Pas question de faire marche arrière sur la suppression des jours fériés ou encore sur le serrage de ceinture nécessaire en France. Dans son discours du 25 août, François Bayrou n’a pas rétropédalé sur son plan pour réduire la dette du pays. Bien au contraire, il a tenu à dresser un tableau bien sombre de l’état actuel des finances.
« Un danger immédiat pèse sur nous, auquel nous devons faire face […] Notre pays est en danger car nous sommes en risque de surendettement », a-t-il avancé avant de chiffrer concrètement : « L’an dernier, c’était 60 milliards. Cette année, ce sera 66 milliards. L’année prochaine, en 2026, au mieux 75 milliards. Et si nous ne corrigeons pas la trajectoire, en 2029, dit la Cour des comptes, 107 milliards. »
La dette première dépense de l’Etat, avant même l’éducation ?
Pour faire entendre ses arguments, le Premier ministre n’a pas hésité à pointer du doigt la répartition des dépenses de l’Etat : « La charge de la dette va devenir cette année le budget le plus important de la Nation. Les annuités que nous devons rembourser vont être plus lourdes que le budget de l’Education nationale et que le budget des Armées. » Effet garanti pour François Bayrou, son affirmation choque.
On peut considérer le budget de ces ministères de deux manières différentes : en y incluant, ou non, les dépenses des pensions dans le total. « Hors retraites, la dette est déjà au-dessus pour l’Education nationale qui a un budget de 64,3 milliards d’euros », avance Olivier Babeau, économiste et président de l’Institut Sapiens.
En revanche, si l’on inclut les dépenses des pensions, le budget de l’enseignement scolaire atteint alors les 88,7 milliards d’euros. Nettement supérieur à la dette. Pour ce qui est des Armées, dans les deux cas François Bayrou a raison puisque le budget de la Défense pensions incluses est de 60,9 milliards d’euros en 2025.
« C’est important de se rendre compte que même si la dette n’est pas constamment la première dépense selon les facteurs pris en compte, c’est tout de même l’un des premiers », souligne Olivier Babeau.
La France bientôt sous la tutelle du Fonds monétaire international ?
L’argument massue qui signifierait que la France traverse une crise sans précédent : le placement du pays sous la tutelle du Fonds monétaire international (FMI). Et pour certains c’est bien la menace qui plane au-dessus de nos têtes. Au mois de juin, les économistes estimaient ce scénario encore « improbable ».
Aujourd’hui, « on n’en est toujours pas là », estime Olivier Babeau. « C’est le bout du chemin, mais uniquement si on ne parvient pas à trouver une trajectoire d’amélioration », poursuit-il. Même son de cloche du côté d’Olivier Redoulès, économiste et directeur des études de Rexecode : « Il ne faut pas trop jouer à se faire peur avec le sujet d’une tutelle du FMI. »
Pour lui cette possibilité « n’est pas dans un horizon prévisible pour l’instant ». En effet, le spécialiste explique que « le FMI n’intervient pas pour des problèmes de dette publique seuls, mais pour des problèmes de balance des paiements, soit quand le pays n’arrive pas à payer les créanciers extérieurs ». Et aujourd’hui, nous n’avons pas de difficultés de ce côté-là. « On n’est pas très loin de l’équilibre », ajoute même Olivier Redoulès.
De plus, l’institution « intervient rarement pour des pays industrialisés, et plutôt pour des pays en développement avec une crise de change ». Actuellement, de nombreux pays sont couvrerts par un programme de financement du FMI : Ukraine, Egypte, Maroc, Ghana, Colombie… Le Portugal, la Grèce ainsi que l’Islande, par exemple, en ont bénéficié après la crise financière de 2008.
Bayrou a-t-il fait exploser la dette avec son discours ?
Après l’allocution du Premier ministre, la dette aurait explosé selon certains. Le taux d’intérêt des obligations françaises a dix ans a déjà progressé au-delà de 3,50 % depuis sa prise de parole. Pour Olivier Redoulès, « exploser est un terme trop fort. La hausse depuis hier traduit une appréhension pour le risque ».
« Les taux d’intérêt de la dette ont légèrement augmenté car le discours du Premier ministre a fait craindre au marché qu’on aille dans une impasse budgétaire », détaille Pierre Jaillet, économiste à l’Institut Jacques Delors. « Mais les taux d’intérêt sont relativement volatiles et se mesurent au minimum par trimestre », ajoute-t-il. On ne peut donc pas parler d’une réelle hausse de la dette en se basant sur cette seule journée.
Olivier Redoulès tient en revanche à souligner que « bien que la tendance ne soit pas bonne, on est au début d’une pente et le précipice est encore loin ». Et d’ajouter : « Si on accumule les blocages, les mauvaises orientations budgétaires, alors on aura des difficultés. La bonne nouvelle c’est qu’on a quand même des marges de manœuvre. »