Victorieux d’une étape et leader du classement général de la Vuelta 2025, David Gaudu s’offre un beau retour au premier plan. Présenté comme un potentiel vainqueur de Grand Tour au début de sa carrière, le Français de la Groupama-FDJ a aussi traîné une mauvaise image dans le peloton et auprès d’une partie du public.
Après un début d’année 2025 marqué par un Giro raté et une absence surprise sur le Tour de France, David Gaudu se refait la cerise lors de la Vuelta. Vainqueur de la troisième étape devant les favoris, le Français de la Groupama-FDJ s’est aussi emparé du maillot rouge de leader du Tour d’Espagne devant Jonas Vingegaard.
« Merci à l’équipe. Ils ont su me remobiliser et ils n’avaient aucune certitude il y a encore trois jours sur mon niveau en course », a même savouré le Breton ce mardi après être allé chercher la première place du classement général. « Ils m’ont fait confiance l’autre jour, ils m’ont fait confiance lundi et ils m’ont encore fait confiance aujourd’hui. C’est aussi pour eux que je suis allé chercher ce maillot. »
Le crack annoncé, souvent placé mais rarement gagnant
Une belle revanche pour David Gaudu dont l’image ne reste pas fameuse auprès du grand public. La faute, notamment, aux grands espoirs placés en lui depuis ses débuts. Lancé chez les pros en 2017 dans la foulée de sa victoire sur le Tour de l’avenir, le Costarmoricain semblait destiné à briller sur les courses par étapes.
A l’aise en montagne, le coureur biberonné par Marc Madiot à la FDJ était LE nouveau visage du cyclisme tricolore, celui capable de succéder à Romain Bardet et Thibaut Pinot dans le cœur des Français. Mieux, son potentiel devait lui permettre d’aller titiller les cadors du peloton sur le Giro, sur la Vuelta et même sur la Grande Boucle. Au point, peut-être, de devenir le premier coureur bleu titré depuis un autre illustre Breton: Bernard Hinault.
Mais tout ne s’est pas passé comme prévu pour David Gaudu. Souvent placé, avec notamment un top 10 sur la Flèche wallonne ou Liège-Bastogne-Liège, le Français ne gagne pas pendant ses trois premières saisons en professionnel. Et sa prometteuse 13e place sur le Tour de France 2019 ne contribue pas à faire grandir sa cote de popularité auprès des fans.
Si bien qu’il faudra attendre 2020 pour le voir gagner sur le circuit World Tour avec son doublé sur la Vuelta (11e et 17e étape) et sa belle huitième place du classement général quelques semaines après son abandon sur le Tour. Dans la foulée David Gaudu va connaître ses plus belles années avec une onzième (2021) puis une quatrième place (2022) sur le Tour de France ainsi qu’un podium sur Liège-Bastogne-Liège, et des victoires d’étapes sur le Tour du Pays basque ou sur le Critérium du Dauphiné.
Il rate de peu la victoire sur Paris-Nice en 2023 en terminant à seulement 12 secondes de l’ogre Pogacar et attend toujours de lever les bras sur le Tour de France. Des déceptions et frustrations qui ont nécessairement joué sur ce désamour du public.
L’héritier dans l’ombre de Pinot
Au-delà du fait de ne pas marquer les esprits par des victoires de prestige, David Gaudu a aussi grandi au côté de Thibaut Pinot. D’abord présenté comme un équipier de luxe pour le véritable chouchou du public, le Breton a rapidement pris le leadership au sein la Groupama-FDJ à partir de 2021. Et la cohabitation entre les deux hommes n’a pas toujours été parfaite, malgré un profond respect.
Gaudu / Pinot, est-ce que ça peut marcher ? Vincent règle le problème – 23/06
Quand Thibaut Pinot était le numéro 1, David Gaudu n’a pas spécialement réussi à l’aider à briller ou du moins, cela n’a pas toujours été mis en avant. Et vice-versa, quand les rôles ont été inversés, Thibaut Pinot a régulièrement bénéficié (ou pris) de libertés pour tenter des coups en solitaire. Notamment sur le Tour de France où le public français a toujours continué de l’encourager et de vibrer pour lui.
Et si Thibaut Pinot a vite séduit les Français par sa simplicité et cette image de loser magnifique capable d’éclats incroyables comme à l’Alpe d’Huez en 2015 ou au Tourmalet en 2019, David Gaudu n’a pas encore su créer ce lien et cette proximité. Difficile, par exemple, d’imaginer voir un des supporters s’unir pour le coureur de 28 ans comme cela a été le cas autour du Collectif Ultras Pinot.
David Gaudu et Thibaut Pinot avant le départ d’une étape sur le Tour de France 2023 © Icon Sport
Au moment de sa prolongation avec la Groupama-FDJ (jusqu’en 2027) au mois de mai dernier, David Gaudu s’est clairement ouvert sur cette relation avec Thibaut Pinot qu’il voyait pourtant comme un modèle.
« Il y a eu un petit passage de témoin en 2022 quand il a eu le Covid-19 et qu’il n’est pas arrivé sur le Tour de France à 100 %. Marc (Madiot) m’a dit qu’il allait me donner le leadership et ça a grincé des dents dans les journaux, chez les fans », se souvient ainsi le coureur lors d’un entretien au journal L’Equipe.
