Près d’un an après le retentissant procès des viols de Mazan, qui a vu Dominique Pelicot condamné à vingt ans de prison en décembre 2024 pour les viols aggravés commis sur son épouse Gisèle, droguée à son insu et livrée à des dizaines d’hommes pendant près de dix ans, les blessures restent vives pour les victimes collatérales. Dans une interview bouleversante accordée au quotidien britannique The Telegraph, Caroline Darian, la fille du couple, livre un témoignage poignant sur l’onde de choc de cette affaire et la fracture irrémédiable avec sa mère, Gisèle Pelicot.
Convaincue d’avoir elle aussi été droguée et abusée par son père, l’autrice de Et j’ai cessé de t’appeler Papa et Pour que l’on se souvienne a porté plainte en mars 2025 pour « administration de substances psychoactives » et « abus sexuels » qu’elle estime que Dominique Pelicot a « certainement commis » à son encontre.
Des éléments troublants dans l’affaire
Lors de l’instruction, des éléments troublants ont été découverts dans le matériel informatique de son père : deux photos d’elle, inconsciente, portant des sous-vêtements qui ne lui appartiennent pas, ainsi que des fichiers intitulés ‘Ma fille à poil le 9 juillet 2020’ ou ‘Montage mère/fille comparatif de face’. Des conversations Skype ont également révélé que Dominique Pelicot aurait partagé des images et vidéos d’elle nue avec un internaute anonyme.
« C’était une déflagration », confie-t-elle, évoquant les années de problèmes gynécologiques inexpliqués, dont une déchirure vaginale persistante, qui l’ont conduite à une hospitalisation en psychiatrie pendant 72 heures. Mais ce qui hante Caroline Darian autant que les abus présumés est l’attitude de sa mère, Gisèle Pelicot, devenue une figure publique saluée comme une icône pour son courage face à l’horreur. « Ma mère n’est pas une icône. Pas à mes yeux », assène-t-elle.
« Ce n’est pas une icône à mes yeux »
Pendant le procès, Caroline attendait un soutien de sa mère, qu’elle avait accompagnée sans relâche pendant quatre ans. « Je l’ai soutenue sans jamais la juger. Et ce n’était pas facile, car elle ne voulait pas entendre ce que j’avais à lui dire sur Dominique. Mais dans ce tribunal, elle était censée m’aider moi », explique-t-elle. Pourtant, Gisèle Pelicot a refusé de croire les accusations de sa fille contre son père, affirmant qu’il « était incapable de lui faire ça ». « Ma mère m’a lâché la main dans ce tribunal. Elle m’a abandonnée », déplore Caroline. « Et pour ça, je ne pourrais jamais lui pardonner, jamais. »
Le fossé entre les deux femmes s’est creusé davantage lors du procès, où Gisèle lui aurait reproché de « se donner en spectacle », notamment après que Caroline a lancé à son père qu’il allait « mourir seul, comme un chien ». « C’est à ça que ça ressemble vraiment en coulisses », confie-t-elle, décrivant la solitude dans laquelle elle et ses deux frères, Florian et David, ont été plongés.
Ni père, ni mère
Caroline Darian reproche à sa mère de ne pas avoir « respecté les clauses du contrat » de la maternité : « Elle a commencé une nouvelle vie, et je le respecte. Mais on reste mère jusqu’à la mort, peu importent les procès et tribulations. Pas elle. » Elle exprime également une douleur singulière : « La différence entre nous, c’est qu’elle a choisi Dominique comme son mari. Moi, je ne l’ai pas choisi comme père. Donc, pour moi, la peine est double. »
Notre dossier sur l’affaire Mazan
Malgré sa compréhension des traumatismes subis par sa mère, qui pourraient expliquer son incapacité à soutenir davantage sa fille, Caroline reste profondément blessée. « Nous n’avons plus ni père, ni mère », conclut-elle, amère, tout en espérant encore que Gisèle Pelicot « regardera en arrière ».