Le 27 août 1965, Salvador Dali décrétait la gare de Perpignan « Centre du monde ». 60 ans après, l’héritage de la figure du surréalisme reste discret dans la ville. Quand, à une cinquantaine de kilomètres, Figueres, sa ville natale, accueille plus d’un million de visiteurs chaque année attirés par le musée Dali et sa maison natale. La Ville de Perpignan veut reprendre la main et projette une exposition Dali en 2027 au musée Rigaud et la création d’un « sentier » dalinien le long de lieux fréquentés par le Maître du surréalisme.

Perpignan est le Centre du monde depuis 60 ans. Depuis le 27 août 1965 et ce voyage triomphal de Céret à Perpignan, où, vêtu en amiral, accompagné de sa muse Gala, d’un ocelot blanc et d’une bonne partie de sa cour, Salvador Dalí célébra « une extase cosmogonique », « une vision exacte de la constitution de l’univers », au cœur d’une gare baptisée ce jour-là, à 16h21, « Centre du monde ». « Sans laquelle, tous, nous serions en Australie, probablement entourés de kangourous », ajoutait, plus surréaliste que jamais, « Le Maître », né à Figueres en 1904.

Dalí ne découvrait pas la gare perpignanaise ce jour-là. Bien au contraire, elle était le précieux point de transit de ses œuvres vers toute l’Europe, en plein franquisme en Espagne. Tout sauf un détail pour celui qu’André Breton surnomma « Avida Dollars ». 60 ans plus tard, Perpignan cherche toujours à surfer sur cet héritage Centre du Monde.

Chantal Gombert, élue à la culture sous le mandat de Jean-Paul Alduy, fut la première à organiser une déambulation dalinienne, le 27 août 1995, avec la compagnie Malabar à l’œuvre. Elle a convaincu le capitaine Moore, secrétaire de Dalí, d’installer deux statues devant la gare, et exposa le plus petit musée surréaliste dans le wagon utilisé en 1965. Elle lança même la commande d’une statue hommage aux Pritchard’s, couple d’artistes locaux. Mais, elle ne trouva que des oreilles discrètes, limitant l’ambition de la Ville. Jusqu’à s’essouffler trop vite.

« La Fondation Dalí de Figuères voit cela d’un très bon œil ».

Lui a du souffle, vénère le Maître et lui rend un hommage tout en passion et choux-fleurs chaque 27 août. Lluis Colet entretient la flamme. Inlassablement (lire plus bas).

Pourtant, en ce soixantième anniversaire, un nouveau souffle semble se lever. Perpignan revendique une approche nouvelle, au-delà des deux déambulations organisées en 2024 et 2025, jamais à la date du 27 août. Dans une interview sur les réseaux sociaux de la Ville, le maire Louis Aliot donne le ton. Adjoint à la culture, André Bonnet précise les ambitions : « Nous préparons une expo Dalí en 2027 au musée Rigaud ; nous baptisons la médiathèque du Vernet, du nom de Salvador Dalí, et souhaitons y organiser chaque année des journées d’étude qui lui seront consacrées ; nous réfléchissons à la création d’un sentier Dalí le long de tous les sites emblématiques (gare, avenue de la gare, bijouterie Ducommun, Hôtel de France, Sant-Vicens…). Tout cela en collaboration avec la Fondation Dalí de Figuères qui voit cela d’un très bon oeil ».

Une esquisse de déambulation dalinienne à Perpignan.

Une esquisse de déambulation dalinienne à Perpignan.
Infographie L’Indépendant – Infographie L’Indépendant

Un prêt exceptionnel du Centre Pompidou au musée Rigaud en mars 2026

Dès mars 2026, le musée Rigaud accueillera, grâce à un prêt exceptionnel du Centre Pompidou, une œuvre majeure du maître du surréalisme : Hallucination partielle. Six images de Lénine sur un piano, datée de 1931. Le tableau sera exposé pendant plus d’un an dans l’ancien salon d’apparat de l’hôtel particulier Lazerme, au coeur du musée. « Aux côtés de ce chef-d’œuvre, deux œuvres issues des collections du musée Rigaud enrichissent l’accrochage. Un dessin original de Dalí représentant le clocher de Collioure, rare témoignage de son attachement au paysage roussillonnais. Une photographie rehaussée de gouache par Dalí, déclinant son tableau La Gare de Perpignan ou Pop, Po, Yes-Yes, Pompier (1965) », précise le musée Rigaud.

Un préambule donc à l’exposition Dalí & Perpignan, théorie d’une cosmogonie ferroviaire, programmée de la fin juin 2026 à janvier 2027. Le musée Rigaud prenant alors un air de Centre du Monde. Et Perpignan avec.

Les 60 choux-fleurs pour 60 ans de Centre du Monde

Comme chaque année, il donne rendez-vous ce mercredi 27 août 2025 à 16h21, dans le hall de la gare de Perpignan. Un rendez-vous avec celui qu’il n’appelle que « Le Maître ». Soixantième anniversaire oblige, Lluis Colet concocte son hommage. Pour célébrer les 60 ans de la révélation du « Centre du Monde » à Salvador Dalí, il a commandé 60 choux-fleurs, représentant « la vision du maître », qu’il déposera pieusement. Au coup de sifflet de la cheffe de gare, il fera revivre ce « Voyage triomphal », qui mena Dalí de Céret vers Perpignan. « Le train arriva quai 2, voie 2, à 16h21 exactement ». L’infatigable supporter des Dragons Catalans sera accompagné pour l’occassion des Pompom girls présentes à chaque match à Gilbert-Brutus. La performance s’achèvera dans une « ode au Maître ».