Pio Marmaï, Nemo Schiffman et Sofiane Zermani, ici dans « Le Roi Soleil ».

Srab Films – Easy Tiger

Pio Marmaï, Nemo Schiffman et Sofiane Zermani, ici dans « Le Roi Soleil ».

CINÉMA – Certains y vont pour s’acheter des clopes. D’autres, des jeux à gratter. Combien d’entre eux en sortent avec un ticket d’Euromillions gagnant ? Peu, c’est certain. On leur souhaite de connaître une fin plus heureuse que dans Le Roi Soleil, un étourdissant huis clos dans un bar-tabac versaillais à voir au cinéma, à compter de ce mercredi 27 août.

Son histoire, c’est d’abord celles de deux flics en fin de service. Pour Livio (Pio Marmaï) et Reda (Sofiane Zermani), la nuit a été longue. Un dernier verre ne serait pas de refus. Le jour se lève à peine, mais ils ne sont pas les seuls dans ce petit PMU. Un jeune infirmier (Panayotis Pascot) finit sa cigarette dans l’arrière-cour. Un trader égaré (Joseph Olivennes), sans chaussures ni pantalons, pionce à moitié.

Nico (Xianzeng Pan) sert les clients, pendant qu’Esmé (Lucie Zhang), la serveuse, prépare des sandwichs en cuisine entre deux cours sur son ordi. Et alors qu’un mec un peu louche (Nemo Schiffman) débarque au bar, un vieux monsieur (Claude Aufaure) fait, lui, son entrée dans l’établissement. Il commande un verre de blanc, et file vérifier les numéros de sa dernière grille du loto.

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Le vieillard n’en croit pas ses yeux : il a gagné. Le compteur affiche 294 millions d’euros. Sur les conseils du gérant, il déguerpit jusqu’à sa voiture. Il lui faut vite partir pour réclamer son dû. Dans la précipitation, il oublie son ticket au bar. À son retour, l’ambiance a changé. Une bagarre éclate. Un coup de feu est tiré. Le petit vieux meurt. Que faire du corps, et du bout de papier ? À eux de l’inventer.

Le bar-tabac, un lieu « désuet » ?

Sorte d’Ocean’s Eleven dans sa version bras cassés à la française, le nouveau film du réalisateur des Magnétiques (César du meilleur premier long-métrage, en 2022) interroge non seulement notre propre rapport à l’argent, mais aussi les frontières entre le réel, le possible et le vraisemblable. Trois notions chères au cœur d’Aristote distillées, ici, avec humour, tensions et onirisme.

Au cœur de la réflexion, un lieu : le bar-tabac. Un endroit « un peu désuet » d’ordinaire et « vieillot, qui représente le monde d’avant », selon Vincent Maël Cardona dans les notes de production. Ce qui l’intéresse, c’est sa contemporanéité. Malgré la perte de vitesse du lieu, celui-ci reste « un creuset, un lieu de brassage », continue le réalisateur.

Avant de préciser : « On y croise des gens de toutes les classes sociales, de tous les âges. Des gens qui, sinon, se croisent de moins en moins car notre monde est de plus en plus étanche. C’est un lieu qui donne sur la rue et sur l’espace public, un lieu où on passe, où on s’arrête. Il y a des interactions, il s’y passe des choses. »

La Française des Jeux

Fusillade, séquestration et love story… Dans le sien, c’est le moins qu’on puisse dire. Conçu avec la cheffe décoratrice Marion Burger (Gagarine, Divines), le bar évolue avec ses personnages. La salle principale est typique du PMU. La cave rappelle les films d’horreur. Sa cuisine, le cinéma asiatique. Son arrière-salle, un ancien dancing flanqué d’une scène et de rideaux noirs, a quelque chose de lynchien.

Cette dernière devient « le théâtre de la déréalisation des personnages », continue le cinéaste de 45 ans. Là-bas, la réalité leur échappe. Ils divaguent, et se mettent chacun à rêver d’une autre issue de sortie, à fantasmer sur ces millions d’euros. « Ce lieu sans murs est conçu comme une matrice fictionnelle, un espace où l’on se réfugie, mais où l’on va mourir », estime Vincent Maël Cardona.

Rien n’est laissé au hasard dans cet endroit, où la vérité nage dans une forme de délire. Allumée tout du long, la borne lumineuse de la Française des Jeux peut en témoigner. Le choix d’interpréter Never Gonna Change de Sharon Van Etten au karaoké, aussi. « Forever turns into today », commence Maria De Medeiros au micro. En français : « L’éternité se transforme aujourd’hui. » Dans le film, ce PMU ou tous les autres ? On ne sait plus.