payer de tels travaux. Je suis rentré à Erilia en 2022 et depuis, je mets mes savoir-faire au service de la société. »
Alice Magar