Des chirurgiens ont implanté un poumon issu d’un cochon génétiquement modifié chez un humain dans un état végétatif, où il a fonctionné correctement pendant plus d’une semaine. Une grande première qui repousse les limites d’une technique très prometteuse, susceptible d’avoir un impact significatif sur la santé publique à moyen et long terme.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, seuls 10 à 20 % des personnes en attente de greffe finissent par en bénéficier, tandis que le reste est contraint de rester sur des listes d’attente interminables. Les chercheurs explorent donc des sources alternatives, comme la culture ou la bioimpression 3D d’organes fonctionnels sur mesure à partir des propres cellules du patient. Malheureusement, ces techniques sont encore loin d’être suffisamment matures.
En attendant, les spécialistes ont commencé à s’intéresser à la xénotransplantation (ou xénogreffe), qui consiste à greffer un organe provenant d’une espèce relativement similaire au niveau physiologique.
Jusqu’à présent, la grande majorité de ces expériences se sont focalisées sur les porcs, pour plusieurs raisons. La première est que leurs organes sont assez similaires aux nôtres, tant en termes de taille que de fonction. En outre, leur génome a déjà été relativement bien cartographié, ce qui permet aux chercheurs de procéder à des modifications génétiques pour réduire les risques de rejet et d’infection.
© yairventuraf – Pixabay Des résultats cliniques mitigés
Ce champ de recherche a déjà produit quelques résultats prometteurs ces dernières années. En 2022, des chirurgiens américains ont réalisé avec succès la toute première greffe d’un cœur de porc génétiquement modifié pour en améliorer la compatibilité. Deux ans plus tard, des médecins chinois ont fait de même avec un foie, tandis qu’une autre équipe américaine répétait l’opération avec un rein.
À ce jour, au moins huit transplantations de ce genre ont été réalisées, avec des résultats mitigés. Dans la plupart des cas, les patients sont décédés quelques semaines ou mois après l’opération.
Malheureusement, c’est aussi ce qui s’est produit lors de cette première xénogreffe de poumon porcin. Vingt-quatre heures après l’opération, réalisée sur un patient dans un état végétatif, l’organe a commencé à subir des dégâts sévères, probablement à cause d’une inflammation liée à la procédure. Il a finalement cessé de fonctionner neuf jours plus tard, incapable de résister aux assauts du système immunitaire.
Le poumon, un greffon particulièrement délicat
Ce résultat était malheureusement assez prévisible. En effet, lors d’une greffe, la principale difficulté est de s’assurer que l’organe sera accepté par l’organisme du receveur. Cela est tout sauf évident à cause du système immunitaire, qui élimine rigoureusement tous les corps étrangers pour éviter les infections et les maladies. Les organes provenant d’un autre individu, et a fortiori d’une autre espèce, sont donc ciblés directement par le système immunitaire, conduisant à une réaction violente et potentiellement fatale : le rejet.
Pour limiter l’impact de ces rejets, les médecins recourent à des médicaments qui réduisent l’activité du système immunitaire. Cette approche fonctionne remarquablement bien pour la plupart des organes internes. Mais les poumons font malheureusement figure d’exception.
Contrairement au cœur ou aux reins, les poumons sont conçus pour exister au contact du milieu extérieur — l’air inspiré, en l’occurrence. Pour jouer ce rôle d’interface correctement tout en protégeant l’organisme contre les substances toxiques et les agents pathogènes, ils doivent disposer d’un système de défense très performant. Forcément, cela complique les greffes, où l’on cherche à endormir le système immunitaire pour éviter un rejet.
Les chercheurs à l’origine de cette procédure inédite en ont fait l’amère expérience, puisque leur greffon n’a pas tenu bien longtemps par rapport aux autres organes de porc greffés ces dernières années.
Une nouvelle preuve de concept encourageante
Il serait néanmoins injuste de considérer cet essai comme un échec total. Comme les autres xénogreffes, il faut l’interpréter comme une preuve de concept encourageante. Même si nous sommes encore loin de pouvoir remplacer totalement les greffes conventionnelles, ces travaux montrent que la xénotransplantation pourrait un jour devenir viable sur le long terme.
Tout l’enjeu sera donc de continuer à peaufiner ces techniques, en identifiant des cocktails d’immunosuppresseurs parfaitement calibrés et en optimisant les modifications génétiques antirejet pour que ces greffons puissent fonctionner correctement sur le long terme.
Certes, la route reste longue, sans parler des débats éthiques et réglementaires qui entourent ce champ de recherche – mais le jeu en vaut la chandelle. Il sera intéressant de suivre l’évolution de ces techniques qui, une fois matures, pourraient permettre de sauver d’innombrables vies dans un futur relativement proche.
Le texte de l’étude est disponible ici.
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