Avant un vote de confiance risqué, François Bayrou a évoqué la possibilité d’une intervention du FMI en France, aussitôt démentie par Bercy. Ce scénario est-il crédible ou est-ce un épouvantail ?

Le risque, à ce stade, est extrêmement faible. Le FMI intervient au moment où un pays ne peut plus se financer sur les marchés. La France n’est pas dans la situation de la Grèce en 2010. Le vrai risque, c’est la hausse continue des taux d’emprunt : plus ils grimpent, plus le poids des intérêts devient lourd. Aujourd’hui, on n’en est pas là, mais si rien ne change, une crise sérieuse, dans dix ans, avec intervention du FMI n’est pas à exclure.

« Les investisseurs doutent de la capacité de l’État à gérer ses finances publiques », observe l’économiste Sylvain Bersinger, fondateur du cabinet Bersingéco.« Les investisseurs doutent de la capacité de l’État à gérer ses finances publiques », observe l’économiste Sylvain Bersinger, fondateur du cabinet Bersingéco. (Sylvain Bersinger)Dans quelle mesure la dette de notre pays, et ses intérêts correspondants à 70 milliards par an, mettent-ils la France en péril ?

Pendant les années 2018-2021, les taux étaient très bas, donc la question de la dette se posait moins. Aujourd’hui, on emprunte autour de 3,5 %, et cela change tout. Il est utile de comparer ce taux à la croissance nominale du pays (PIB + inflation). Quand les taux dépassent cette croissance, on risque l’effet boule de neige. La dette s’alourdit et les finances publiques se dégradent. C’est le cas, aujourd’hui.

Après un été euphorique pour Wall Street et les bourses européennes, l’instabilité politique rend les marchés français fébriles, notamment les banques qui sont dans le rouge… Quels sont les risques pour ces acteurs très exposés à la dette française ?

Il faut distinguer les marchés obligataires des marchés boursiers. La Bourse est, par nature, volatile mais c’est surtout le marché obligataire qui reflète la santé macroéconomique. Depuis la dissolution de 2024, les taux sont régulièrement à la hausse. Comparée aux autres pays européens, la France est perçue comme plus risquée, presque au niveau de l’Italie. Les investisseurs doutent de la capacité de l’État à gérer ses finances publiques. Les marchés boursiers donnent un signal de défiance mais, à court terme, l’effet reste limité. En revanche, il est clair que les banques françaises sont directement affectées par la hausse des taux.

Avec une dette souveraine proche de celle de l’Italie et une croissance du PIB limitée à 0,8 %, la France est-elle devenue le mauvais élève de la zone euro ?

Selon les marchés financiers, oui, on y tend. Contrairement à nous, la plupart de nos voisins ont engagé des ajustements budgétaires significatifs, ces dernières années.

Comment ont-ils fait ? Quelles pistes voyez-vous pour s’attaquer à la dette française ?

Ces dernières années, la France a dépensé beaucoup plus que les autres, notamment avec le bouclier tarifaire et les aides à l’énergie, dans un contexte d’inflation post-guerre en Ukraine. Or, les trajectoires budgétaires se construisent sur le long terme. Certains pays méditerranéens ont fait une grosse cure d’austérité, il y a quinze ans, et en récoltent les fruits aujourd’hui. L’Allemagne et les pays scandinaves, eux, restent structurellement prudents et évitent de dilapider leur argent. En France, dès qu’un problème survient, on injecte de l’argent pour calmer les tensions. La dette française reflète une inconscience collective. Aujourd’hui la marge de manœuvre n’existe plus. Faire 40 milliards d’économies n’est pas insurmontable, mais c’est avant tout un problème politique.