CRITIQUES – Une crise conjugale écartelant Olivia Colman et Benedict Cumberbatch, le quotidien d’une infirmière débordée, un hommage au New York d’antan… La sélection cinéma du Figaro
La Guerre des Roses – À voir
Comédie de Jay Roach – 1h45
On ne voyait pas trop la nécessité de tourner un remake de La Guerre des Rose, comédie des années 1980 réalisée par Danny DeVito, avec Michael Douglas et Kathleen Turner, un peu culte et datée. Après avoir vu la version de Jay Roach (Austin Powers, Mon beau-père et moi), avec Olivia Coleman et Benedict Cumberbatch, on a changé d’avis. Cette nouvelle Guerre des Rose est un bijou de comédie vacharde sur le couple qui mêle art du dialogue et sens du burlesque avec une cruauté et une crudité sans équivalent dans le cinéma français.. Il s’agit moins un remake qu’une nouvelle adaptation du roman de Warren Adler. Le scénariste Tony McNamara (La Favorite, Pauvres créatures) réinvente et actualise la crise conjugale des Rose. Cette relecture appelle Anatomie d’une chute, en beaucoup plus drôle. Roach fait rire avec la charge mentale, la difficile conciliation des ambitions professionnelles au sein du couple et l’éducation des enfants. L’abattage d’Olivia Colman et Benedict Cumberbatch n’est pas pour rien dans le plaisir que procurent ces scènes de la vie conjugale. Surtout Colman, dont le staccato transforme chaque réplique en pique vacharde à double, voire à triple, détente. E.S.
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En première ligne – À voir
Drame de Petra Biondina Volpe – 1h32
En première ligne offre une plongée viscérale, en mode huis clos et presque en temps réel à la manière de la série Hippocrate, dans un service de médecine en sous-effectif d’un hôpital de Suisse alémanique. Leonie Benesch (5 Septembre, La Salle des profs) campe Floria, une infirmière de nuit, qui commence une tournée effrénée. Prise de la température, de la tension, délivrance d’antidouleurs. La jeune femme court après un médecin qui doit annoncer un diagnostic de cancer en phase terminale, chante une comptine à une octogénaire souffrant d’Alzheimer, écoute les doléances d’une famille inquiète. Floria affronte aussi les caprices de patients. Plus la course contre la montre s’accélère, plus les événements lui échappent. La chronique quasi documentaire se mue en thriller oppressant où surgissent la mort et la faute médicale. Une déclaration d’amour aux infirmières poignante, portée par une impressionnante Leonie Benesch, nouveau visage incontournable des écrans Outre-Rhin. C.J.
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La femme qui en savait trop – À voir
Drame de Nader Saeivar – 1h40
Tarlan, ancienne professeur et militante depuis toujours, est une femme forte et téméraire. Zara, sa fille adoptive, est faite du même bois mais supporte les coups de son mari. Ghazal, la fille de Zara, a hérité des deux femmes qui l’entourent un regard plein de défiance et une détermination à vivre comme elle l’entend. Mais dans l’Iran des mollahs, ce qui est naturel en Occident relève là-bas de l’invraisemblable. À travers trois générations de femmes, le réalisateur iranien Nader Saeivar montre que domination masculine et régime autoritaire restent des remparts efficaces pour contrer l’émancipation féminine. Mensonges, non-dits, pressions, bakchichs, chacun s’arrange avec les pires comportements pour sauver sa peau. Un film sec, sans mélodrame, qui dépeint cliniquement une société gangrenée par la corruption. Tout en y mettant une belle note d’espoir. F.V.
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Le roi soleil – On peut voir
Polar de Vincent Maël Cardona -1h47
Un ticket gagnant sème la zizanie dans un bar où se trouvent deux policiers. Le film fonctionne par hypothèses, brouille les cartes, dans un huis clos entre Rashomon et Reservoir Dogs. Cependant, n’est pas Tarantino qui veut. Vincent Maël Cardona (César du meilleur premier film pour Les Magnétiques) part sur les chapeaux de roues, louche vers les frères Coen version Yvelines, s’enchante un peu trop de son palimpseste sur pellicule, comme dépassé par son propre système, victime de ce qu’il pense être sa virtuosité. L’intrigue patine, ne tient la route que pendant une heure, se perd dans les sables. Il y a trop de choses. Elles finissent par lasser. C’est dommage. Le Roi Soleil séduit au tirage, agace au grattage. E.N.
Pris au piège, Caught stealing – À éviter
Polar de Darren Aronofsky -1h47
En 1998, les tours jumelles dominent toujours la skyline de Manhattan. Le Lower East Side abrite une faune bizarre. On peut avoir pour voisin de palier un créateur de site internet et un punk anglais (Matt Smith, avec une crête). C’est le cas de Hank (Austin Butler, le Elvis de Baz Lhurman), ex-future gloire du base-ball, fan des Giants de San Francisco, privé de carrière pro à la suite d’un accident de voiture. Hank vivote comme barman la nuit dans un bar miteux tenu par un vieux à queue-de-cheval cocaïné (Griffin Dune, l’acteur d’After Hours de Scorsese, auquel Pris au piège voudrait rendre hommage).Cette routine déraille quand son voisin punk, Russ, lui confie son chat pour s’absenter. Deux nervis russes au crâne rasé commencent par dérouiller Hank. Un patron de boîte de nuit portoricain le menace à son tour. La clé de l’intrigue est une clé qui mène à un magot. Elle est cachée dans un étron en plastique dans la litière du chat.
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À travers cette adaptation d’un roman de Charlie Huston, Darren Aronofsky pose un regard nostalgique sur NYC, jungle urbaine peuplée de drôles de zèbres. Le natif de Brooklyn se souvient de la ville de ses jeunes années. C’est attendrissant mais insuffisant pour faire décoller un roller coaster mou du genou, montagnes russes sans véritable élan ni accélération, malgré les guitares lourdes du groupe punk rock de Bristol Idles. Aronofsky filme avec le frein à main. Les dialogues ne font pas d’étincelles. . E.S.
Miroirs No.3 – À éviter
Drame de Christian Petzold – 1h 26.
Miroirs No.3 est un drame psychologique. L’absence de tension et de mystère du film de Christian Petzold, palme du titre le plus chichiteux de l’année, empêche d’écrire thriller. On s’y ennuie ferme dès les premières minutes – il en compte 86, au moins le double en ressenti. Laura (Paula Beer), étudiante à Berlin en petite forme, survit à un accident de voiture à la campagne sous les yeux d’une femme, Betty, qui la recueille dans sa maison, la soigne, la nourrit, la chérit. Richard, son mari, et Max, son fils, sont d’abord surpris de cette présence féminine puis ravis. Ils sont garagistes. Ils réparent des Mercedes et des BMW. Ils ne peuvent rien pour le lave-vaisselle quand il implose. Cela ressemble à une métaphore. La « famille », après des trajets en vélo, des airs de piano et des trémolos dans les non-dits (silences, regards appuyés), implose aussi quand la vérité éclate. Une vérité que seule Laura semble ignorer. Le spectateur, lui, a tout deviné depuis le début. En tout cas depuis que Betty a appelé Laura Yelena, lapsus signifiant que seul un mauvais dialoguiste ose encore écrire. Heureusement, la fin console tout le monde. Comme quoi, le deuil d’un être cher, ce n’est pas si difficile. Depuis le très beau Barbara, Christian Petzold a fait bien pire – Transit, parabole pénible sur les migrants. Ce n’est pas une raison pour s’infliger ça. E.S.