La quête de soi chez Deborah Levy, la dystopie féministe et glaçante de Jacqueline Harpman, la passionnante réflexion de Claire Berest sur l’affaire Gisèle Pélicot, la sororité faite roman de Chimamanda Ngozi Adichie, l’autobiographie d’Alice Carrière… Les femmes qui écrivent sont dangereuses, dit-on. Elles signent surtout les plus beaux livres de ce début de printemps.
La chair des autres de Claire Berest
“Le malheur infligé à Gisèle Pélicot a tué d’un coup tout destin, mais aussi tout son passé. Et cette chair abrasée, après presque quatre années de souffrances que l’on peine à imaginer, est née à nouveau. Comment s’est opérée cette bascule ?”
Si vous avez lu l’excellent Vivre avec les hommes de Manon Garcia, qui aborde les procès des viols de Mazan d’un point de vue socio-philosophique, ne vous privez pas non plus du nouveau livre de la romancière Claire Berest. Elle aussi a suivi ces audiences éprouvantes et s’est interrogée sur ce qui a conduit ces hommes, Dominique Pélicot en tête, à commettre de tels crimes. Convoquant comme sa consœur Manon Garcia, mais d’une autre perspective, les écrits d’Hannah Arendt (car la banalité du mal aura souvent été citée durant ces procès), Claire Berest nous rapporte, avec une écriture intense et pragmatique à la fois, ce qui la rend très intelligible et assez addictive, ce que subit la chair des autres. Et ce dès le premier chapitre, où l’un des accusés se heurte à un mur de gêne et de silence à la machine à café… Une brillante réflexion.
Claire Berest – La chair des autres
Bleu d’août de Deborah Levy
“Il est si abject d’exprimer la solitude que j’ai en moi. Je ne suis pas sûre de pouvoir m’emparer de cette liberté pour trouver un langage musical qui la révèle. Après tout, j’ai appris à la dissimuler.”
Elsa M. Anderson est une pianiste virtuose qui, quelques saisons plus tôt, a raté un concert – du moins, c’est ce qu’elle pense. Après des années passées à se dévouer totalement à son instrument, elle décide, à 34 ans, de prendre la tangente. Alors qu’elle jette son dévolu sur des chevaux mécaniques lors d’une virée dans le marché aux puces d’Athènes, une femme qui pourrait être son double les achète avant elle. Et elle va la croiser à nouveau à Paris, tandis que ses liens avec son mentor pianistique se distendent… Renouant avec un format purement romanesque (même si elle y a mis, sans aucun doute, beaucoup d’elle-même) après avoir été surtout appréciée pour son œuvre auto-fictionnelle, Deborah Levy revient avec un Bleu d’août plus bouleversant qu’il n’y paraît, qui confirme sa place parmi les écrivaines les plus talentueuses de sa génération.
Deborah Levy – Bleu d’août
L’Inventaire des rêves de Chimamanda Ngozi Adichie
“Je déplorais le temps perdu à espérer que ce que je possédais se transformerait en prodige. Je déplorais un fait dont j’ignorais même la plausibilité, à savoir que j’étais peut-être passée à côté de quelqu’un qui m’aurait sans doute non seulement aimée, mais aussi connue telle que je suis vraiment.”