Toute première REF (Rencontres des Entrepreneurs de France / Medef) pour Franck Cannata en qualité de président de l’UPE 06, avec une solide délégation en garde rapprochée. Questions à l’issue du discours inaugural de Patrick Martin, président du Medef, ce 27 août à Roland Garros.

 

Vous êtes à la tête de la délégation du 06 à Roland-Garros, quel est votre ressenti sur ce que vient de dire Patrick Martin en ouverture de la REF 2025 ?

 

Pour moi, le président du MEDEF a été très clair. Il y a une inquiétude réelle des chefs d’entreprise, et une situation préoccupante de l’économie à bien des niveaux. Dans les branches, d’une part, beaucoup d’entre elles sont impactées, pour ne pas dire la quasi-totalité. Le BTP, la restauration, l’intérim, la chimie… Vient s’ajouter à cette situation plus que préoccupante l’annonce de notre Premier ministre, qui, évidemment, inquiète encore un peu plus le monde économique, en déstabilisant encore le jeu. Considérer que si dissolution il y a, ce qui permettrait d’attendre jusqu’à 2027 et les nouvelles élections cela a été dit très clairement, c’est évidemment une stratégie… qu’il ne faut surtout pas retenir. Parce que nos amis européens ne nous attendront pas. Au contraire, ils continuent de prendre de l’avance, à performer, à surperformer même, là où nous, nous enchaînons les difficultés. L’Espagne a été nommée. Le Portugal, l’Italie, la Grèce, la Pologne ont été nommés. Des pays qui, historiquement, étaient plutôt à la traîne, sont passées devant nous, et de façon significative. Tout simplement parce que la cohésion entre le monde économique et le monde politique est plus performante que la nôtre.

 

On peut aussi parler de l’Allemagne…

 

Les Allemands ont, tout comme nous, une difficulté à se remettre à niveau. Ils essayent de trouver des solutions, mais a priori, c’est sans doute un peu moins performant, les chiffres le prouvent, que les solutions qui sont mises en place en Italie, en Espagne ou au Portugal.

 

Qu’est-ce qui bloque en France ?

 

Toujours la même facilité, la même logique, à taxer toujours plus. Plutôt que réduire les dépenses…  Force est de constater que ça ne s’améliore pas ; pire, la dette s’aggrave toujours plus, au fil des ans, et même des mois, et on n’inverse pas la tendance. C’est à mon sens extrêmement inquiétant. 

Evoquée aussi par Patrick Martin, la confiance des Français, qui se résume en réalité à la confiance des entreprises. C’est une très bonne chose, mais l’entreprise, pour satisfaire cette confiance, doit elle-même performer. Et pour performer, encore une fois, elle doit en avoir les moyens. Elle doit en avoir la facilité, la latitude. Et non pas être coincée dans un carcan administratif, fiscal, qui la pénalise toujours un peu plus. C’est frustrant.

 

Les signes les plus tangibles de cette dégradation ?

 

D’abord le taux de chômage qui ne s’améliore pas (ou plus), bien au contraire. Ça n’a pas été cité, mais je crois que le dernier taux donné est à  7,5%, et même 19% chez les jeunes. C’est particulièrement inquiétant, c’est un sujet sur lequel il faut prioriser l’action. D’autant plus quand on sait que 63% des jeunes, et ça, c’est une information importante à retenir, se disent prêts à devenir chefs d’entreprise, à créer leur boîte… On doit surfer, on doit faciliter, on doit favoriser ce vivier de nouvelles créations de sociétés, pour créer des emplois par ricochets. 

Il y a aussi des difficultés avec nos partenaires historiques. Les Etats-Unis, la Chine, la Russie… On l’a dit plusieurs fois, mais il faut absolument, urgemment, se tourner vers d’autres horizons : l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie notamment, sont des pistes qu’il faut absolument creuser pour encourager les entreprises à s’ouvrir davantage, pour contrebalancer les difficultés que l’on rencontre aujourd’hui sur nos marchés historiques, devenus instables ces derniers temps, avec des décisions qu’on ne pouvait pas forcément anticiper, et ça ne se limite pas aux droits de douane. C’est beaucoup plus global…  Il faut que nos entreprises exportatrices puissent être aiguillées sur d’autres pistes de développement pour arriver à trouver un équilibre, sans mettre tous leurs oeufs dans le même panier.

 

Mêmes causes, mêmes effets dans le 06 ?

 

Sur les Alpes-Maritimes, c’est un écosystème un petit peu différent. Sur l’industrie notamment,  nous sommes sans doute plus protégés qu’ailleurs, grâce à des filières très spécifiques, parfum, santé, véto, qui peut-être sont un petit peu moins impactées par la crise que d’autres segments.

Le BTP, par contre, comme ailleurs en France, souffre, c’est évident, comme le commerce non alimentaire et le retail.

Sur le territoire des Alpes-Maritimes, ce qu’il faut absolument, c’est arriver à proposer du logement, encore plus qu’ailleurs. Les entreprises ont besoin de loger leurs salariés, qui aujourd’hui quittent notre département. Et ça, c’est inquiétant, pour toutes les filières. Attirer des compétences aujourd’hui, c’est compliqué. Les conserver, c’est encore plus compliqué. 

 

Le moral des troupes, vu de l’UPE 06 ?

 

Au fond de nous, chefs d’entreprise, nous restons positifs.Pour autant, il y a une réalité. La rentrée est brutale, d’autant plus devant l’annonce d’un gouvernement qui a de grandes chances de se crasher.  Ça perturbe à nouveau. L’année dernière, à la même date, on n’avait …personne, pas de gouvernement. Un an plus tard, toujours pas de stabilité politique, ce n’est pas de nature à nous plonger dans une visibilité qui nous permet d’investir, d’avancer de façon sereine. Une entreprise, je l’ai souvent dit, quelle qu’elle soit, et quelles que soient ses priorités, doit d’abord savoir où aller, avoir la capacité de se projeter. 

 

« Il faut libérer le travail. Laisser bosser les gens. Favoriser la création de richesses plutôt que taxer la création de richesses. »

 

 

La délégation UPE 06, ce 27 août, sur le stand du Medef Sud Corsica

 

 Une solution à court (moyen, on est en France…) terme ?

Il faut avoir le courage de dépenser moins. La solution, c’est de réduire -vraiment- les dépenses publiques. Ce n’est pas la seule solution, mais c’est l’une des priorités. Si on veut faire 44 milliards d’économies, automatiquement, se dégagent deux hypothèses : soit réduire les dépenses, soit augmenter les recettes. Augmenter les recettes, ça n’est plus possible, nous sommes déjà les leaders mondiaux en termes de taxes. Donc il faut réduire les dépenses. Encore une fois, c’est mathématique.

 

« Le chef d’entreprise joue avec son portefeuille. Il dépense l’argent qu’il a transpiré, pas celui des autres »

 

 

Une conclusion sur la REF. Premières impressions 2025 ?

 

La REF pour moi, c’est le maximum de rendez-vous pour s’inspirer de ce que font d’autres territoires… C’est très important de pouvoir identifier les pistes, quelles qu’elles soient, mises en place ailleurs, celles qui fonctionnent. C’est tout l’intérêt de la REF : échanger avec d’autres territoires, d’autres dirigeants, hors écosystème azuréen, sur des problématiques qui, en règle générale, sont communes, mais qui sont parfois perçues -ou traitées différemment. Enrichissant.