Mis en avant pour séquestrer du carbone sur le long terme, limiter les engrais chimiques et produire des énergies renouvelables, le biochar, ou charbon végétal suscite l’intérêt croissant des industriels. Dans le Sud-Ouest, la start-up toulousaine Miraïa a pour projet d’implanter une première usine sur la commune de Garlin dans les Pyrénées-Atlantiques. Elle déposera une demande d’autorisation environnementale à l’automne, et envisage, après un an d’instruction puis un an de construction, si tout va bien, la mise en service pour fin 2027.

Selon ses prévisions, Miraïa utilisera 120 000 tonnes de biomasse fraîche pour produire 20.000 tonnes de biochar par an selon le processus de pyrolyse qui consiste à chauffer la matière dans un environnement sans oxygène. Miraïa cible trois marchés : l’agriculture pour amender le sol, la construction et la métallurgie pour proposer un substitut au charbon fossile.

« En Europe, 51 millions de tonnes de charbon fossile sont encore utilisées chaque année pour la métallurgie. Or d’ici à 2030, il faudra diminuer cette consommation de moitié », explique Jean Marchal, en charge du développement commercial chez Miraïa. De la bio-huile, alternative aux carburants fossiles, sera également produite à partir des gaz et vapeurs générés pendant la pyrolyse. « Nous essayons de ne rien gâcher », précise Jean Marchal.

Explosion de la demande en bois

Sur le papier, les ambitions sont louables, mais des voix s’élèvent pour alerter sur la menace qui pèse sur la forêt des Landes de Gascogne. « On estime qu’il n’y aura pas suffisamment de bois pour tout le monde ! », déclarait en juillet à La Tribune Anne Guivarc’h, la directrice de la Fédération des industries du bois de Nouvelle-Aquitaine. Car ce projet n’est pas le seul projet industriel dans les cartons.

Quatre nouvelles usines, annoncées entre 2027 et 2030, vont solliciter la filière locale, dont le projet XXL d’Elyse Energy à Lacq et celui de Verso Energy à Tartas. Concernant le projet de Garlin, le Collectif Forêts Vivantes Pyrénées, qui regroupe 73 associations, a déposé un recours en contentieux contre la modification de PLU réalisée pour cette future implantation. « Dans un contexte de changement climatique qui a un impact sur la santé des forêts, ce projet est dément. Le problème, c’est le niveau industriel », s’exclame Agnès Lafaye, membre du collectif qui dit guetter les arbitrages de la cellule régionale biomasse.

Les carburants aériens durables au défi de s’industrialiser

50 % de résidus d’exploitation forestière

Consciente de la problématique autour de la ressource bois, l’entreprise Miraïa reconnait qu’il va falloir se poser des questions sur les usages actuels de la biomasse. L’entreprise s’appuie pour cela sur l’échelle réalisée sur la hiérarchie des usages de la biomasse à l’occasion du Grenelle de l’environnement en 2007. « Si l’alimentation est la priorité numéro une, les biofertilisants et les matériaux sont les usages classés 2 et 3 en termes de priorité d’utilisation devant la chaleur et l’électricité. Or aujourd’hui, 60 % du bois récolté en France part en combustion », explique Jean Marchal qui précise par ailleurs que Miraïa a fait évoluer sa technologie qui lui permet d’être très flexible au niveau des intrants. « Nous pourrons utiliser des plaquettes forestières, du broyat mais aussi certains déchets agricoles. »

L’outil pilote en cours d’installation dans la région toulousaine sera l’occasion de tester ces matières. À ce stade, le plan d’approvisionnement de Miraïa prévoit d’utiliser 50 % de résidus d’exploitation forestière et 50 % de déchets de revalorisation, type chutes en scierie et déchets verts. « Avec 60.000 tonnes de résidus, nous serons un petit acteur par rapport à une grosse papeterie qui consomme deux millions de tonnes de bois par an », souligne Julien Marchal.

Pas de quoi convaincre le collectif : « La filière des résidus est déjà utilisée ! », rebondit Agnès Lafaye favorable au développement de projets de territoire sur ces terres « qui ont été vendues par des agriculteurs à la communauté de communes ». Et d’ajouter : « Quel agriculteur local va acheter du biochar à 800 ou 1.000 euros la tonne ? » Sur la question du prix, 700 euros la tonne côté Miraïa, le biochar ne doit pas être comparé à de l’engrais. « On en met une fois, il reste dans le sol », explique Julien Marchal qui entend répondre à une demande de la viticulture. « C’est un produit qui permet la rétention d’eau. » Le débat s’annonce encore long et animé.

L’avenir de la forêt des Landes de Gascogne menacé par l’explosion de la demande en bois