« La passerelle a été difficile à ce moment-là. Ça a été une période charnière pour moi. »
Des embrouilles avec plusieurs coéquipiers, des lives qui ne passent pas
David Gaudu semble avoir digéré petit à petit ce début de carrière dans l’ombre de Thibaut Pinot. Mais un autre point clé est venu nuire à son image: son comportement avec certains coéquipiers de la Groupama-FDJ. Si le choses paraissent au beau fixe sur cette Vuelta 2025, cela n’a pas toujours été le cas au sein de la formation tricolore. Bien au contraire.
Et le comportement de David Gaudu n’y est pas forcément étranger. En voulant se rapprocher du public et aussi parce qu’il aime l’exercice, le coureur s’est lancé dans des directs sur les réseaux sociaux. Mais ces lives ont donné lieu à plusieurs dérapages verbaux où il a ouvertement taclé des membres de son équipe dont Arnaud Démare.
Depuis un Tour de France 2018, très compliqué à vivre entre les deux hommes où le forfait de Thibaut Pinot avait conduit Marc Madiot à miser sur le sprinteur tout en offrant une chance de se montrer à David Gaudu, Arnaud Démare et son cadet ont très mal cohabité au sein de la Groupama-FDJ. Au point de voir le nouveau leader de l’équipe lâché début 2023 qu’il faisait tout son possible pour que le triple champion de France ne soit pas aligné sur la Grande Boucle à ses côtés.
Un autre dossier est venu renforcer la sale réputation dont est affublé le leader de la Groupama-FDJ en 2025. De retour à la compétition et vainqueur sur le GP Jean-Pierre Monseré en Belgique début mars, Alexys Brunel a ensuite fracassé David Gaudu. Le coureur de 26 ans n’avait pas apprécié les commentaires de celui qui a été son coéquipier à la Groupama FDJ en 2020 et 2021 au moment de l’interruption de sa carrière en 2022. David Gaudu avait alors accusé Alexys Brunel de manquer de sérieux, mettant en avant ses retards répétés et ses passions en-dehors du cyclisme. La réponse a fusé.
« Lui, je le déteste. Il m’a craché dessus sur ses live à la con », avait dézingué le revenant lors d’un échange avec le Magazine L’Equipe. « Un mec horrible. Il se prend pour un champion, il ne l’est pas. »
Et Alexys Brunel d’enfoncer le clou en comparant David Gaudu et l’icône Thibaut Pinot. Malgré les victoires qu’il a pu remporter, le Breton n’arrive pas à la cheville de son aîné: « Rien à voir avec Thibaut Pinot, une idole. Quand Thibaut était dans ma roue, je me donnais à 1 000 %, j’aurais pu m’étaler au sol. »
Des petits « caprices » difficiles à encaisser, une image assez froide auprès des fans
Et malheureusement pour lui, à tort ou à raison, cette image négative reste bien ancrée dans l’esprit des fans. Il suffit de taper le nom du Français dans la barre de recherche sur les réseaux sociaux pour voir pleuvoir des critiques (parfois injustes) à son sujet. Certains internautes lui reprochent d’être trop distant avec le public pendant les courses et d’autres vont même à le tacler pour son look de premier de la classe.
Et certaines petites séquences sont parfois venues entretenir cette image négative et un peu froide comme son récent coup de sang après sa chute lors de la 7e étape du Giro. Touché à la main et visiblement en souffrance, David Gaudu s’est emporté contre la voiture de la direction de course qui lui a reproché de prendre trop de temps pour se faire soigner.
Autant de petits événements et faits de course qui ont renforcé une certaine négativité autour de lui. De quoi conduire Marc Madiot à prendre sa défense en marge de ses récents succès sur la Vuelta.
« Je trouve qu’il ne mérite pas tout ce qu’on lui met sur la gueule », confie le patron de la Groupama-FDJ ce mercredi auprès de Ouest-France. « Il n’a pas toujours bien fait, mais c’est un bon mec. Quand ça va bien, il joue avec les meilleurs. Même quand il fait quatrième du Tour (en 2022), certains venaient dire que l’objectif était de faire podium… »
Le début de la rédemption pour Gaudu?
L’année 2025, aussi galère qu’elle soit, aura quand même permis une forme retour au premier plan pour David Gaudu. D’abord en retrait après ses soucis sur le Giro puis son forfait sur le Tour de France, le Breton a retrouvé le goût de la victoire en Espagne et cela donne de beaux espoirs pour 2026.
Mieux, après avoir eu du mal à partager le leadership au sein de la Groupama-FDJ, son duo avec Guillaume Martin-Guyonnet semble assez prometteur. La personnalité plus discrète du Normand qu’un Démare ou moins médiatisée qu’un Pinot, a pu favoriser cette collaboration entre les deux co-leaders. Enfin, et s’il a prolongé de deux ans son aventure au sein de son équipe de toujours, David Gaudu a clairement ouvert la porte à la nouvelle génération du cyclisme français. En clair, les chances de victoires sur un Grand Tour ne reposent plus sur lui… et ça lui fait du bien.
« Moi, je n’ai jamais été la personne qui allait remplacer Thibaut Pinot. Beaucoup ne le savent pas ou ne le comprennent pas. J’entendais »il ne remplacera jamais Pinot ! », mais je suis pas là pour ça, oh! Je suis David Gaudu », lance même volontiers le coureur de 28 ans au moment de sa prolongation pour le journal L’Equipe. « On a des personnalités différentes, des qualités différentes, des défauts différents. Je pense même que des Paul Seixas ou Lenny Martinez sont déjà plus forts que nous, Guillaume et moi. » Voilà peut-être qui lui permettra de se libérer et de profiter de bons de sorties sur la Grande Boucle afin de faire vibrer le public.
Jean-Guy Lebreton Journaliste RMC Sport